Le Chicago Fire à la Recherche d’une Nouvelle Identité

Chicago est un géant endormi et un gâchis en Major League Soccer, c’est un fait souvent admis. Troisième plus grand marché américain, la ville a de multiples fois été nommée « Best Sports City » grâce à sa puissance sportive qui inclue les Bears en football américain, les Cubs et les White Sox au baseball, les Blackhawks au hockey et les Bulls au basket.
Pourtant, malgré une population composée à 28.9 pourcents de latinos et d’hispaniques, le marché du soccer reste limité. En termes d’engouement et de résultats, le Chicago Fire, l’unique équipe professionnelle de soccer de la ville, n’y arrive tout simplement pas depuis plus d’une décennie.

Douze ans après avoir acheté l’équipe, Andrew Hauptman a vendu les 51% de parts qui lui restait du Chicago Fire. Joe Mansueto, le nouveau propriétaire, est un magnat de l’immobilier qui a fait fortune à Chicago et qui avait déjà acheté les 49 premiers pourcents en juillet dernier. Le club est évalué à environ 400 millions de dollars par Forbes, alors que Hauptman l’avait acheté 31 millions de dollars en 2007.

Pour ceux qui ne connaissent que peu le Fire, c’est un euphémisme que de dire qu’il est un des plus célébrés en MLS : arrivé en 1998, soit deux ans après les débuts de la ligue, il remporte la MLS Cup lors de sa première année d’existence – une bravoure qui ne fut pas répétée depuis. Il remporte aussi cinq jours plus tard l’US Open Cup (la coupe nationale américaine) dans un doublé inespéré pour une expansion.

A l’époque, il est dirigé par Bob Bradley avec dans le groupe des joueurs comme Jesse Marsch, Chris Armas, Ante Razov (brièvement mentionné dans notre onze des légendes), Franck Klopas ou Josh Wolff, tous aujourd’hui passés sur un banc en MLS. Après le titre en MLS Cup et en coupe de 1998 suivront trois autres US Open Cup en 2000, 2003 et 2006, deux finales de MLS Cup perdues en 2000 et 2003 ainsi qu’un Supporters’ Shield en 2003. Avec le DC United et le LA Galaxy, c’est une des équipes dominantes des 15 premières saisons de MLS : de 1998 à 2009, ils ne rateront qu’une seule fois les séries éliminatoires, emmenés par des joueurs de talents, comme Pitor Nowak, Cuauhtémoc Blanco ou le ballon d’or 1994 Hristo Stoichkov. Cependant, les dix années suivantes ils n’y arriveront que deux fois en perdant en 2012 et 2017 au premier tour des play-offs.

Une descente dans les tréfonds du classement malgré des dépenses onéreuses et des ambitieux importantes. Le nouveau propriétaire Joe Mansueto a de la suite dans les idées afin de faire repartir le Fire. Nouveau stade, nouvelles ambitions sportives et nouvelle identité, voilà la recette pour remettre Chicago devant.

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Le Seatgeek Stadium, stade actuel du Fire (Photo via The Athletic)

Au revoir Bridgeview, Bonjour Soldier Field

Le changement le plus important opéré par Joe Mansueto en date d’aujourd’hui, déjà entamé sous Andrew Hauptman, est sans nulle doute le déménagement de l’équipe vers un ‘nouveau’ stade. Jusqu’en 2005, le Fire jouait dans le Soldier Field, une énorme enceinte dans la ville-même, qui peut accueillir plus de 60.000 spectateurs et qui est surtout connue comme le domicile des Chicago Bears (NFL).
En 2005 cependant, sous l’essor des nouveaux stades spécifiques au soccer en MLS, il est décidé de déplacer l’équipe dans un nouveau stade, le Toyota Park et futur Seatgeek Stadium. Le gros avantage du stade, c’est qu’il peut accueillir 20.000 personnes et qu’il sonne donc moins vide dans les jours où les fans ne se déplacent pas. Le gros souci c’est qu’il est à Bridgeview, quartier plus décentré et difficile d’accès pour les résidents de Chicago.
Malgré un taux de remplissage plutôt bon vacillant entre 14.000 et 17.000 fans, la localisation n’est pas optimale, de nombreux fans se plaignent et les différents pics comme en 2017 sont plus l’effet des bons résultats et de l’arrivée de Schweinsteiger que d’un engouement particulier autour du Fire. Chicago est souvent dans les dernières affluences de MLS, avec des chiffres souvent gonflés.

L’idée était donc de partir au plus vite de Bridgeview, pour attirer une nouvelle fanbase composée de supporters plus jeunes et plus citadins dans Chicago même, soit une tranche de population privilégiée par la MLS. Reste un autre problème, le contrat avec la ville de Bridgeview conclu en 2004. Joe Mansueto a dû mettre la main à la poche pour s’affranchir des 20 ans de contrat restants, en dépensant pas loin de 65 millions de dollars échelonnés sur deux décennies plus 10 millions, de suite.

La destination ? Le Soldier Field, que le Fire avait pourtant fuit en 2005. Un contrat pour les trois prochaines années (avec huit autres en option) a été conclu. Cependant, les désavantages du Soldier Field sont les même qu’en 2005. Premièrement, l’enceinte est d’abord celle des Chicago Bears et non comme à Seattle ou Atlanta un stade partagé équitablement entre la franchise NFL et celle de MLS. Deuxièmement, le Soldier Field possède ses propres problèmes, comme la difficulté d’y accéder en voiture ou les prix excessifs des parkings environnants. Le Fire va certes y développer de nouveaux supporters plus citadins, mais également mettre à l’écart les habitants de Bridgeview qui avaient commencé à suivre l’équipe – même si globalement, les affluences devraient être à la hausse. Finalement, l’effet « stade vide », si courant dans certaines équipes de MLS dans des enceintes de NFL (n’est-ce pas New-England ?) pourrait être de retour.

D’où l’intérêt, finalement, de ce plan de trois ans avec huit en option. Joe Mansueto l’a répété, il croit en la possibilité d’attirer le public au Soldier Field. Après tout, l’équipe nationale américaine l’a rempli face au Mexique pour la finale de la Gold Cup et récemment plusieurs duels entre clubs de Liga MX y furent organisés, résultant en des guichets fermés. L’objectif est de progressivement doubler les affluences de Bridgeview, passant de 15.000 spectateurs à 20.000 puis 30.000 dans les prochaines années. Cependant, il garde dans un coin de sa tête la possibilité de déménager si l’expérience n’est pas concluante et suivant les affluences, il cherchera ou non un terrain en centre-ville pour y installer un nouveau stade spécifique au soccer – ce qui soit dit en passant, ne sera pas facile. Il a en tous cas déjà annoncé vouloir construire un nouveau centre d’entraînement, preuve qu’il ne lésinera pas sur les moyens.

Via WGN Radio
Via WGN Radio

Sur le Terrain et en Dehors, des Changements à Prévoir

Sur le plan sportif Joe Mansueto souhaite également du changement et surtout, de la compétitivité.

2020 sera une année très intéressante pour le Fire. Les trois joueurs désignés, qui sont également trois des joueurs les plus influents de l’équipe, seront en fin de contrat. Le capitaine et milieu défensif Bastian Schweinsteiger, le buteur Nemanja Nikolic et l’ailier Aleksandar Katai ne seront plus, sauf renouvellement de contrat, des joueurs de Chicago l’année prochaine.
En revanche si le Fire veut garder Nicolas Gaitan qui est arrivé cette année, il est prévu dans son contrat qu’une augmentation pour devenir Joueur Désigné sera obligatoirement mise sur la table. Cela laisse tout de même deux places à hauts salaires pour améliorer un effectif déjà plutôt qualitatif sur le papier, malgré des résultats inconstants. L’idéal sera de faire venir un joueur mexicain (la rumeur Chicharito, souvent annoncé, n’est plus d’actualité depuis son transfert à Séville cet été) pour séduire la population hispanique de la ville. Un nouveau milieu défensif, un défenseur central, un neuf, un ailier ou un gardien sont tous nécessaires pour que Chicago rejoue les premiers rôles, les possibilités sont donc assez ouvertes. Joe Mansueto a en tous cas annoncé que sur ce plan également, un investissement massif est à attendre, puisqu’il veut « remplir les places de joueurs désignés disponibles avec les meilleurs joueurs trouvables ».

La question qui suit logiquement, c’est celle de l’encadrement de ces joueurs. Le Chicago Fire possède depuis 2015 un tandem à sa tête, avec Veljko Paunovic comme entraîneur et Nelson Rodriguez comme Manager General et Président. Les résultats ont été mitigés depuis, avec une dixième position en 2016, une troisième en 2016 et de nouveau une dixième place en 2018. Le tout, avec une des masses salariales les plus importantes de la ligue. Les supporters en sont conscients et nombreux sont ceux qui ont demandé depuis la saison 2018 le renvoi de Paunovic, qui ne semble pas infuser au Fire un style de jeu défini. Il se pourrait qu’à l’issue de la saison 2019 Joe Mansueto fasse de nouveaux choix. Son prédécesseur n’en avait en tous cas pas peur, puisqu’Andrew Hauptman aura vu passer sept entraîneurs en onze années.

Section 8
Photo via Section 8

L’identité Remise en Question

Joe Mansueto aime profondément le Chicago Fire et c’est quelque chose qui semble déjà lui attirer l’amour des fans. Depuis son entrée dans le capital de la franchise en juillet, il s’est rendu à chaque match à domicile du Fire. Andrew Hauptman a toujours paru en retrait et prêt à prendre de mauvaises décisions, ce qui avait créé un vrai désamour du côté des supporters.

Lorsqu’il avait acheté l’équipe en 2007, la Major League Soccer ne comptait que 12 équipes. D’ici 2022, elle en connaîtra 28 avec un paysage du soccer qui a complètement changé dans le pays. Tout comme certaines autres franchises historiques comme le New England Revolution, le Fire semble être resté dans cette « MLS 1.0 », loin des Atlanta, LAFC et futur Miami qui placent la barre toujours plus haute concernant le produit sportif mais aussi les attentes des supporters. Chicago n’est plus au niveau des autres franchises et a besoin d’une mise à jour, assez littéralement.

Une des pistes qui était déjà envisagée par Andrew Hauptman était celle d’un changement de nom, pour aller avec le re-déménagement au Soldier Field. C’est une technique qui a marché dans le passé du côté de Kansas City qui, couplée à son nouveau stade, avait changé toute son identité en 2010 en se renommant le Sporting Kansas City après 14 ans de vie sous l’appellation des « Wiz » ou « Wizards ». Une formule gagnante pour une image plus moderne qui depuis attire les foules.
Il est vrai que le nom du Fire pose déjà un énorme problème : lors d’une recherche internet, la franchise n’apparaît pas en premier lorsqu’on en tape le nom. La série télévisée hautement populaire occupe quasiment tous les résultats de la première page de n’importe quel moteur de recherche, alors qu’elle a débuté en 2012 soit 14 ans après l’équipe en MLS.

Le club fait actuellement des recherches intensives pour écouter ses supporters et les habitants de Chicago, pour savoir s’il faudrait ou non changer le nom de l’équipe. Les fans semblent globalement contre l’idée, même si elle serait d’un point de vue marketing plutôt avisée. Sur le sujet, Joe Mansueto est plus mesuré qu’Andrew Hauptman, comme il l’a dit dans une interview pour The Athletic : « J’adore le nom. C’est un rappel direct aux origines de l’identité de Chicago. En 1870, St Louis avait une population plus élevée que Chicago et ensuite, nous avons eu le terrible incendie, le Chicago Fire. La ville en a été rasée, mais les habitants ne sont pas partis. Ils ont relevé leurs manches et ont reconstruit la ville, de manière encore plus belle. Pour moi, ce nom c’est une manière de faire face à l’adversité et d’avancer sans s’arrêter lorsque nous construisons quelque chose de grandiose.
La ligue est pleine de noms génériques, le Fire est unique. Comme pour les Sounders ou les Timbers c’est quelque chose qui reflète l’identité de la ville
 ».
La décision devrait être prise cet Automne.

NBC Chicago
Via NBC Chicago

La saison 2020 sera un point d’inflexion dans la jeune histoire du club. Pour citer un supporter commentant sur le site de The Athletic, c’est probablement le « meilleur jour pour être un fan du Fire depuis que Cuauhtémoc Blanco a marché sur Toyota Park », entre 2007 et 2009, quand nombreux étaient ceux qui avaient encore de l’espoir.

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Si la transformation du Fire fonctionne, ce ne serait pas non plus surprenant de voir dans son sillage d’autres changements de propriétaires. Nous parlions de Kansas City en 2010 qui avait changé son identité, mais récemment aussi le DC United a changé de dimension en déménageant. Forcément, d’autres marchés sont aussi frustrants que Chicago : le Houston Dynamo, le New-England Revolution ou les Colorado Rapids n’ont jamais réellement atteint les espoirs placés en eux et peut-être que le Fire pourrait donner des envies à de futures franchises.

Antoine Latran

Co-créateur de Culture Soccer. Ancien rédacteur Soccer Nord-Américain pour Lucarne Opposée. Fan de MLS depuis une balade dans Seattle un jour de match, j'écris sur Culture Soccer sur la MLS, la NISA, la sélection américaine, ainsi que sur des sujets mêlant le sport à la culture, la politique et l'économie.

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