L’été 2019 semblait prometteur pour Canada Soccer. D’un côté, l’équipe nationale féminine, cinquième mondiale selon le classement FIFA (malgré tous ses défauts), s’apprêtait à disputer sa Coupe du Monde française et rêvait, pas très secrètement, de remporter un premier titre mondial. De l’autre, l’équipe nationale masculine, fière des débuts de sa génération dorée, se voyait titiller les puissances de la région CONCACAF et remporter sa deuxième Gold Cup après celle acquise en 2000 (le Canada a remporté l’édition 1985 mais la compétition ne s’appelait pas la Gold Cup encore). J’y ai moi-même cru! Comme tout bon supporter de son équipe nationale, je me préparais à vivre un été rempli de belles sensations et je me permettais de rêver à deux titres internationaux le 7 juillet 2019. La suite de l’histoire, nous la connaissons. L’équipe féminine s’est fait éliminer en huitièmes de finale de la Coupe du Monde face à la Suède (1-0) alors que l’équipe masculine a été surprise par Haïti qui s’est imposé lors des quarts de finale de la Gold Cup (3-2). Quelques semaines après ces évènements douloureux, je décortique ces performances et vous donne mon opinion sur les étapes à suivre afin d’éviter ce genre de tragédies dans le futur.
Ce qui aurait pu être :

En premier, parlons de cette équipe nationale féminine (CANWNT). Malgré le pessimisme ambiant de la part des fans avant le début de la compétition, je pensais que CANWNT avait compris ce qu’il fallait faire durant la compétition. Je l’avais mentionné durant l’Algarve Cup jouée quelques mois plus tôt où le Canada avait pris la 3ème place (27 février au 6 mars), il est temps de faire confiance à la nouvelle génération. L’entraîneur danois Kenneth Heiner-Moller n’avait malheureusement pas retenu la leçon après cette compétition et s’est obstiné à utiliser les mêmes joueuses durant cette Coupe du Monde malgré des prestations peu convaincantes. En effet, Heiner-Moller a utilisé 16 joueuses en quatre matchs durant la compétition, si ce chiffre semble logique et respectable, il l’est beaucoup moins lorsqu’on regarde le nombre de minutes jouées par les remplaçantes durant la compétition ; Deanne Rose (15 min), Rebecca Quinn (24 min), Adrianna Leon (54 min), Jordyn Huitema (90 min) et Jayde Rivière (102 min). En se basant simplement sur ces données, nous remarquons que l’entraineur danois s’est vraiment basé sur un groupe de 13 joueuses vu que les trois autres ont joué moins de 60 minutes. De plus, si je prends en considération le fait que Huitema a joué un seul match en tant qu’ailière droite (pas du tout confortable à ce poste puisque c’est une attaquante de pointe), je suis de plus en plus inquiet! Comment une équipe peut se considérer comme une prétendante au sacre mondial si elle n’est pas capable de s’appuyer sur plus de douze joueuses? Sincèrement, je ne comprends pas. Pourquoi a-t-on le droit d’avoir un groupe de 23 joueuses si l’entraîneur ne les fait pas jouer? Incompréhensible selon moi. Les onze autres joueuses ne sont-elles pas assez bonnes? En fait, elles le sont! Rebecca Quinn est supposée être la remplaçante idéale de Desiree Scott en tant que milieu de terrain défensif alors que Julia Grosso et Gabrielle Carle ont tout ce qu’il faut pour jouer en tant que milieux relayeurs. Jordyn Huitema est la future star de l’équipe, elle aurait dû avoir sa place à côté de Sinclair contre des équipes plus faibles comme la Nouvelle Zélande ou le Cameroun. Adrianna Leon est explosive et aurait pu faire beaucoup de bien à une attaque en panne durant la compétition. À mon avis, elle aurait dû être titulaire face à la Suède qui est une équipe très défensive. En gros, à mon humble avis, des choix très douteux de la part de l’entraineur danois durant la compétition.

Chez les hommes (CANMNT), j’ai déjà mentionné la génération dorée du Canada. Une des équipes les plus complètes de l’histoire des Rouges selon moi avec des jeunes talents comme Alphonso Davies, Jonathan David, Samuel Piette ou Mark-Anthony Kaye et de très bons vétérans comme Milan Borjan, Scott Arfield, Atiba Hutchinson et Junior Hoilett. Voyant l’effectif choisi, je m’attendais à ce que le Canada surprenne les observateurs et se glisse comme un des outsiders de la compétition. Durant cette Gold Cup, la troupe de John Herdman s’est bien comportée, remportant deux de ses matchs de poule assez facilement (4-0 face à la Martinique et 7-0 face à Cuba) mais l’entraineur anglais a, selon moi, mal jugé le deuxième match du groupe face au Mexique en alignant une équipe B, préférant reposer ses joueurs pour le match ultime, le troisième, face à Cuba. Herdman a raté une chance en or de prouver au monde entier que l’équipe nationale canadienne est loin d’être une proie facile et que le Mexique et les États-Unis ne sont plus les seuls maitres de la région CONCACAF. Si le Canada avait aligné son équipe type, j’aurais pu mieux jauger le niveau réel de CANMNT alors qu’en date d’aujourd’hui, je me pose encore des questions par rapport au vrai talent de mon équipe nationale. Je vous vois venir avec vos remarques! ‘Mais nous avons perdu contre Haïti, donc nous sommes nuls!’, non! La défaite contre Haïti lors des quarts de finale, c’est complètement autre chose. En effet, Haïti est une équipe bien rodée qui avait beaucoup moins de pression sur les épaules durant cette compétition. Elle a aussi pu profiter des faiblesses du Canada en employant des ailiers assez costauds face aux latéraux canadiens parce que, malgré tout le talent à la disposition de John Herdman, le Canada n’a pas encore trouvé de joueur assez talentueux au poste de latéral gauche alors que l’entraineur anglais a donné le poste de latéral droit à Marcus Godinho, coupable sur deux des buts encaissés durant le match, au détriment de Zachary Brault-Guillard : ce qui n’était clairement pas le bon choix (mentionné au podcast d’avant match ici). En gros, Herdman a fait quelques erreurs mais l’élimination surprise du Canada face à Haïti n’est pas à 100% de sa faute, elle est aussi due à l’inexpérience des joueurs canadiens qui ont perdu un match où ils menaient 2-0 à la mi-temps.
Objectifs futurs :

Comment se remettre sur le bon chemin chez CANWNT? La réponse est assez simple à mon avis, je peux y répondre en deux gros points. Le premier point, s’assurer que Kenneth Heiner-Moller a bien compris le fait que l’équipe nationale doit s’appuyer sur la nouvelle génération et si ce n’est pas le cas, lui montrer la porte (je suis sec mais je reste fidèle à mon avis). Le second point est beaucoup plus compliqué à faire avaler. Je pense qu’il est temps pour Christine Sinclair de prendre sa retraite, j’aimerais que Canada Soccer organise deux ou trois matchs amicaux contre des équipes faibles pour permettre à Sinclair de dépasser l’américaine Abby Wambach comme la meilleure buteuse de tous les temps au niveau des matchs internationaux (plus que deux buts les séparent). Mais, si je veux penser à l’avenir de notre sélection, il faut que la nouvelle génération s’habitue à jouer et à performer sans Sinclair et il faut surtout que Jordyn Huitema engrange les minutes à son poste de prédilection. Outre Sinclair, je pense qu’il est temps de dire au revoir à Desiree Scott, Allysha Chapman et Stephanie Labbé après ces matchs amicaux de même que les vétérans qui ont raté la Coupe du Monde en France comme Erin McLeod et Diana Matheson. Ces changements devraient déjà être mis en place avant le tournoi de qualification pour les jeux olympiques de 2020 (JO 2020) qui se dérouleront à Tokyo (les dates du tournoi de qualification pour la région CONCACAF ne sont pas encore connues). Pour la nouvelle génération, le but sera de se qualifier pour les JO 2020 et lors de la compétition, redorer le blason de notre équipe nationale.

Du côté masculin, le challenge est beaucoup plus gros. Le Canada va devoir se placer dans le top six des équipes de la CONCACAF avant le mois de juin 2020 afin d’avoir plus de chances de se qualifier pour la Coupe du Monde dorénavant selon le nouveau système de la confédération (à lire l’article très bien détaillé chez nos amis de Lucarne Opposée). Herdman va avoir une pression supplémentaire lors de la première édition de la CONCACAF Nations League afin d’engranger des points qui permettront au Canada d’atteindre cet objectif. Le deuxième gros objectif pour John Herdman sera de se qualifier pour la Coupe du Monde au Qatar. Pour cela, il aura besoin d’élargir son réseau de recruteurs à travers le monde pour trouver de nouvelles pépites canadiennes afin d’étoffer son effectif. À mon avis, il manque quelques pions essentiels au Canada afin de se qualifier. En premier, CANMNT a besoin de deux latéraux gauches (un titulaire et un remplaçant), un latéral droit qui pourra se diviser les minutes avec Zachary Brault-Guillard, un défenseur central qui devrait s’ajouter aux deux déjà indiscutables Doneil Henry et Derek Cornelius, un milieu de terrain pour remplacer le néo-retraité Atiba Hutchinson et enfin trancher entre Manjrekar James et Kamal Miller pour le quatrième poste de défenseur central.
En conclusion :
Des échéances importantes montrent le bout de leurs nez pour nos sélections nationales d’ici les JO 2020. CANWNT devra se remettre de sa déception en disputant un gros tournoi et CANMNT va devoir se faire une place parmi les six premières nations avant le mois de juin 2020. Pour atteindre leurs objectifs, je conseillerais à Kenneth Heiner Moller de superviser certaines jeunes joueuses qui sont très performantes comme Vanessa Gilles (Bordeaux en France) ou Evelyne Viens (University of South Florida) alors que John Herdman devrait se concentrer sur une ligue bien plus proche qui est la Première Ligue Canadienne qui a mis en lumière de jeunes joueurs intéressants comme Luca Gasparotto (York 9 FC) ou Ndzemdzela Langwa (HFX Wanderers). Bien évidemment, je ne nomme que certains joueurs/joueuses mais plusieurs pourraient prétendre à une place au sein de nos équipes nationales parce que le talent est bien là et pourrait hisser « l’Unifolié » vers des sommets inexplorés…
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