A l’occasion de la Coupe du monde féminine en France, Thibault Rabeux nous fait découvrir la première édition officieuse de la prestigieuse compétition en 1988. Pour plus d’informations sur le sujet, nous vous conseillons son excellent livre, « Football féminin : les Coupes du monde officieuses ».
Si vous cherchez un équivalent à la Coupe du monde féminine test de 1988 chez les hommes, vous n’en trouverez pas. Et pour cause, le football masculin avait déjà fait ses preuves avant l’organisation du premier Mondial uruguayen en 1930. Discipline olympique depuis les J.O. de Paris en 1900, le football disputé par les hommes passionnait les foules, c’était une certitude. En témoignent les 28 253 spectateurs venus assister à la finale olympique en 1928, ou encore les 40 552 lors de la finale en 1924. Pour les femmes en revanche, point de tournois olympiques avant 1996, donc peu de références fiables pour la FIFA si ce n’est une multitude de « Coupes du monde » officieuses disputées à travers le monde entre les années soixante-dix et quatre-vingt. Alors pour tester la viabilité d’un Mondial féminin, la Fédération internationale décide de mettre sur pied en 1988 un tournoi test baptisé International Women’s Football Tournament.
Le Canada dans la fosse aux lionnes
« Elle (la Coupe du monde test – N.D.L.R.) sera organisée et supervisée directement par l’Asian Football Confederation sous les auspices de la FIFA. La viabilité d’une future Coupe du Monde Féminine sera évaluée à l’issue du tournoi. » Révèle l’un des procès-verbaux du comité exécutif de la FIFA. Organisé en Chine du 1er au 12 juin 1988, le tournoi test rassemble douze équipes dont les États-Unis, le Brésil, la Norvège, la Côte d’Ivoire, la Chine ou encore le Canada. Les Canucks ont d’ailleurs le privilège de disputer le match d’ouverture face au pays hôte devant 45 000 spectateurs ! « Pour les joueuses canadiennes, c’était comme entrer dans la fosse aux lions » raconte l’entraîneur canadien de l’époque Neil Turnbull au tabloïd Edmonton Sun. Une entrée en matière compliquée pour les Nord-américaines, battues deux à zéro par les Chinoises.
On ne peut pas dire que la suite de la compétition réussira aux Canucks. La faute peut-être à un rythme trop soutenu. Bien que les rencontres ne duraient à l’époque que 80 minutes, les joueuses sont contraintes de disputer un match tous les deux ou trois jours comme le raconte l’entraîneuse adjointe canadienne de l’époque Sylvie Béliveau: « C’est ironique de voir que le calendrier des matches était très chargé alors que nous devions performer sur le terrain pour prouver notre légitimité… » Vainqueur de la Côte d’Ivoire dans son second match (6-0) et ayant été contraint au partage des points face aux Pays-Bas (1-1), le Canada termine tout de même deuxième de son groupe et se hisse en quart de finale. Un match éliminatoire perdu sur le plus petit des scores contre la Suède, futur finaliste malheureux du tournoi remporté par la Norvège.
La découverte d’une nouvelle culture
Outre l’aspect purement sportif, ce tournoi en Chine est une occasion unique pour les joueuses venues des quatre coins du monde de découvrir une nouvelle culture. Sylvie Béliveau se remémore encore les déplacements sous escorte militaire, la faune locale, les cours de tai-chi et les découvertes gustatives. « J’ai gouté du café pour la première fois de ma vie » se souvient l’ancienne internationale canadienne. Plus cocasse encore, l’anecdote racontée par les joueuses australiennes. En grande majorité blondes, les Matildas suscitaient la curiosité des locaux comme le raconte l’ancienne joueuse Debbie Nichols : « Il n’y avait pas de blondes en Chine à l’époque donc nous attirions l’attention ». Anecdote confirmée par sa coéquipière Theresa Deas : « Lorsque nous avons été au zoo avec l’équipe, les gens nous suivaient. Ils faisaient la queue derrière nous au lieu de la faire pour voir les pandas ! ».
Un test concluant
Pour en revenir au tournoi en lui-même, ce dernier est un succès. 81 buts inscrits en 26 matches disputés ; 360 000 spectateurs au total dans les stades ; 200 000 millions de téléspectateurs devant leur écran pour regarder les huit matches retransmis en direct… A l’issue de la compétition, l’Asian Football Confederation déclare dans son rapport envoyé à la FIFA que le tournoi a apporté la preuve comme quoi le football féminin devait désormais être reconnu au niveau mondial. Un constat partagé par la Fédération internationale de football qui décide dix-huit jours après le Women’s Football Tournament chinois d’organiser une première Coupe du monde féminine officielle. Celle-ci se tiendra en Chine en 1991 et verra les États-Unis l’emporter. Mais cette histoire, vous la connaissez déjà…