L’infatiguable Emmanuel Boateng

Cet article a été écrit par Aurélien Pech, passionné du LA Galaxy.

Il est petit, il est gentil mais non, il n’a pas stoppé Léo Messi et ce n’est pas N’Golo Kanté. Lorsque l’on évoque son nom, on parle surtout de ses qualités en tant qu’homme et joueur : sympathique, volontaire, teigneux, physique et surtout rapide. Né le 17 janvier 1994 à Accra, capitale du Ghana, Emmanuel Boateng n’aurait pas imaginé, dix ans auparavant, gagner sa vie en jouant au soccer. Pourtant, malgré son temps de jeu limité au LA Galaxy, le club lui a proposé un nouveau contrat début janvier. Son aventure étatsunienne se poursuit donc depuis 2016. Mais qui est-il vraiment ?

Ses débuts au Ghana

Qu’elle est loin cette époque où ‘Ema’ (surnom donné au joueur) jouait dans la rue avec ses copains où chacun d’entre eux se prenaient pour Abedi Pelé, Michael Essien, Abdul Razak ou Samuel Kiffour, tous, joueurs emblématiques de la sélection du Ghana. Très vite, les qualités du jeune Boateng séduisent et intriguent un certain Tom Vernon (actuel propriétaire du club danois de FC Nordsjaelland) en 2006. Ancien scout de Manchester United, il a créé et investi en 1999 dans une académie de football appelée Right To Dream (RTD, ‘droit de rêver’ en français). Le principe est simple : l’éducation est la clé pour réussir car les joueurs et éducateurs le savent : tous les étudiants ne seront pas professionnels.

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Emmanuel Boateng à la RTD, 2009, (Crédit photo : CNN)

Tom Vernon installe donc un programme à travers des cours qui permettent qui permettent à ses élèves de mieux connaitre les grandes figures de l’histoire de l’Afrique comme Nelson Mandela. Si les élèves ne réussissent pas sur le terrain, ils réussiront au moins en dehors. Il repère ainsi ‘Ema’ et l’intègre dans l’académie à Kumasi (Ouest-Centre du Ghana). Vêtu de son maillot noir frappé du blason des Red Devils, rappelant le triplé de Manchester United de la même époque (Vainqueur de la Premier League, Community Shield et de la Ligue des Champions), le natif d’Accra impressionne, tant par ses qualités physiques que scolaires (c’est l’un des meilleurs élèves de l’Académie). La tête sur les épaules, Boateng ne croyait pas en ses chances, du moins au début.

En 2009, à 15 ans, il explose et obtient une bourse via la RTD : il se voit proposer quatre ans d’études à Cate School, un lycée à Carpinteria (Californie, Etats-Unis). Une semaine avant son départ, il annonça à sa famille avoir accepté la bourse et son départ pour les Etats-Unis. Les au revoir sont longs, le papa d’Emmanuel, tel un vieux sage lui donne un conseil « Prends l’éducation que tu as reçu au sérieux car ce n’est pas à cause du football que tu vas là-bas. » (Reportage CNN, 2013). Le minot le sait, et il dira dans ce même reportage : il n’y va pas pour devenir footballeur, il y va car il veut être docteur.

Direction les États-Unis 

La même année, il débarque en Californie. Sa famille d’accueil l’aide au maximum pour qu’il puisse se sentir intégré et bien dans son nouvel environnement. Dans un entretien accordé avec le LA Galaxy, il déclare que cette famille l’a « super bien aidé à surmonter ses épreuves ».
Boateng n’en reste pas là, il joue avec l’équipe de soccer de son école (Cate School Team) mais aussi dans les deux clubs proches de son lieu d’étude : Le Santa Barbara Soccer Club et le South Coast Strikers.

2011-2012, les premiers trophées

C’est l’année où les efforts de Boateng sont récompensés. Par deux fois, il porte son équipe universitaire, Cate School, à la tête du championnat local. Il remporte pour deux fois en deux ans le titre de « Joueur de l’année du championnat interscolaire de Californie Sud de la division 7 » (California Interscholastic Federation-Southern Section Division 7). Sa dernière saison est impressionnante : il inscrit 32 buts et délivre 19 passes décisives.

Ses performances lui permettent de décrocher le graal lorsqu’il reçoit le trophée « Footballeur Gatorade de l’année 2012 », prix remis au meilleur jeune athlète adolescent aux États-Unis. Parallèlement, le ghanéen s’exerce à l’athlétisme et là encore, il excelle. Il atteint les finales de 100 et 200 mètres dans la division californienne Sud en 2011. Sa compétitivité lui permet donc de s’acquitter d’une année à la Cate School (Right to Dream et son école s’étaient entendus pour une bourse de quatre ans) et de rejoindre les rangs de l’université de Californie à Santa Barbara en 2012.

Malgré l’intérêt d’une grosse écurie, Ema préfère continuer son aventure en Californie. Un choix étonnant sur lequel le joueur n’est jamais revenu ou qu’il n’a jamais évoqué, d’autant plus qu’il s’agissait de Manchester City.

Naturellement, le jeune ghanéen se fait une place dans le onze de départ de l’équipe US Santa Barbara Gauchos. Il jouera dix-huit matches avec, à la clé, quatre buts et quatre passes décisives dans le National Collegiate Athletic Association (NCAA) que l’on appellera communément « College Soccer » et que nous vous présentions ici.

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Emmanuel Boateng sous les couleurs de l’USCB, 2012 (crédit photo James Crosby Photo)

2013, l’année de transition

 À 19 ans, Ventura County Fusion lui permet d’évoluer en USL PDL (aujourd’hui USL League Two (USL2), équivaut à la 4e division). Il n’apparaît que quatre fois pour…un petit but. Ce demi-échec va lui donner envie de changer d’air et de troquer le soleil et la chaleur de Californie, par le froid nordique de Suède.

En effet, en 2013, le club suédois Helsingborgs, leader du championnat à l’époque, décide d’inviter le héros de Cate School à un essai à l’entrainement. L’étudiant voit l’opportunité de se lancer dans un nouveau challenge et paye lui-même ses billets d’avion pour traverser l’Atlantique. Il fait bonne impression et signe un contrat de trois ans avec le club.

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Présentation Boateng, (crédit photo Helsingborgs)

Emmanuel Boateng chez les Vikings  

Arrivé en l’été 2013, le ghanéen connaît des bons débuts avec les U21 d’Helsingborgs en marquant à quatre reprises pour une passe décisive en l’espace de trois matches. Il sera directement intégré à l’équipe A et l’aidera à se qualifier son équipe contre Härnösand en Coupe nationale de Suède avec un doublé. Cependant, en championnat, Ema aura du mal à s’adapter avec une seule passe décisive en quatre matches.

2014, du haut de ses 1m67, Boateng connaît des débuts diesel avant de débloquer son compteur chez les U21. En revanche, malgré des appels réguliers dans le groupe de l’équipe A, il ne fera que des bouts de matches et ne semble pas pouvoir s’imposer sur le long terme.

Sa saison en U21 tout de même meilleure qu’à son arrivée, signe de bonne intégration du Californien. Il comptera au total vingt-trois matches pour six buts et deux passes décisives.

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Ema donnant le but de la victoire (3-2) dans les dernières secondes face à Falkenbergs. (Crédit photo : Johan Persson)

Sa dernière saison montre à quel point il est sérieux. Le jeune attaquant gagne du temps de jeu et arrive à décrocher quatre titularisations en équipe A. Il marque alors quatre buts en vingt et un matchs.

Home Sweet home

Alors que la MLS Superdraft bat son plein en ce mois de janvier 2016, le LA Galaxy décide de faire revenir Mike Magee (retraité depuis janvier 2017). Mais une annonce, de Bruce Arena, alors entraineur des Galactiques va surprendre les supporters.

Emmanuel Boateng, actuel joueur d’Helsingborgs en Suède, est transféré dans le club aux cinq MLS Cup. « Emmanuel est un jeune joueur offensif de talent qui va apporter de la profondeur à notre attaque et qui pourra progresser au sein de notre effectif. Nous sommes très heureux de son acquisition », a déclaré le coach du Galaxy, Bruce Arena au micro du club de LA.

Avec une présaison difficile, le ghanéen effectue ses grands débuts contre Colorado pour 8 petites minutes de jeu (défaite 1-0 au Dick’s Sporting Goods Park).

Sa capacité physique lui permet de jouer sur les ailes, en pointe et en milieu offensif. Bruce Arena décide de lui faire confiance et de le titulariser dix-sept fois en MLS. En tout, il jouera trente-quatre matches (toute compétitions confondues) avec quatre buts et six passes décisives.

C’est aussi l’année où Emmanuel Boateng sauve les siens face au Real Salt Lake. En effet, le LA Galaxy se présente pour les playoff mais doit obligatoirement gagner le match sous peine d’être éliminé. Alors à un à partout, Boateng décide d’appuyer sur l’accélérateur et d’effacer la défense de Salt Lake. Dix minutes plus tard, il récidive en inscrivant le but du break. Le LA Galaxy est qualifié mais se fera éliminer par Colorado au prochain tour.

Les années qui suivent sont plus sombres pour LA et Boateng.
Les différents coaches (Curt Onalfo, Sigi Schmid, Dominic Kinnear) préfèrent l’utiliser en joker.

Sur deux ans (2017-2018), Ema jouera 3309 minutes, ce qui fait un total de 37 matches de 90 minutes … Bien trop peu pour un joueur de son standing surtout que le LA Galaxy ne goutera pas aux playoffs durant cette période. En 2018, le club sera devancé par un seul point parle Real Salt Lake pour une deuxième année consécutive.

On a bien cru que les changements opérés par Los Angeles allaient impacter son avenir. Il s’avère qu’après de longues semaines d’attentes, LA Galaxy décide de prolonger son contrat le 14 janvier 2019.

Dennis Te Kloese, le manager général, déclare : « Nous sommes très heureux que Ema soit de retour à LA. C’est un jeune brillant qui apporte du plus et de la profondeur à notre équipe. Nous attendons avec impatience son développement en tant que joueur et ses futures contributions à notre équipe. »

Le départ-surprise d’Ola Kamara en début de saison et la blessure de Romain Alessandrini peuvent laisser penser que Guillermo Barros Schelotto va le titulariser plus souvent en 2019, lui qui semble toujours devoir luter pour une place de titulaire.

Et au niveau international ? 

En 2016 le jeune Ghanéen obtient ses papiers et est légitime pour jouer avec les Etats-Unis. Il s’exprime en disant qu’il avait une préférence pour le Ghana mais que si les USA l’approchaient, il n’hésiterait pas à leur rendre service. Malheureusement, pour le moment, aucun des deux pays ne l’a contacté…
Cette année, à l’approche de La Coupe d’Afrique des Nations en Égypte, on peut penser qu’Emmanuel Boateng, du haut de ses 24 ans, est un joueur légitime pour jouer avec la sélection des Black Stars.

Richard A. Yirenkyi, fondateur et éditeur de Ghana US Soccer est un spécialiste du football ghanéen et nous l’avons ’interrogé pour donner son avis sur le cas Boateng. Voici ce qu’il en dit :

« Je me souviens que Boateng avait dit qu’il se verrait bien jouer pour les Black Stars. Je suis sûr qu’il attend encore cette opportunité. Tout peut arriver dans le foot, mais ses chances de faire partie de l’équipe actuellement sont un peu maigres. Je me souviens que l’entraîneur des Black Stars avait déjà passé du temps en Amérique du Nord et rendu visite à certains de ses joueurs Ghanéens jouant en MLS*. Il en a même invité quelques-uns à jouer pour la sélection nationale. Ema Boateng n’a pas eu cette chance et n’a pas fait partie des joueurs ayant participé aux qualifications de la CAN.
Personnellement, j’ai le sentiment qu’il ne fera pas partie de l’équipe du Ghana pour cette édition, mais comme je l’ai dit, tout peut arriver dans le football et à 24 ans, il peut toujours jouer un jour pour les Black Stars.
Le Ghana a beaucoup de footballeurs talentueux dans le monde entier, donc jouer pour les Black Stars est un défi. Pour moi, une chose qui ne joue pas en faveur de Boateng est le fait qu’il joue dans la MLS. Beaucoup de gens pensent encore que la MLS n’est pas aussi compétitive que certaines des plus grandes ligues européennes. Mais je crois toujours qu’il a du potentiel et qu’il pourrait avoir une chance de jouer pour les Black Stars un jour »

Un grand merci à Monsieur Yirenkyi de nous avoir consacré de son temps.

*David Accam, Harrison Afful et Jonathan Mensah tous au Columbus Crew, sont notamment appelés régulièrement en sélections. De nombreux autres ghanéens de la Right to Dream Academy sont aussi en Major League Soccer, comme Abu Danladi (Minnesota).

Culture Soccer

Culture soccer est un podcast dédié au soccer, sa culture et son développement aux États Unis et au Canada. Émission audio du site culturesoccer.com, elle couvre toutes les divisions Nord Américaine, de la MLS aux divisions inférieures en passant par la CanPL, ainsi que les sélections américaines et canadiennes.

11 thoughts on “L’infatiguable Emmanuel Boateng

  1. J’adore votre site que je n’ai découvert qu’hier je suis fan de MLS depuis quelques années je cherchais justement du contenu en français ça tombe bien je l’ai trouvé ici merci à vous vous faites un superbe boulot c’est très complet vous donnez envie de suivre encore plus le soccer US et ça pour notre plus grand plaisir .

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    1. Bonjour, excusez-nous nous n’avions pas regardé les commentaires depuis quelques mois !
      Ce genre de commentaire nous fait chaud au coeur. Merci de nous suivre 🙂

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  2. J’avais lu l’article à sa sortie et je n’étais pas d’accord à l’époque. Boateng est (du moins était) un joueur surcôté, certes volontaire et rapide mais très irrégulier dans le dernier geste. Certes quand il marquait un but c’était souvent spectaculaire (comme ce fameux match de play-offs contre Salt Lake, d’ailleurs il adorait les martyriser), mais que de gestes manqués… C’est un joueur correct pour le banc mais rien de plus, le problème à LA c’est qu’on a essayé de lui donner un plus grand rôle mais ça n’a pas payé, il n’avait pas les épaules (enfin clairement, ce n’était pas notre plus gros problème).

    C’est un exemple typique du “si il arrive à régler la mire aux abords du but, il va être excellent”. Le problème c’est qu’il ne l’a jamais fait, beaucoup de supporters de LA (ainsi que l’auteur de l’article :p) y ont cru, mais la suite de l’histoire depuis l’article donne plutôt tort à son auteur : deux changements de club pour trois pauvres titularisations et une passe décisive en un an et demi… Si j’avais à parier je dirais qu’il ne sera plus en MLS en 2022.

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    1. Alors certes il a montré ses limitations mais je le trouve toujours intéressants en tant que supersub à Columbus. Ce sera jamais un leader de club mais pour moi un joueur clairement intéressant pour la profondeur de banc d’un club MLS !
      J’espère continuer à la voir l’année prochaine 😉

      Merci beaucoup en tous cas pour ton commentaire LEM ! Tu n’es pas un ancien du forum (qui n’a pas duré longtemps) de la MLS en Français et Soccer France ? :p

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  3. Alors j’ai fait partie d’un forum sur la MLS vers 2016, par contre Soccer France ça me dit rien! Tu étais qui?

    Je suis toujours pas sur Twitter, mais ça devrait arriver prochainement vu qu’il y a une communauté de plus en plus grandissante qui s’intéresse à la MLS.

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    1. ça doit être le même forum, il me semble que c’était plus tôt, vers 2014/15, mais ma mémoire me fait peut-être défaut !
      Je me souviens qu’on était pas nombreux d’actifs; une Nathalie supportrice de Toronto (et qui écrit sur ce site !), toi, ainsi que moi-même, fan de Seattle (mon pseudo devait être RaveGreen, ou FrenchSounders, je sais pas ?)

      Mais je t’encourage en tous cas à venir sur Twitter, c’est là où nous sommes de loin les plus actifs, on tweet sur toutes les petites actualités tout en publiant nos articles et podcasts et en effet, la communauté est sympa !

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  4. FrenchSounders ça me dit quelque chose oui! C’était fin 2015-début 2016 je suis sûr. Je me souviens de Nathalie, il y avait un certain “Vercollone” également, il écrit aussi sur le site?

    Ca viendra pour Twitter, je vais attendre que la saison se termine et on verra.;)

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    1. C’est fort possible alors ! Oui il y avait un Vercollone, qui est sur Twitter mais pas le site 😉
      Parfait, si jamais tu fais le pas follow @CultureSoccer et @AntoineLatran, on pourra ainsi débattre soccer ! Bonne finale à toi !

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