Pour la saison MLS 2019, Culture Soccer vous offre un accès privilégié dans les coulisses du FC Cincinnati. Le club basé en Ohio fait son entrée dans l’élite américaine cette année. Vous aurez la chance de suivre le club d’expansion à travers les mots de Yoann Damet (YD), l’actuel entraîneur-adjoint. Pour le premier épisode du dossier « Il était une fois à Cincinnati », il sera question de la construction de l’effectif et des deux premiers matchs du club en MLS.
La création d’un groupe pour rivaliser
Devenu la 24e équipe de la MLS grâce à ses supporters hors normes et un groupe de dirigeants sérieux (article à lire à propos des propriétaires ici), Cincinnati sera intéressant à surveiller en tant qu’expansion. Ayant constitué son groupe d’un brillant mélange de joueurs USL et MLS, Cincinnati voudra créer la surprise lors de sa première saison malgré les doutes de nombreux observateurs.

Cependant, construire un effectif compétitif en MLS n’est pas une tâche simple avec les diverses règles qui mettent des bâtons dans les roues des clubs avec notamment une masse salariale, un nombre limité de joueurs internationaux, trois places de joueurs désignés, etc. Pour bâtir son effectif, la franchise a fait confiance à certains joueurs déjà présent, comme de nombreuses expansions MLS avant elle. Toutefois, Cincinnati en a choisi un nombre assez élevé ce qui a surpris, en gardant onze joueurs de l’effectif de deuxième division! La raison est simple, Cincy a été l’un des meilleurs clubs en USL et les joueurs présents étaient de très grande qualité à l’image d’Emmanuel Ledesma, élu meilleur joueur de la ligue en 2018 ou Fanendo Adi, l’ancien buteur des Portland Timbers. Le FCC a battu des records en deuxième division américaine avec un total de 77 points en 34 rencontres. L’organisation a complètement écrasé la concurrence dans la conférence Est. Toutefois, lorsque vient le temps d’intégrer la MLS, comment la franchise a décidé des joueurs qui feraient la transition ? Est-ce seulement les meilleurs talents? Yoann Damet nous donne certains éléments de réponse :
YD : Quand on passe d’une ligue a une autre, notamment pour rejoindre l’élite, il est important de ne pas sous-estimer la marche à franchir, mais il est aussi primordial de garder un certain équilibre et de maintenir la culture établie au sein du club. Pour cela il a fallu tirer des enseignements du passé et cibler les potentiels joueurs qui pourraient à la fois s’adapter au niveau supérieur, mais également être porteur des valeurs du club. Les choix ne sont jamais faciles surtout lorsque l’on sort d’une saison réussie en USL. Les résultats positifs peuvent inhiber le jugement et fausser les opinions il fallait donc éviter cela et c’est selon ces critères que le club a décidé de conserver les joueurs.

Lorsqu’un nouveau club intègre la MLS, la ligue l’aide dans la construction de son effectif. Il peut choisir quelques joueurs provenant des autres franchises MLS grâce à l’Expansion Draft. En effet, Cincy a pu choisir cinq joueurs selon une liste préétablie de talents non protégés par leur équipe. Cincinnati a tiré profit de cette draft en recrutant des joueurs d’expérience comme Darren Mattocks, Eric Alexander ou Roland Lamah, une valeur d’échange en la personne de Kei Kamara (qui sera tradé à Colorado) et finalement un joueur à fort potentiel, Hassan N’Dam. Le dernier cité a d’ailleurs affronté le club à maintes reprises en USL lorsqu’il évoluait pour la réserve des Red Bulls de New York. Pour l’entraîneur-adjoint de Cincinnati, la mécanique de l’Expansion Draft était assez complexe :
YD : L’expansion draft a été préparée depuis la mi-saison, chaque membre du staff technique et de la cellule de recrutement a eu en charge différentes équipes de MLS afin de couvrir tous les effectifs de la ligue. La mécanique est devenue complexe à l’approche du jour J, puisqu’il a fallu faire avec différents critères : les postes, le budget, les potentiels joueurs hors draft qui ne sont pas encore signés, mais qui pourraient l’être, les priorités, les places d’internationaux, l’effectif déjà existant… La stratégie mise en place était importante tout comme la communication avant et pendant le processus. Nous avons donc décidé de nous orienter vers des joueurs d’expériences, mais aussi d’utiliser ce processus afin de finaliser d’autres transactions.
Une autre source importante de recrutement pour le FC Cincinnati a été le repêchage universitaire. Le club a innové, allant chercher les cinq choix pour la Superdraft de l’Union de Philadelphie contre quelques dollars tout en gardant ses choix initiaux. Le club de l’Ohio a pu recruter un total de six joueurs universitaires dans les trois premiers tours. Pour Yoann Damet, c’était une façon d’avoir plusieurs jeunes joueurs en attendant d’avoir une académie fonctionnelle :
YD : Pour ce qui est du Superdraft, l’idée était assez simple, le club n’ayant pas d’académie à ce jour (ouverture prévue en aout 2019), il souhaitait compenser ce manque. Nous souhaitions cibler de jeunes joueurs à potentiel que nous pourrions développer au sein de notre effectif ou à travers des prêts en USL. Nous avons été très agréablement surpris par la qualité des jeunes lors de la présaison, c’est pourquoi l’opportunité leur a été donnée de signer leur premier contrat professionnel à nos côtés.

Finalement, le club a finalisé son effectif avec quelques échanges et transferts avec des joueurs comme Greg Garza, Leonardo Bertone, Mathieu Deplagne, Nick Hagglund, Alvas Powell, Kekuta Manneh, Przemysław Tytoń, Victor Ulloa, Kendall Watson et pour finir l’international américain Kenny Saief.
La présaison
Avec tous ces joueurs, le club était prêt à débuter sa présaison. Il était primordial de créer une alchimie rapidement afin d’être compétitif dès les premières rencontres. Yoann Damet en avait conscience :
YD : Le club est jeune et a été habitué au changement lors des précédentes saisons, notre expérience de l’année passée où environ 17 joueurs nous avaient rejoints avant la saison 2018 en USL nous a permis de bâtir la présaison de façon similaire. Lorsqu’il est temps de créer une cohésion, la priorité est le terrain, mais le projet humain est également important. Il faut créer un environnement où les joueurs peuvent développer une relation professionnelle qui va permettre de favoriser l’expression collective sur le terrain, mais également une relation en dehors du terrain qui va permettre de créer un sentiment d’appartenance au groupe et favoriser la prise de responsabilité et l’appropriation du projet. L’entrainement est donc l’élément principal, mais les activités collectives sont aussi une part essentielle dans la présaison.

Les cinq semaines ont été divisées en différentes phases, la première à Cincinnati pour une durée d’une semaine avec notamment les tests médicaux et une période de « découverte » du groupe. Nous avons, par la suite, passé deux semaines à IMG Academy en Floride où nous sommes rentrés dans une phase de développement. Nous y avons joué trois matchs contre l’Impact de Montréal, les Rapids du Colorado et le DC United. Nous sommes ensuite rentrés quatre jours à Cincinnati avant de repartir pour le deuxième et dernier camp de dix jours à Charleston afin de participer à la Carolina Challenge Cup. L’objectif étant de terminer notre phase de préparation par une phase plus compétitive. Au total sept matchs et cinq semaines d’entrainement pour finalement arriver à l’objectif numéro un de la saison : Seattle Sounders.
Les premières rencontres
Afin d’être prêt pour la première rencontre de l’histoire de la franchise en MLS, l’organisation n’avait rien préparé de spécial. La dernière semaine de préparation était une semaine similaire à tout avant-match. Toutefois, le club avait une stratégie bien précise pour tenter d’embêter Seattle. Yoann Damet savait dès le départ que ça allait être une tâche ardue.
YD : L’idée était de tirer des enseignements de ce qu’il s’était passé durant la présaison. On savait que pour un premier match MLS ça allait être un match plutôt compliqué à l’extérieur. Tout d’abord, parce qu’aller à Seattle est un long voyage, puis parce que les Sounders sont une équipe ayant beaucoup de qualités. D’un point de vue défensif, l’idée était d’aller chez eux, dans un bloc médian afin de s’exprimer. Toutefois, la semaine de préparation a été une semaine de préparation classique. On ne prépare pas le premier match de la saison d’une manière différente. Il est certain que la pression, le stress et l’excitation des joueurs étaient plus élevés pour le premier match de l’histoire du club. Les joueurs avaient hâte que la saison débute après six semaines de préparations sans match officiel. On avait un plan de jeu défensif et offensif bien précis. On savait que les Sounders allaient nous causer certains problèmes et nous avons tenter de les anticiper.

Malheureusement, l’entrée en matière a été plutôt difficile avec une défaite de 4-1 face au champion de 2017. Voici ce qu’a pensé Yoann Damet à la fin de cette rencontre.
YD : Il a manqué de la régularité, de la constance au cours des 90 minutes. Nous avons eu des bons moments, malheureusement trop rares. Les Sounders ont su capitaliser sur leurs bons moments qui était plus nombreux que les nôtres. Notre bloc médian s’est désolidarisé à maintes reprises. Nous avons laissé beaucoup d’espace, trop entre les lignes, en particulier sur les côtés, ce qui nous a couté quelques buts. Il y a des moments clés dans le match où on aurait pu se créer de bien meilleures occasions. Le groupe a manqué d’opportunisme et nous n’avons pas su revenir au score. Notre groupe est encore très jeune, tandis que Seattle possède un effectif qui a été peu renouvelé.
Toutefois, il y avait des points positifs à retenir. Cincinnati avait réussi à inscrire son premier but de son histoire en MLS et ce, avec à peine quinze minutes d’écouler dans la rencontre. Yoann Damet a vu ce but comme un moment important pour la suite des choses.
YD : C’était un grand moment pour le club. Premièrement, c’était génial d’inscrire ce premier but si rapidement. Deuxièmement, le fait de marquer ce but a donné de la confiance au groupe. Tout le monde a pris du plaisir à vivre le moment. Il est certain que les évènements qui ont suivi laissent un gout amer, mais oui, avec du recul, j’ai l’impression que ce but a donnée beaucoup de confiance au groupe, malgré la grosse défaite.

Après cette défaite de 4-1, Cincinnati devait se ressaisir et très vite. Il allait affronter Atlanta United dans un Mercedes-Benz Stadium très hostile. FCC avait donc du pain sur la planche afin de ne pas vivre une autre défaite qui pourrait mettre des doutes dans la tête des joueurs. Le groupe d’entraineurs a donc bien préparé le match face aux champions en titre durant la semaine.
YD : L’idée était de s’appuyer sur le match de Seattle. Les jours qui ont suivi ont permis de se remettre en question. Il y a eu plusieurs séances vidéo pour préparer la rencontre face à Atlanta. On savait qu’ils avaient un mauvais début de saison que ce soit en Champions League ou en championnat avec leur premier match perdu face au DC United. On peut dire que DC nous a montré la marche à suivre. L’idée était d’aller à Atlanta pour ramener au moins un premier point. Venir avec nos armes pour les embêter. On savait qu’ils avaient certains points faibles, certaines zones à exploiter. On savait qu’il jouaient tous les trois jours, donc qu’en fin de match ce serait plus difficile pour eux.

Malheureusement, à peine la rencontre débutée, les hommes de Frank De Boer ouvrent le score. À la cinquième minute, Julian Gressel lance parfaitement Josef Martinez, seul face à Spencer Richey, impuissant face à la frappe de l’attaquant vénézuélien. Le groupe semble abattu sur le terrain, mais ne lâche pas. Au fur et mesure de la rencontre, Atlanta semble baisser en rythme. Cela finit par payer. À la 55e minute, Cincy alerte Atlanta et son portier Brad Guzan. Fanendo Adi, d’une tête bien placée, arrive même à inscrire son premier but de la saison. Malheureusement, il est sifflé hors-jeu. C’est finalement à la fin de la rencontre que Cincinnati égalise. À la 86e minute, le nouveau venu, Kenny Saief, offre une magnifique passe à Roland Lamah qui conclut d’une frappe à ras de terre. Le public se tait immédiatement, tandis que les joueurs vêtus de bleus et oranges célèbrent sur le terrain. Le staff technique sort satisfait et heureux de la rencontre.
YD : Nous avons eu un scénario assez difficile durant la première mi-temps. Rapidement nous sommes menés au score. Après le match contre les Sounders, puis l’ouverture du score d’Atlanta, dans les têtes c’était assez difficile. Cependant, contrairement au premier match, on a fait preuve de plus de constance et de régularité durant la totalité de la rencontre. Nous avons réussi à mieux gérer les moments défensifs et le groupe n’a jamais lâché. C’est ce qui nous a permis de récolter un premier point à la fin de la rencontre. Les gens ont pu voir qu’on avait du caractère et que nous allions avoir les armes pour compétitionner face aux meilleures équipes de la ligue.
Le but de Roland Lamah a été un moment critique pour le groupe. Comme je le disais avant, le premier but à Seattle à donner de la confiance au groupe. Le fait d’aller chercher un résultat à Atlanta, le champion en titre, a également été un moment important pour la suite. Les joueurs ont été solides et ont appliqué ce que nous avions préparé durant la semaine. Pour le staff, c’était un moment de fierté, mais nous étions surtout contents pour les joueurs. Après Seattle, ils se sont vite remis en question. Ils ont travaillé fort durant la semaine de préparation et c’était la juste récompense des efforts fournis tout au long de cette même semaine. Cela nous a permis de pouvoir entamer la suivante de la meilleure des façons dans un bon état d’esprit.

Questionné sur le groupe et la façon dont il évolue, Yoann Damet semble satisfait de celui-ci.
YD : Après les six semaines de préparations, il a fallu analyser le groupe, les relations entre les joueurs. Après chaque match, semaine après semaine, l’idée de comment nous pouvons jouer se clarifie pour tout le monde. On peut renforcer ce qu’on travaille et y croire davantage à chaque match. Présentement on a trouvé notre voie, ce qui nous convient. Est-ce que ça durera toute la saison, nous ne le savons pas. Chaque équipe offre des spécificités différentes. Jouer Atlanta qui joue à cinq derrières n’est pas la même chose que préparer Seattle ou Portland. Chaque club à des faiblesses différentes à exploiter. On essaie de renforcer ce qu’on met en place chaque semaine. Avec nos joueurs, nos forces, nous voulons nous préparer au mieux pour chaque rencontre.
Les joueurs sont là où nous les attendions. Nous sommes satisfaits des relations qui commencent à se bâtir. Nous avons des binômes ou bien des trinômes sur le terrain qui se développent très bien. Les performances individuelles ne peuvent être de qualité seulement s’ils sont mis dans le contexte du collectif. Donc oui, plusieurs relations renforcent certaines convictions du staff et permettent de se dire que quelque chose est en train de se créer.
Après deux rencontres, dont un match nul, les esprits semblent optimistes à Cincinnati. Dans les semaines qui allaient suivre, le club de l’Ohio allait voir le fruit de leurs efforts récompensés avec une première série victorieuse. Il en sera question lors du prochain épisode de notre nouveau dossier « Il était une fois Cincinnati », la série mensuelle de Culture Soccer qui suit le FC Cincinnati tout au long de sa saison d’expansion.

Article intéressant, où l’on apprend (un peu) quelles réflexions sont mises en place derrière la construction d’un effectif en MLS. Mine de rien les articles comme celui-ci sont assez peu fréquents.
Cincinnati a fait des choix assez originaux cette année, comme la très grande utilisation de la Draft alors que celle-ci est de moins en moins populaire (c’est un euphémisme), et le recrutement de plusieurs vétérans avec l’Expansion Draft. Je ne suis pas convaincu par les très nombreuses signatures d’anciens joueurs d’USL (ça avait pas marché des masses pour Minnesota). Pour le moment leur début de saison est correct mais il est encore trop tôt pour juger de la valeur de cet effectif (Atlanta se cherchant encore et New England étant franchement mauvais).
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Nous n’étions pas non plus convaincu par le recrutement et nous avions raison, tout comme toi.
Malheureusement nous avons dû arrêter la série car Yoann Damet, devenu entraineur chef entre temps (même si repassé assistant) n’était plus aussi disponible.
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