Interview : Oakland Roots S.C, Fier de ses Racines

En Août prochain débutera la NPSL Founder’s Cup, une nouvelle ligue professionnelle rassemblant des clubs historiques (New-York Cosmos, FC Miami) et d’autres renommés (Chatanooga, Detroit) afin de créer une alternative au système de la MLS, jugé comme un monopole sur ce sport populaire qu’est le soccer. Les Oakland Roots seront de ceux-là : créés afin d’offrir du soccer professionnel à la communauté, les Oakland Roots véhiculent un message de diversité et veulent pouvoir représenter les valeurs de la ville. Construits par deux natifs de la Bay Area, Edreece Arghandiwal (EA) et Benno Nagel (BN), Culture Soccer a pu parler aux deux fondateurs du club pour décrypter leur vision pour le Oakland Roots Sports Club, un club qui connaît déjà un succès probant sur les réseaux sociaux. 

Bonjour Edreece, bonjour Benno. Premièrement, félicitations, il semble que vous soyez devenus récemment avec les Oakland Roots ce qui se fait de plus cool dans le monde du soccer Nord-Américain, internet adore ce que vous faîtes.

Edreece Arghandiwal, Co-fondateur et Reponsable Marketing : [Il rigole] Merci ! Vous savez on est tellement habitué à la manière dont toutes les équipes de soccer sont construites et gérées, mais nous venons d’Oakland où « You can be whoever the fuck you want to be » (« Tu peux être qui que tu as envie d’être »), c’est notre mentalité et c’est pour ça qu’il a fallu que nous créons un club adapté à cette ville, un club qui nous comprenne, nous et notre histoire. Oakland est unique au monde et nous voulons créer un club qui transmette ce message ; nous avons des multitudes d’histoires à raconter dans cette ville, de la musique jazz au Black Panther Party.

Vu d’Europe, Oakland est moins connue que sa petite sœur San Francisco. C’est surtout pour ses problèmes de criminalité ou son passé avec les mouvements en faveur de droits pour les minorités qu’elle est renommée. Pourriez-vous nous décrire votre ville ?

EA : Vous savez, elle se situe dans la Bay Area, qui est une zone très variée. Si vous cherchez un peu, entre San José, San Francisco, Oakland, Palo Alto ou Berkeley vous avez des villes qui n’ont rien à voir entre elles. Dans cette région seule, vous avez une population assez grande pour construire une équipe nationale de soccer, il y a tellement de talents ici. Des milliers d’enfants jouent au soccer toutes les semaines, c’est un marché qui a un énorme appétit pour ce sport. En particulier à Oakland, qui est vraiment située au centre de la Bay Area. San Francisco est connue grâce à l’explosion des start-ups et a énormément changé, mais Oakland a réussi jusqu’à maintenant à maintenir son identité et ses diversités, comparé à de nombreuses régions aux Etats-Unis, en termes d’ethnicités et de cultures. Vous pouvez vous balader dans les parcs, voir des ukrainiens s’entraîner, plusieurs mètres plus loin un club dédié à la communauté hispanique, plus loin une famille d’africains taper le ballon… La diversité est si large à Oakland, c’est un melting pot d’idées qui a transformé cette ville en l’une des plus puissantes en art, en musique, en mouvements civiques… Les révoltes étudiantes des années 60, dans l’université de Berkeley par exemple, viennent des idées qui ont émergées à Oakland. Aujourd’hui, la ville connaît malheureusement un réel problème de gentrification, les entreprises de San Francisco et de la Bay Area déménagent ici puisque c’est moins cher. Maintenant, la population doit se battre contre ses entreprises pour ne pas perdre sa diversité culturelle et ce qui fait que les gens y viennent. C’est donc réellement une ville spéciale, due à ses habitants. Ils peuvent être absolument ce qu’ils veulent dans cette ville et ont tous d’incroyables histoires.

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La première recrue du club, originaire d’Oakland, Devante Dubose (Photo via Oakland Roots)

Votre projet de club se veut comme le représentant de la diversité dans cette ville. Comment atteindre cet objectif ?

EA : Premièrement, la diversité commence dans notre équipe, au sein même du club, de la marque et du projet que nous portons. Nous parlons souvent entre nous de ce qu’est notre culture. Notre culture doit être reflétée dans notre marque, donc nous créons des couleurs, des maillots, du merchandising, un logo et toutes ces choses que le public perçoit comme notre identité. Mais l’autre élément qui est important et que, s’il n’est pas bien réalisé, remet tout notre message à l’eau, c’est nos actions. Être dans les rues de la ville avec notre communauté, écouter nos habitants, impacter leurs vies, aider certaines causes, passer des messages et surtout, les représenter. Si nous commençons cette année et perdons tous nos matchs 10 à 0, ce n’est pas un problème si nous arrivons à construire un club avec lequel tous les habitants se sentent représentés et qui impacte la ville en véhiculant un message de diversité.

Les activités à but social sont un pilier de votre structure et existaient avant même que votre équipe sportive soit annoncée. Pouvez-vous nous parler un peu des actions concrètes que vous effectuiez au niveau local pour la communauté avant qu’un club professionnel soit lancé ?

EA : Nous avons passé à peu près deux à trois ans, avant de lancer la marque et d’être annoncé comme membre de la NPSL Founder’s Cup, à seulement être présents dans la communauté. On ne voulait pas imposer le projet d’un coup, à la hâte sans être certains de ce qu’était notre identité. Donc nous avons fait énormément de recherches, nous avons écouté la ville. On a eu des meetings avec des investisseurs, des acteurs sociaux, des officiels de la municipalité. On a regardé le paysage sportif d’Oakland et son environnement social. On a recruté des Californiens aussi, de Sacramento Republic notamment, pour voir comment créer un réel partenariat avec des associations. Par exemple, on s’est entretenu avec Soccer without Borders, une organisation caritative, avec les gérants du skatepark local, avec l’association My Youth Soccer, avec les départements municipaux dédiés à la culture… On s’est aussi lié aux Oakland Leopards, une équipe amateur qui nous servira de réserve et qui donne l’opportunité aux jeunes d’échapper un peu de leur quotidien en étant sur un terrain et de gagner en confiance. Pendant deux ou trois ans, nous avons parlé avec tous ces gens pendant des meetings réguliers, pour savoir quelle identité cette équipe devait avoir. On a énormément écouté, organisé des évènements pour percevoir comment utiliser le sport pour créer un changement économique qui pourrait impacter la communauté. Nous avions des partenaires d’horizons extrêmement variés, pour parler de cette économie qu’est le soccer et de comment elle peut être utilisée pour des causes sociales. Ces différentes réunions ont aussi abouti à notre identité, notre nom, les Roots, et l’identité visuelle que nous voulions donner. Tout cela nous permet surtout de ne pas débarquer à Oakland avec un club professionnel en forçant la population à l’adopter. Nous sommes légitimes.

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Photo via Oakland Roots

Comment allez-vous réussir à équilibrer vos actions sociales envers la communauté tout en sachant qu’il faudra être économiquement et sportivement efficace ?

EA :  C’est quelque chose dont nous avons énormément parlé avec nos investisseurs : beaucoup pensent que pour avoir un impact social, cela passe forcément par des dons. C’est fondamentalement une connerie comme concept, pardonnez-moi l’expression. L’argent fait partie de ce qu’il faut mais ce sont les actions qui créeront un impact. Pour nous, être économiquement viable est important puisque sans ça, dans le paysage des divisions inférieures du soccer américain, vous êtes morts. Il y a d’énormes difficultés pour survivre plus de trois ans aux Etats-Unis en tant qu’équipe professionnelle, nous allons donc tout faire pour être solide économiquement. Mais pour l’être, il faut pouvoir impacter la communauté pour qu’elle nous respecte, puis nous soutienne. Oakland ne va pas nous suivre sur le long-terme, ni nous supporter durant les périodes troubles si on ne s’y établit pas. C’est une mentalité que nous avons donc vite établie, nous voulons créer des sources de revenus qui peuvent nous permettre d’exister mais au-delà, qui nous permettent de redonner et pas forcément sous la forme d’un pourcentage sur le merchandising – ce que nous faisons d’ailleurs déjà, à la hauteur de trois pour cent. Il faut que nous aillions plus loin, que nous travaillions avec les associations locales pour leur donner une plateforme pour leurs actions. Par exemple, la semaine dernière, lors de la Black Joy Parade (NDLR : un événement célébrant la culture afro-américaine à Oakland), nous étions présents avec l’association Street Soccer USA sur un petit terrain de foot où des centaines d’enfants ont tapé le ballon dans un mini-tournoi. Ils interagissaient avec Devante Dubose, notre premier joueur annoncé.Ce sont ces évènements qui peuvent changer la façon dont les gens voient l’équipe et le soccer. Des milliers de personnes sont passées devant le terrain, des centaines d’enfants ont joué avec Devante, ont parlé avec lui d’une carrière professionnelle et il est devenu un modèle pour ces petits, une inspiration. C’est avec ces activités qu’ils se diront « moi aussi je veux jouer avec l’équipe de ma ville ». Il faut véhiculer ce message.

Récemment dans une interview vous avez déclaré : « Tu ne peux pas espérer que tout le monde t’aime, puisque tu es à Oakland ». La ville va perdre dans les prochaines années sa franchise de NFL (football américain, déplacée à Las Vegas) et de NBA (basketball, en partance pour San Francisco). Est-ce un moyen de dire que les habitants d’Oakland veulent un projet sur le long-terme et qu’ils se méfient dorénavant ?

EA : Exactement ! C’est vraiment tout un concept mais les habitants d’Oakland peuvent réellement renifler les conneries à des kilomètres. Simplement déclarer que nous sommes de la ville n’est pas suffisant pour gagner en respect. Tu dois être dans la rue, affirmer tes racines, être authentique pour avoir du succès à Oakland. Si tu débarques, les mains dans les poches pour amener une équipe car c’est un très bon marché et que des concurrents partent, tu ne le fais pas pour les bonnes raisons et ça ne marchera jamais. Quand on a commencé à penser à cette équipe professionnelle, on ne savait pas encore si les Raiders (NFL) et les Warriors (NBA) allaient déménager. On a construit notre concept pour emmener une équipe professionnelle dans la ville et par chance, le marché se libère et s’ouvre à nous. Mais pour revenir à ma déclaration, c’est juste que tu ne peux pas être à Oakland, dire qu’on vient d’ici et emballer le tout dans un maillot, puis faire de l’argent dessus. Tu ne peux pas utiliser la ville pour faire de l’argent grâce au sport si tu ne représente pas exactement les valeurs d’Oakland.

Vous aviez aussi déclaré qu’Oakland Roots devait être « divertissant ». Au-delà du style de jeu, vous avez réussi à créer via votre marque un réel engouement pour les Oakland Roots. Votre ligne de vêtements, portée même par certains commentateurs en MLS, a fait parler de vous. Comment faire pour garder cette stratégie « cool », mais aussi sobre, sans partir dans un délire total comme le fait le Forward Madison par exemple ?

EA : J’adore ce que la marque Madison fait, je tiens à le dire ! Mais Oakland n’est pas – j’espère que personne ne le prendra mal – assez fun, gadget, gimmick, pour faire comme eux. On fait tout pour ne pas créer du simple buzz qui aura finalement une durée de vie assez courte, on essaye d’établir notre projet sur la durée en étant sérieux mais aussi divertissant. Mais ce qui sera le plus intéressant c’est ceux qui porteront la marque puisque c’est eux qui la construiront ; les Oakland Roots seront ceux qui les supporterons. Nous voulons que nos fans influencent Oakland Roots plus que le contraire. Notre but c’est de créer un projet qui puisse plaire au plus grand nombre de personnes, pour qu’elles s’approprient l’équipe et la marque. Les couleurs et le message de diversité que nous avons, c’est un message qui permet à tous d’être ce qu’ils veulent avec notre marque. Nous voulons des produits qui soient esthétiquement, pour les maillots comme pour le style de jeu, beau et de haut niveau, qui puissent durer dans le temps et exister plus loin qu’avec seulement le soccer. Il faut que ce soit une identité commune, avec un message puissant et qui puisse résonner avec les habitants d’Oakland, mais aussi avec des millions de personnes : ne pas être physiquement à Oakland ne veut pas dire que vous ne pouvez pas avoir ses valeurs.

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Photo via Oakland Roots

Une stratégie vraiment axée sur le long-terme donc, qui a aussi bénéficié de l’aide de Matthew Wolff. Vous avez eu la chance de collaborer avec ce designer connu de Nike, qui a entre autres créé les maillots du Nigeria et de la France pour la Coupe du Monde 2018 mais aussi les identités visuelles réussies du LAFC et du NYCFC. Comment s’est passé ce partenariat ?

EA :  J’ai la chance de connaître Matthew depuis longtemps et il est vite devenu quelqu’un que j’apprécie énormément, il a un sens du design et de l’esthétique impressionnant. On a commencé à dessiner le logo quand on a trouvé le nom et c’était une des premières personnes vers qui je me suis tourné. Son maillot avec le Nigeria était vraiment dans la même veine que ce que l’on voulait pour les Roots. On a travaillé très étroitement sur le concept des couleurs, de la diversité, de l’arbre aussi, symbole d’Oakland. Mais vous remarquerez que ses racines sont bien plus présentes dans le logo, car souvent les gens ne les voient pas et c’est exactement ce message qu’on veut amener : ce que vous voyez avec l’arbre c’est juste une combinaison de personnes et d’idées qui sont profondément enracinées dans la diversité.

Tous vos vêtements sont pour le moment une réelle réussite, un mélange de sobre et de cool qui plaît sur les réseaux sociaux.

EA : Oui la communauté d’Oakland a bien réagi ! Notre slogan c’est « Oakland, first, always » (Oakland, en premier et toujours) et toutes nos initiatives reviennent à cette question de l’impact, de comment redonner à la communauté. Benno, le président, a réussi à nous lier avec Oaklandish, une marque qui respecte l’identité et l’histoire d’Oakland pour vendre tous nos produits. C’était parfait pour envoyer notre message et créer cette marque que vous pourriez même porter en pleine Fashion Week à Paris. On ne veut pas être jugé parce qu’on porte des sapes avec un logo d’un club, on veut que nos fans soient fiers de porter nos couleurs pour démocratiser ce street style qui est si Oakland.

Vos maillots seront dans la même veine ?

EA : Vous allez bientôt pouvoir le voir ! On a réussi à trouver un autre partenaire pour le maillot et on a hâte de le révéler à nos fans. On espère vraiment que ces maillots feront des choses incroyables pour la communauté de fans de soccer à Oakland.

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Photo via Oakland Roots

Vous avez aussi plusieurs partenariats avec des bars locaux, pour promouvoir les Roots aux fans de soccer. Pour cette population, il semble que c’est une réussite, mais sachant que nous sommes aux Etats-Unis il faut aussi pouvoir séduire les non-habitués du sport ! Quel est votre stratégie pour cela ?

EA : C’est définitivement un challenge pour nous en effet ! La raison pour laquelle les marques sportives les plus renommées le sont, c’est qu’elles ont réussi à avoir une influence au-delà de leur sport, vers une démographie variée. C’est ce que nous voulons. Nous sommes le Oakland Roots Sports Club, pas juste soccer club ; nous ouvrons les portes à tous. Juste hier, une femme nous a tweeté un message disant qu’elle avait acheté une de nos écharpes et qu’elle viendrait au stade, mais qu’elle ne s’était jamais dans sa vie intéressée au soccer ! Ces messages prouvent que nos idées et notre identité marchent, puisque c’est ce qui nous définit, ce slogan qui est « Oakland First and Always » et la culture qui va avec. C’est pour parler à toutes les communautés qu’on a aussi créé ses partenariats avec les bars locaux, car on y trouve dedans les fanatiques de soccer, les employés de bureau en happy-hours, les fans de baseball, de basket… C’est un endroit génial pour discuter de nos idées.

Vous avez annoncé que vous aimeriez lancer une équipe de soccer féminine d’ici 2020, mais aussi votre envie, dû au nom « sports club » plutôt que « soccer club », de lancer d’autres sports dans le futur. C’est un projet à long-terme ?

Benno Nagel, Co-Fondateur et Président : L’équipe féminine sera définitivement une réalité, on essaye de la lancer en 2020, on a déjà beaucoup de discussions avec différentes ligues professionnelles. Pour les autres sports, disons que nous voulons construire un club qui sera présent dans une centaine d’années. Le Sports Club dans notre nom c’est pour exposer notre public à une culture du sport et du soccer qu’ils ne connaissent pas. Personne aux Etats-Unis sait que le Barça a une équipe de basket, que le Bayern a des joueurs d’échecs… Donc oui, on veut se tourner vers ce modèle, cette culture du sport plus que seulement du soccer. De plus, promouvoir plusieurs sports est vraiment un avantage pour les jeunes, c’est démontré par des études qu’il ne faut pas se spécialiser trop tôt en tant qu’athlète dans un seul sport. On veut juste que les gamins de notre communauté puissent faire de l’exercice, s’amuser et pour cela, on construit de nombreuses relations avec des clubs locaux. Basketball, baseball, lacrosse, on veut juste pouvoir créer des partenariats avec ces organisations pour promouvoir l’activité physique chez les jeunes, pour les encourager à faire du sport. En plus, ça permet d’expliquer à ces joueurs de basketball ou de baseball que tu peux toujours supporter ton club local, car c’est une équipe de soccer mais plus important encore, c’est une équipe d’Oakland.

Le projet a été construit en trois ans et vous avez eu pendant ce laps de temps plusieurs opportunités pour jouer dans des ligues différentes. MLS, USL, NASL, NISA… Pourquoi avoir finalement choisi la NPSL Founder’s Cup ?

BN : Quand le projet a commencé, l’idée n’était pas forcément de construire dès le début une équipe professionnelle, donc on avait des liens avec la NPSL, qui est semi-pro. Par chance, des investisseurs qui travaillent dans le bâtiment nous ont rejoint, ont apporté des garantis. Le principal problème c’était le stade ; aux Etats-Unis il y a bien plus de stades de baseball ou de football américains que de soccer et dorénavant, la MLS mais aussi petit à petit la USL, privilégient les dossiers avec des stades spécifiques au soccer. C’est normal après tout, ça éviter de payer un loyer et apporte des revenus réguliers, donc plus de stabilité. Les investisseurs travaillaient dans la construction, ce qui est un vrai bonus pour la construction d’un stade et on a commencé à parler à la MLS, la NASL et la USL. La MLS, c’était pour leur parler long-terme, on n’allait pas directement se lancer comme expansion dans la ligue. On avait de nombreux contacts avec la NASL, mais malheureusement la ligue s’est écroulée alors qu’on avait des discussions avancées et a finalement disparu. Enfin la USL semblait un bon choix mais on a commencé à avoir des complications avec le stade et les investisseurs, donc ça a vite disparu. Avec beaucoup de chance, la NPSL a annoncé à ce moment-là lancer sa propre division professionnelle, avec ses plus grosses équipes, la Founder’s Cup, qui a semblé le projet le plus adapté pour nous. Il commençait tout de suite avec des équipes déjà existantes, il y a aussi des beaux projets comme le Cosmos, le FC Miami, Detroit, Chatanooga… Beaucoup de clubs à succès qui sont nos modèles.

 

https://twitter.com/npslfc/status/1104167927354454016

Est-ce que comme pour la NASL, de qui la Founder’s Cup a l’air d’être l’héritière, les joueurs vont surtout être des vétérans, des anciens professionnels qui n’ont pas le niveau pour la MLS ?

BN : Il va y avoir de nombreuses approches suivant les équipes. Des clubs comme le Cosmos ou le FC Miami sont la propriété de milliardaires qui ont démontré par le passé qu’ils n’avaient pas peur de dépenser. Leurs équipes pourraient déjà jouer en USL, certains joueurs sont même niveau remplaçants en MLS… Puis il y a de plus petites équipes, Milwaukee par exemple ou l’ASC San Diego qui sont vraiment vos équipes locales habituelles avec des investisseurs du coin et qui ne vont jamais dépenser des millions en recrues. La différence avec la NASL c’est qu’à l’époque, tous les clubs dépensaient énormément, certains trop et ils ne survivaient pas plus que quelques saisons. Cette fois, on aura des approches variées, avec des académies par exemple, des joueurs qui sortent de l’université… ça ne va pas se transformer en Barcelone et Madrid contre le reste de la ligue pour autant par contre, ne vous inquiétez pas. Mais aux Etats-Unis il y a 70, peut-être 90 clubs professionnels, beaucoup de joueurs ne trouvent pas de clubs où jouer et ça ne sera pas très compliqué pour nous de trouver de nombreux talents. La Founder’s Cup ouvrira des opportunités à pas mal de joueurs sans contrat et ce seront de bonnes options pour rivaliser avec les plus gros de la division.

Y a-t-il des erreurs et des réussites que vous pouvez prendre de la NASL ?

BN : Forcément, on est les deuxièmes à essayer ce qu’a fait cette ligue donc on va apprendre de ce qui a marché ou non avec eux. La NASL a réussi à créer de très bons marchés aux Etats-Unis et de développer des fan-bases là où il n’y en avait pas. Regardez un club comme les Fort Lauderdale Strickers, Minnesota ou San Antonio, ces clubs étaient en NASL avec des foules de fans à chaque match. Le problème c’est qu’il faut pouvoir survivre, peut-être dépenser moins et plus intelligemment pour être certain que les équipes en Founder’s Cup puissent survivre trois, cinq ou dix ans.

Vous êtes dans la Conférence Ouest, qui paraît plus faible par rapport à l’Est et ses Chatanooga, Detroit, Cosmos et Miami FC. Vous n’avez pas peur d’un écart de niveaux entre les deux conférences ?

BN : Non, ne vous inquiétez pas, je ne sais pas trop ce que les équipes de notre conférence font pour le moment car peu de signatures ont été annoncées, mais le coach que nous allons amener, ainsi que le directeur sportif et les joueurs que nous ciblons sont des professionnels qui pourront rivaliser avec les équipes que vous citez plus haut. On l’espère aussi, on n’aura pas à dépenser autant que le Cosmos ou Miami, mais on pense arriver dans les premiers à l’Ouest en tous cas.

Dans votre conférence vous avez une autre équipe pas loin de la Bay Area, le Nappa Valley 1839 FC. Pensez-vous qu’il y ait la possibilité, à moyen-terme, d’installer une rivalité avec ce club ?

BN : Oui pourquoi pas ! Ce ne sera pas une rivalité traditionnelle Oakland contre San Francisco mais c’est définitivement le club le plus proche, on pourrait avoir pas mal de supporters qui feront le voyage donc pourquoi pas, à long-terme ça peut devenir un derby.

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Photo via Oakland Roots

Votre premier joueur, Devante Dubose, était-il compliqué à convaincre avant de venir aux Roots ? Après tout, il était en USL à Phoenix, dans une ligue et une équipe stable avant que vous le recrutiez pour une ligue qui n’a pas encore débuté.

BN : Devante et moi nous connaissons depuis bien longtemps donc on se parle plus comme des amis que comme une recrue, ça aide forcément. Il est au courant de ce qu’on construit ici et il a complètement accepté le projet. Il voulait revenir à Oakland, construire une stabilité dans sa carrière pour arrêter de bouger sans arrêt et être proche de sa famille et ses amis… Son recrutement est probablement le plus simple qu’on ait à faire en réalité !

Vous avez aussi signé deux jeunes venant d’Oakland récemment, Yohannes Harish et Julio Cervantes. Ils n’étaient pas professionnels, il y en a-t-il d’autres qui suivront ?

BN : On n’a pas encore signé énormément de joueurs, puisque nous attendons d’avoir notre entraîneur confirmé. On ne veut pas avoir de construction de groupe avant de savoir qui le chapeautera, ces trois premières signatures sont surtout là pour montrer ce que nous voulons comme identité dans le futur. On s’est toujours vu comme une plateforme pour un message positif pour Oakland et ces joueurs sont de la ville. Devante est un professionnel, mais Yohannes et Julio, malgré leur talent, ne trouvaient pas de clubs professionnels. Ils sont tombés dans les failles du monde du soccer américain et sont le modèle parfait de joueurs que nous voulons développer, aider, puisqu’ils viennent d’ici. Une fois le coach en place par contre, on va trouver des joueurs professionnels qui cherchent une équipe et en recruter quelques-uns. Majoritairement des anciens professionnels en NASL, USL peut-être MLS ainsi que certains joueurs locaux pour compléter l’effectif.

 

 

Vous avez aussi dévoilé récemment une vidéo pour Devante Dubose et elle est aussi superbement réalisée, liant le joueur à la communauté. On n’y voit pas de monuments iconiques ou de paysages, plutôt les habitants et les lieux de tous les jours d’Oakland.

EA : Cette vidéo a été faite en seulement une après-midi, complètement authentique mais sans avoir planifié quoi que ce soit ! On conduisait juste dans les rues, avec Devante, on interagissait avec la population, on s’arrêtait à droite à gauche pour y tourner des scènes, devant la mairie, le skate-park… On lâchait juste Devante interagir avec Oakland. Vu qu’il est de la ville, ça marche à merveille. L’employé de la sécurité dans la vidéo, c’est un ami de longue date de sa famille qu’on a croisé par hasard. Les voitures qui driftent, c’est Devante qui nous a dit qu’il pouvait appeler des potes qui savaient conduire, donc ils sont arrivés, ont fait deux-trois drifts et c’était dans la boîte ! Une minute de concentré de pur Devante. C’est ce que les gens aiment et ce qui fera qu’ils s’identifieront avec le club de leur ville. C’est le reflet de qui il est, un Oakland boy, il a grandi ici, il fait partie de la communauté et la comprend. On ne voulait pas montrer des superbes paysages, des monuments connus. Parce-que ce qu’il fait d’Oakland une ville si spéciale, ce sont ces habitants. C’est comme ça qu’on veut être perçu ; des histoires, des gens, c’est le message d’Oakland.
(NDLR : Ils ont depuis publié une vidéo pour leurs deux nouveaux joueurs, en les liant eux aussi à leurs origines différentes, disponibles ici).

Beaucoup de paramètres vont être jugés dans la première saison ; vos résultats sur le terrain, vos résultats économiques, vos affluences dans le stade, le suivi de la ville… Sous quels critères allez-vous décréter que ce sera une saison réussie ou non ?

EA : Ce qu’on a essayé de construire via notre organisation, c’est une équipe qui puisse survivre dans n’importe quelle ligue potentielle. On ne doit pas devoir dépendre d’une question de stabilité. Les Oakland Roots veulent amener le plus haut niveau de soccer possible dans la ville et c’est seulement ce but qui dicte nos actions. On ne permettra pas le paysage instable du soccer américain de dicter ce qu’est marque et notre club. Plus important encore, nos modèles sont des clubs comme Detroit City ou Chatanooga, des franchises pour lesquelles j’ai un respect immense et avec lesquelles nous discutons depuis nos débuts. Avec elles, on a appris comment donner plus de pouvoirs à notre communauté par exemple. Comment construire un club avec lequel les gens s’identifient et qui survivrait à un quelconque ratio de victoires ou défaites. Maintenant à Chatanooga, les habitants sont carrément actionnaires ! C’est bien la preuve du succès du club, qu’importe la ligue ou le niveau. Detroit, eux, ont construit leur propre marque de whiskey, leur propre installation de futsal avec un bar pour que la communauté ait un endroit où socialiser, s’amuser et jouer au soccer. C’est exactement ce modèle de club que nous voulons construire et notre succès en dépendra. Notre but, c’est du soccer de haut niveau à Oakland avec une identité forte qui connecte l’équipe avec les fans, bien au-delà des résultats.

Geasy
Le club n’a toujours pas joué un match, mais son nom apparaît déjà dans un clip de G-Easy
Antoine Latran

Co-créateur de Culture Soccer. Ancien rédacteur Soccer Nord-Américain pour Lucarne Opposée. Fan de MLS depuis une balade dans Seattle un jour de match, j'écris sur Culture Soccer sur la MLS, la NISA, la sélection américaine, ainsi que sur des sujets mêlant le sport à la culture, la politique et l'économie.

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