Sous Donald Trump, l’Explosion d’un Soccer qui ne lui Ressemble Pas

Le 4 Février dernier se tenait le Superbowl, que nous n’avons pas besoin de vous décrire tant il est présenté dans les médias comme le plus gros événement sportif aux Etats-Unis chaque année. Le Président du pays Donald Trump était questionné à cette occasion sur l’événement par la journaliste Margaret Brennan, en réaction aux récentes études démontrant les dangers du football américain sur le corps humain :

« Laisseriez vous votre fils, Barron, jouer au football [américain] ?

_C’est une question très, très compliquée. Une très bonne question. S’il le voulait ? Oui. Est-ce que je le pousserais pour qu’il en fasse ? Non, sûrement pas.

_Pourquoi ?

_Je ne le ferais pas. Il joue d’ailleurs beaucoup au soccer. Il adore le soccer. Beaucoup de personnes, moi le premier, pensaient que le soccer ne pouvait jamais être un succès dans ce pays, mais ça se développe vraiment rapidement. »

Donald Trump, figure ultra-américaine au pays des yankees, a bel et bien désavoué le football et son Superbowl capitaliste, symbole de la consommation et de la folie américaine, pour le soccer, ce sport réputé communiste pendant la Guerre Froide et qui aujourd’hui, comme vous avez pu le voir sur Culture Soccer, est un sport qui exhibe fièrement ses valeurs progressistes et antifascistes.

C’est ce même Président qui a reçu la victoire pour l’organisation de la Coupe du Monde 2026, avec le Canada et le Mexique. Certes, le processus pour la Coupe du Monde avait débuté avec Barack Obama, qui bien que non connaisseur dans le sport, avait commencé à le suivre avec intérêt durant son mandat. D’abord pendant les Coupes du Monde 2010 et 2014, puis en invitant chaque année les équipes victorieuses de MLS à la Maison Blanche. Sa fille jouait d’ailleurs régulièrement au soccer, comme de nombreuses adolescentes américaines. Cependant, c’est sous l’ancien occasionnel joueur de College Soccer que le sport explose dans le pays, mais avec une dynamique bien éloigné de ses valeurs.

Politico
Trump est dans la rangée assise, quatrième en partant de gauche (Photo via Politico)

Sous son mandat, les Etats-Unis ont assisté à une Coupe du Monde dont ils étaient absents et qui – comble de l’ironie – se déroulait en Russie. Le soccer explose mais est accompagné de valeurs progressistes en Major League Soccer et dans les ligues inférieures, aussi poussé par l’intégration latino. Les franchises acquièrent de plus en plus de joueurs sud-américains et les foules se passionnent pour des vénézuéliens, des péruviens et des argentins. La superpuissance se fait battre à Trinidad et Tobago, tandis que l’équipe féminine expérimente une perte de domination sur le terrain mondial, dont elle était l’habituelle leader incontestée. La Liga MX et l’équipe nationale Mexicaine (qui reste la première équipe aux Etats-Unis) attirent les foules dans les stades sur le territoire américain et devant les écrans, bien plus que les franchises MLS et l’USMNT. Finalement, il y eu la victoire pour la Coupe du Monde 2026, que Donald Trump avait fortement appuyé mais cette dernière est celle de la coopération entre voisins d’Amérique du Nord, le Mexique et le Canada, alors que le Président multiplie les guerres commerciales avec les deux pays.
Donald Trump est peut-être le président du soccer, mais pas de celui dont il souhaite.

Le Président a un lien historique avec le sport. Dans sa jeunesse, à la New-York Military Academy, il faisait du varsity soccer avec son équipe universitaire, il était apparemment plutôt doué. Son camarade de classe, Ted Levine, en dit en interview qu’il aurait pu être professionnel en baseball mais aussi au soccer : « Il avait un don physique et mental […] C’était juste le meilleur, un très bon athlète ».
En 1992, il est d’ailleurs aperçu en train d’effectuer le tirage d’une League Cup, dans sa Trump Tower.

Ses liens avec le football anglo-saxon datent peut-être de là, mais ne se sont pas estompés. Friand de l’Ecosse, patrie de ses grands-parents et où il possède plusieurs terrains de Golf, Trump avait tenté d’acheter les Glasgow Rangers lorsque ces derniers expérimentaient une situation économique délicate. Seulement, il renonça en voyant l’état exécrable des finances du club protestant.

Les Rangers ne sont pas la seule tentative d’achat d’un club que fit le magnat de l’immobilier. En pleine campagne présidentielle, alors que le candidat s’égosille contre l’immigration massive de sud-américains (« ils viennent avec leurs drogues, avec leurs crimes. Ce sont des violeurs »), il tente le rachat d’un club colombien de Medellin, l’Atletico Nacional, avec un investisseur italien (Alessandro Proto, qui se définit comme « l’inspiration pour 50 Shades of Grey »). Leur offre de 100 millions de dollars sera cependant refusée, et la contre-offre sera trop haute pour les deux hommes.

« Le Donald » est toujours sujet à controverses et son implication avec le monde du soccer ne fait pas figure d’exception. Chuck Blazer, ancien président de la CONCACAF (Fédération de Football d’Amérique du Nord, Centrale et des Caraïbes), qui avait été au cœur d’un immense scandale mêlant corruption et pots-de-vin, avait de nombreux liens amicaux avec l’entrepreneur. Trump avait notamment loué l’appartement de Blazer pour des publicités pour sa « Trump University » (qui allait être renommée rapidement, puisque n’ayant d’université que le nom) à 5,000 dollars par jour. Chuck Blazer louait l’entièreté du dix-septième étage pour en faire les bureaux de la Concacaf, et vivait lui-même au 49ème, ce qui créa plusieurs suspicions pour le FBI lors d’une enquête judiciaire.

 Aujourd’hui, le Président Trump ne semble (malgré ses deux tentatives d’achats de club) toujours pas entièrement familier avec certains aspects du soccer. Lors de la visite de Giovanni Infantino (l’homme à la tête de la FIFA) à la Maison Blanche, présent pour parler de la Coupe du Monde 2026, le chef d’état s’est vu moqué sur les réseaux sociaux en déclarant : « Le soccer se doit d’être l’un des sports qui se développe le plus rapidement au monde » et en tentant d’infliger un carton rouge aux médias, en faisant mine de le lancer aux journalistes.

Cependant, Trump reste le dirigeant américain le plus intriquement lié au soccer. Ses expériences dans le milieu économique avec certains clubs et l’attribution de la Coupe du Monde 2026 qu’il a fortement appuyé (menaçant même certains pays de punitions économiques en cas de vote pour le Maroc) en sont la preuve. Après sa décision de déménager l’ambassade israélienne à Jérusalem, il a même hérité d’un club à son nom.

Son fils, Barron Jr, est peut-être le symbole le plus marquant du changement actuel de point de vue de la population américaine vis-à-vis de ce sport, lui qui a été décrit comme « fin connaisseur du soccer » par Patrick Mullins (DC United). Jouant dans les équipes des moins de 12 ans de D.C United, le club de Washington, il a été aperçu tapant le ballon rond dans les jardins de la Maison Blanche.
L’image peut sembler anecdotique, mais ceux qui connaissent le soccer aux Etats-Unis et son développement difficile ne peuvent qu’en rester bouche bée. Elle paraîtrait irréelle vingt ans auparavant : le fils du Président des Etats-Unis joue au soccer, dans le jardin de la Maison Blanche, avec de surcroît, un maillot d’Arsenal sur les épaules. Aujourd’hui, elle est aussi véritable que les milliers d’américains qui se rendent au stade chaque semaine et que de la propagation du sport dans le pays, des petites villes de province jusqu’à la résidence présidentielle.

Barron Arsenal
(Photo via @danasdirt)
Antoine Latran

Co-créateur de Culture Soccer. Ancien rédacteur Soccer Nord-Américain pour Lucarne Opposée. Fan de MLS depuis une balade dans Seattle un jour de match, j'écris sur Culture Soccer sur la MLS, la NISA, la sélection américaine, ainsi que sur des sujets mêlant le sport à la culture, la politique et l'économie.

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