Photo de Couverture via Paradise Soccer Club sur Instagram
Team Hawaii, l’Expérience Totalement Folle
La North American Soccer League, une ligue de soccer des années 70 et 80 aux Etats-Unis qui a rassemblé des noms comme George Best, Johan Cruyff, Franz Beckenbauer, Eusébio et Pelé dans des équipes légendaires telles que le New-York Cosmos, était une réelle usine à innovation, de bonnes comme de mauvaises. Nous vous racontions plus tôt en mai sa tentative de remplacement des penaltys, par une variante inspirée du hockey.
Aujourd’hui nous allons nous attarder sur un autre projet insensé qu’a eu la ligue : une équipe de première division américaine à Hawaii. Les dirigeants de la NASL ont instauré une franchise hawaïenne en 1977, obligeant certaines équipes de l’Est à des déplacements de plus de dix heures de vol jusqu’à Honolulu.

Pour rappel, Hawaii c’est ici, en plein milieu du Pacifique.
A Hawaii, le projet ne semblait pas être le plus simple à mettre en place non plus. Certes, d’autres territoires, sans aucun lien historique avec le soccer, avaient bien accueilli le sport (prenons comme exemple les foules de fans à Tampa Bay et Minnesota) mais Hawaii n’a jamais eu un gros flux d’immigration européenne et/ou latino-américaine comme d’autres territoires étasuniens.
Surtout, non seulement l’emplacement de l’équipe obligeait tous ses adversaires à des voyages d’une dizaine d’heure en avion pour jouer en plein milieu de l’Océan Pacifique, mais en plus c’était sous des températures totalement inhospitalières.
Pourquoi donc cette idée farfelue ?
Team Hawaii c’est d’abord une relocalisation, procédé très utilisé à l’époque puisque la ligue « testait » différents territoires pour voir comment le soccer serait accueilli. Team Hawaii c’est donc originellement les San Antonio Thunders, une équipe constituée majoritairement d’Ecossais et d’Américains, qui jouaient au Texas devant des foules réduites, entre 3.000 et 6.000 spectateurs par match.
Le propriétaire, Ward Lay Jr., 32 ans, était le fils de Harman Warden Lay, fondateur des très connues chips Lay’s. Il avait les poches profondes et était prêt et décidé à investir pour établir une réelle franchise et s’investir dans la communauté hawaiienne, du moins au début. L’état d’Hawaii voulait aussi qu’une équipe professionnelle occupe le Aloha Stadium fraîchement construit, de 50.000 places, où l’équipe universitaire n’y jouait qu’une dizaine de matchs chaque année.

Cependant, les résultats furent très vite décevants. Charlie Mitchell, joueur écossais qui y jouait, témoigne : « La Team Hawaii était une superbe expérience mais il n’y avait juste pas assez de supporters. L’équipe universitaire jouait dans le même stade et pourtant, les Hawaiiens ne voyaient juste pas trop l’intérêt de nous suivre. Pourtant, on faisait comme les autres franchises, on allait dans les écoles, dans les communautés, pour parler du sport et promouvoir notre équipe. Mais c’était trop compliqué, déjà il faisait trop chaud au stade et ensuite, les voyages rendaient le calendrier horrible. On était juste beaucoup trop loin, donc lorsqu’on partait en déplacement on faisait quatre ou cinq matchs à l’extérieur de suite, puis on retournait chez nous, ce qui n’aidait pas les fans à s’y retrouver. Bien entendu ça coûtait aussi extrêmement cher ! ».*
Les températures en effet n’aidaient pas, avec des pluies torrentielles lors de cinq des sept premiers matchs à domicile. Quand la pluie partait, il fallait affronter la chaleur. Alan Merrick, défenseur de Minnesota qui était allé jouer Team Hawaii à l’extérieur, raconte : « Il faisait horriblement chaud, avant le match je ne pouvais même pas sortir de mon hôtel. Pendant le match, après 20 minutes de jeu j’ai senti une douleur sur mon pied droit, mais puisque le match continuait je ne me suis pas arrêté. A la mi-temps, je me suis rendu compte que les températures avaient fait fondre la colle de mes chaussures qui du coup, se désintégraient ! Des Adidas de Coupe du Monde, des pompes solides ! Les conditions étaient vraiment extrêmes, tout le monde attendait à la plage les jours de match, parce qu’il faisait tellement chaud qu’il n’y avait rien d’autre à faire ». *
Même les séjours à la plage pouvaient être problématiques, comme l’a expérimenté son partenaire de jeu Alan Willey, qui raconte : « Quand on est allé jouer à Hawaii, on a voyagé depuis Los Angeles un dimanche, juste après un match, alors qu’on ne n’y jouait pas avant Mercredi. On voulait tellement profiter de la plage paradisiaque que tout le monde a fini avec des coups de soleil et le match a été éprouvant. Un de nos joueurs avait aussi marché pieds nus sur le sable bouillant et avait dû faire des injections pour pouvoir jouer le match parce que ses pieds étaient gonflés comme des pommes de terre »*.

Pour beaucoup d’équipes, le match était quasiment secondaire en comparaison avec la perspective de voyager à Hawaii et de visiter la région. Comme de nombreuses franchises, la Team Hawaii organisait des soirées pour les visiteurs qui étaient réputées comme les meilleures de toute la NASL. « C’était vraiment le voyage que je ne voulais pas manquer », dit Alan Birchenall des San José Eathquakes. « Il y avait beaucoup d’anciens joueurs de West Ham à Hawaii, qui avaient pu choisir dans quelle franchise jouer à leur entrée en NASL, donc bien entendu ils avaient tous choisi Hawaii… On a joué un match mais on est surtout resté quatre ou cinq jours sur place. Quand tu jouais en NASL, il y avait toujours quelques anglais dans chaque ville pour t’emmener visiter la ville où ils jouaient et te faire passer de belles soirées. Avec les distances, on se déplaçait rarement juste pour un match, donc l’équipe à domicile faisait à chaque fois des soirées et célébrations, c’était génial »*.
Malheureusement si la troisième mi-temps était belle, les matchs eux ne plaisaient pas, avec une affluence moyenne de seulement 4.550 personnes par match, la deuxième en partant du bas pour la saison 1977. L’équipe était aussi loin d’être aidée par le Aloha Stadium, très distant du centre-ville. Une seule fois, la moyenne passa au-dessus de 10.000 spectateurs, grâce à la venue en ville du New-York Cosmos et du marketing concentré autour de Pelé.
Après seulement un an, l’équipe retourna sur la terre ferme et s’installa à Tulsa, en Oklahoma.

Le Futur du soccer à Hawaii
Hawaii est une terre d’athlètes. Que ce soit en football américain ou en baseball, de nombreux sportifs de l’île se sont aguerris dans les ligues américaines. Cependant, le soccer est loin d’être le sport préféré de ses habitants qui lui préfèrent le football américain, les sports nautiques tels que le surf, le basketball, le baseball, le volleyball ou même le golf.
Excepté quelques équipes universitaires, les tentatives de clubs professionnels de sports sont rares et se comptent à trois aujourd’hui : The Hawaiians, franchise de football américain (74-75), les Islanders en baseball (61 à 87) et donc la Team Hawaii, en 1977.
La MLS a vu certains joueurs passés par l’île dans ses rangs comme Brian Ching, vainqueur de la MLS Cup et participant à la Coupe du Monde sous le maillot américain, mais aussi Zach Scott, figure emblématique des Seattle Sounders. Les liens sont d’ailleurs assez forts avec Seattle puisque Hawaii est un « homegrow territory » pour les Sounders qui peuvent y recruter des jeunes comme Shandon Hopeau, qui évolue aujourd’hui avec la réserve.
Hawaii organise aussi à chaque fin de saison la Pacific Rim Cup, une compétition amicale qui se joue entre des clubs MLS et asiatiques, souvent japonais, le tout dans le Aloha Stadium de la feue Team Hawaï.
Le problème reste que l’île est extrêmement isolée, à l’écart du pays entier. La vie y est très chère et convaincre des famille à débourser des centaines voire des milliers de dollars par an pour des déplacements lors des tournois nationaux, pour que leur enfant soit repéré, n’est pas une chose facile. Malgré les réseaux sociaux, il est aussi dur de se faire apercevoir par le continent et jusqu’à aujourd’hui, Team Hawaii reste l’unique équipe professionnelle de soccer dans l’histoire de l’île.

*Citations provenant du livre Rock’n’Roll Soccer de Ian Plenderleith
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