‘Snow Clasico’: Récit d’un Match Enneigé

Pour commémorer les cent ans du soccer aux Etats-Unis, la fédération américaine avait eu la merveilleuse idée de préparer un nouveau maillot, tout de blanc. Sur le papier, une belle idée, mais le timing allait être le pire possible.

Nous sommes le 22 Mars 2013, et l’ambiance au sein de l’équipe nationale des Etats-Unis n’est pas au plus haut. Les qualifications pour la Coupe du Monde 2014 commencent mal avec une défaite, le 6 février 2013, face au Honduras 2 à 1. Dans quatre jours, Jürgen Klinsmann (à la tête de la sélection depuis presque deux ans) et ses joueurs auront la dure tâche de se déplacer au Mexique, dans le grand Stade Aztèque, où les fans devraient arriver par dizaine de milliers.
Pour le moment cependant, personne ne pense au soleil radieux de Mexico. Les joueurs sont à Denver, Colorado, dans le Dick’s Sporting Good Park où évoluent normalement les Rapids du Colorado, concentrés pour le match face au Costa Rica. Ils le savent, ils doivent se reprendre. Trois jours plus tôt, Brian Strauss publiait un article controversé dans Sporting News, où des joueurs sous couverts d’anonymat s’en prennent aux méthodes étranges et peu professionnelles de Klinsmann. Ce dernier le sait, le moral du groupe est au plus bas alors que la Team America doit pouvoir utiliser sa très belle génération (Clint Dempsey, Jozy Altidore, Michael Bradley, Brad Guzan et Jermaine Jones sont titulaires) pour se qualifier pour la Coupe du Monde au Brésil.

L’ambiance n’allait pourtant pas se réchauffer à Denver, littéralement. « On est sorti sur le terrain avant le match pour prendre un peu d’air frais, il y avait quelques flocons qui tombaient du ciel. On est revenu pour le coup d’envoi, on ne voyait rien », résumera plus tard Michael Bradley.
Le coup d’envoi est donné, sur une pelouse légèrement recouverte de neige, qui repeint cependant le terrain en blanc. Entre le maillot des joueurs étasuniens et la balle jaune fluo, on ne voit rien : les 18.000 spectateurs qui restent debout, bravant le froid, ont du mal à décerner qui et où a le ballon.

En début de match, le jeu n’en est pas trop impacté, et Clint Dempsey marque même le but du 1-0 à la seizième minute, lui qui porte le brassard de capitaine ce jour-là. Au bout de trente minutes cependant, la neige commence à s’intensifier. « Je ne comprends pas, on est pas en Décembre ! » s’écrit Taylor Twellman, qui commente le match. A la mi-temps, les joueurs sont heureux de rentrer au vestiaire : « on ne sentait plus aucune partie de notre corps », dira Herculez Gomez « Si un bout de peau n’était protégé par aucun vêtement, il était instantanément glacé ».

Snow Clasico 1
Photo via Sports Illustrated

A la mi-temps, les services du stade tentent tant bien que mal de s’employer pour enlever la neige du terrain. Les commentateurs s’émerveillent devant la quantité de poudreuse qui commence à s’accumuler sur la pelouse, tout en faisant remarquer que tandis que les employés du stade déblayent un côté du terrain, l’autre s’enneige encore plus, rendant leurs efforts totalement vains.

Le coup d’envoi de la seconde mi-temps est tout d’abord retardé de quelques minutes. Les joueurs attendent dans le couloir, en plein courant d’air. Le terrain est recouvert de neige, seules les lignes autour du but et du terrain sont finalement vierges de toutes intempéries grâce au travail des employés du stade. Le match redémarre et, chose surprenante, les joueurs costariciens semblent plutôt bien s’adapter aux températures extrêmes et commencent à être menaçants aux abords du but de Brad Guzan. Seulement, à la 54ème minute, alors que les bourrasques de neige réduisent la visibilité à néant, les arbitres arrêtent la rencontre, jugeant les conditions météorologiques bien trop mauvaises. Les officiels des deux camps se réunissent ensemble, avec les membres de la Concacaf.
ESPN, qui couvre le match, ne sait pas comment informer ses spectateurs : personne n’a l’air de savoir, même parmi les employés de la Concacaf, si le match se rejouerait, si le score en resterait là, si on ne rejouerait que la deuxième mi-temps, etc. Quoi qu’il en soit, les officiels décident, grâce notamment à l’avis des joueurs costariciens qui sont sur une super dynamique et qui ne veulent pas s’arrêter là, que le match continuera à se jouer.
« C’était du grand n’importe quoi », commentera Herculez Gomez, « Il y avait tellement de poudreuse que sur l’aile gauche, pour faire circuler le ballon, nous devions jongler avec ». Du côté des médias, c’est encore pire. Premièrement, la visibilité des caméras est mauvaise, puisqu’elles sont trempées, et les spectateurs doivent regarder leur équipe jouer avec des énormes gouttes d’eau sur leur télévision. Deuxièmement, en tribune de presse, les commentateurs n’y voient plus rien. Sur le terrain, les bourrasques de neiges rendent invisibles les maillots blancs et le ballon jaune, et leurs moniteurs, placés face à la neige, sont aussi complètement recouverts de poudreuse.
À la 70ème minute, par exemple, le Costa-Rica marqueront un but finalement hors-jeu : il fallut plusieurs dizaines de secondes aux commentateurs -et aux joueurs eux-mêmes- pour visualiser une ombre jaune levant un drapeau de l’autre côté de la pelouse.
Le match se finira dans des conditions impraticables, avec une balle qui ne pouvait quasiment pas rouler et des joueurs trempés de la tête au pied.

 

 

La victoire 1-0 changera vite les opinions des costariciens, qui pourtant voulait continuer le match. Ils tenteront d’alerter la FIFA, en vain, la plainte étant déposée bien trop tard. « Depuis, il y a toujours un peu d’animosité entre le Costa Rica et nous », dira Hercules Gomez, « Et d’ailleurs lorsque nous nous sommes rendus chez eux quelques mois plus tard, on a été accueilli avec des sifflets et des insultes ».
Côté américain cependant, les joueurs qui resteront à saluer leurs fans pendant plusieurs minutes en garder un bon souvenir. « Je pense que l’expérience nous a plutôt réussi », dira plus tard Michael Bradley, « le contexte était difficile, et ce match fut le meilleur moyen pour que le groupe se soude pendant ces qualifications ». Un groupe qui fera un mondial 2014 plutôt réussi, grâce peut-être à ce Snow Clasico qui est depuis rentré dans le folklore des supporters de l’USMNT.

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Photo via ussoccer.com
Antoine Latran

Co-créateur de Culture Soccer. Ancien rédacteur Soccer Nord-Américain pour Lucarne Opposée. Fan de MLS depuis une balade dans Seattle un jour de match, j'écris sur Culture Soccer sur la MLS, la NISA, la sélection américaine, ainsi que sur des sujets mêlant le sport à la culture, la politique et l'économie.

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