Une carrière de footballeur aux Etats-Unis est loin d’être un chemin facile et Simon Sebbah en est le parfait exemple. Certes, les palmiers et le rêve américain sont présents, mais les difficultés de contrat, les barrières de langues et les blessures sont légion et peu arrivent à prolonger leur rêve au-delà du niveau universitaire et vers la Major League Soccer.
Après un entretien avec lui, nous avons décidé de retracer son parcours passionnant et plein de rebondissements, qui montre à quel point les chemins peuvent être différents dans le soccer américain.
Si certains, après une belle carrière universitaire, continuent leur carrière dans les échelons supérieurs, comme la United Soccer League (D2) ou ses petites sœurs, la League One et la National Independant Soccer Association (D3 toutes les deux), Simon Sebbah a choisi un autre parcours, celui vers une pratique peu connue en France: l’indoor soccer. Réel spectacle dans des enceintes de hockey, l’indoor soccer a connu son pic de popularité dans la fin des années 80, lorsque les foules se pressaient pour voir des joueurs en découdre dans ces arènes ovales, après la fin de la NASL.
Aujourd’hui, l’indoor soccer et sa principale ligue, la Major Arena Soccer League (MASL), reste un sport professionnel avec 18 franchises dispersées aux Etats-Unis, au Canada et au Mexique. Simon Sebbah n’est pas le seul représentant français : Sofiane Tergou y a aussi évolué, lui qui était notre tout premier invité sur le podcast Culture Soccer il y a de cela deux ans. Le niveau y est haut, comme le spectacle. Des joueurs de renom y ont évolué une fois leur carrière en MLS terminée, notamment Landon Donovan aux San Diego Sockers, Jermaine Jones à l’Ontario Fury, Lamar Neagle aux Tacoma Stars ou Dwayne de Rosario des Mississauga MetroStars.
Le College Soccer ou le Plongeon dans le Doute
Comment arrivons-nous du 16e arrondissement parisien aux Dallas Sidekicks, franchise de MASL du Texas ?
La carrière de Simon Sebbah démarre dans la capitale parisienne, à l’Ecole Sportive, où il débute son parcours sportif, puis il finit sa formation à l’ACBB (Athletic Club de Boulogne Billancourt). Entre ses 18 et 21 ans, il continue à l’Ecole Sportive du 16e et il effectue même des débuts en Coupe de France, dont un sixième tour contre Champigny.
A l’époque, les Etats-Unis sont loin des yeux, mais en 2014 il décide de partir de la grisaille parisienne pour rejoindre le soleil californien et, plus particulièrement, la Californie à Santa Barbara. Il a alors 21 ans, et ses rêves de football prennent dorénavant le nom de soccer.
A son arrivée, il fait ses preuves dans des tryouts (des essais ouverts) au poste de milieu de terrain, relayeur ou défensif, où il a joué la plupart de sa carrière. Il ne devait y rester qu’un an pour améliorer son anglais, sans réel espoir footballistique, mais l’essai au Santa Barabara City College se passera parfaitement et il restera aux Etats-Unis finalement toute sa carrière.

Le Santa Barbara City College est, comme son nom l’indique, un Junior College : une sorte de « pré-université » évoluant en CCCAA (California Community College Athletic Association) durant deux ans, qui permet ensuite d’être transféré dans une université de la NCAA, où la pratique du soccer est à un haut niveau. Heureusement pour Simon Sebbah, ses deux années californiennes se passent très bien ; la première sera autant une réussite sur le plan collectif qu’individuel et il sera nommé capitaine pour la deuxième, lors de laquelle il joue la totalité des matchs et emmène son équipe en playoffs. C’était le moment parfait pour briller. A l’issue de ses deux ans dans le Junior College, les universités NCAA s’intéressent à lui et il reçoit notamment des offres d’universités en NCAA DII, n’étant pas éligible pour la première division. San Francisco Sate, University of Hawaii, Palm Beach Atlantic, de nombreuses portes s’ouvrent à lui.
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Cependant, la géographie et le climat ne sont pas les deux seuls aspects qui doivent orienter un joueur à sa sortie de formation. Les différentes universités lui proposent différents contrats, avec des bourses de sommes et aspects variés, et le jeune français décide de partir au Texas, vers la West Texas A&M University, dans la ville d’Amarillo. Certes, l’équipe n’est pas dans la première division de NCAA (elle est en D2) mais le niveau est haut, la bourse adaptée au besoin de l’étudiant et le niveau académique est satisfaisant, ce qui est toujours important en cas de blessure. Pour rappel, la NCAA est composée de trois divisions, mais il existe trois autres ligues universitaires, comme nous vous le détaillons dans un article précédent.
La Carrière au West Texas
Malheureusement, la carrière universitaire au plus haut niveau ne commence pas très bien pour Simon Sebbah : il arrive blessé à la cuisse et la première saison est compliquée. Il joue peu alors que le College Soccer possède un rythme effréné (souvent deux matchs par semaine) mais il revient en forme et remporte, notamment, le prix de joueur de la semaine début décembre. Il finit cette première saison titulaire mais son équipe n’accomplit pas les objectifs qu’elle s’était donnée.
Par la suite, il se blesse malheureusement au pied lors du premier match de présaison. Une opération au cinquième métatarse suit mais annonce une saison terminée. Absent six mois, il doit en plus revenir en France pour des problèmes familiaux. Rééducation et retour aux sources semblent, pourtant, être une bonne combinaison pour un retour en force. Le jeune parisien revient pour la Spring Season 2018 qui se déroule de janvier à mai, la dernière saison de sa carrière universitaire. Il devient capitaine de l’équipe, retrouve ses sensations et gagne en régularité. La saison sera un accomplissement au niveau personnel avec, notamment, une place dans l’équipe-type de la conférence et un accomplissement collectif : West Texas arrive en quarts de finale des playoffs (aussi appelés Elite 8) et il évolue donc, à ce moment-là, dans l’une des huit meilleures équipes des Etats-Unis.

La Carrière Post-College Soccer
Le plus dur reste cependant à venir dans une carrière de footballeur universitaire, c’est l’étape de l’après College. Se retrouver en Major League Soccer – ou au moins dans la sélection pour la Draft – est un rêve pour de nombreux joueurs, mais il est très difficilement atteignable, encore plus en D2 de NCAA. Quelques-uns de ses coéquipiers passent des essais en USL Championship (D2), USL League One (D3) ou NISA (D3).
Seulement, le profil de Simon Sebbah est différent : à déjà 26 ans, il est à un âge avancé dans une carrière de joueur de soccer. Il a quelques touches dans des clubs de quatrième division, notamment au FC Irving en UPSL où il a évolué. Mais le 11 contre 11 aboutit rarement à un parcours stable dans les divisions inférieures à son âge. Il ne veut pas raccrocher les crampons et trouve un nouveau challenge, en indoor soccer. Comme dit plus haut, le niveau est très élevé dans ce championnat mais le sport est tout de même complètement différent. Plus de spectacle, un jeu plus offensif, des changements plus fréquents, une surface réduite et des buts en cascade, l’adaptation n’est pas toujours facile. L’indoor soccer est un autre sport, les règles diffèrent tout comme les tactiques, qui sont plus semblables au hockey sur glace. Le but du jeu reste tout de même similaire : marquer des buts avec la possession du ballon.
Il est invité à faire des essais aux Dallas Sidekicks, une équipe réputée de MASL et, après quelques jours, un contrat de trois ans est conclu entre le club et le joueur français. La saison ne commence que le 30 novembre, mais la présaison a déjà débuté. Les Sidekicks sont une institution en Indoor Soccer : fondé en 1984, ils étaient à l’époque les héritiers de la NASL et attirent souvent plus de 3000 spectateurs par match. Absents en 2017 pour se restructurer, ils sont revenus dans la MASL en 2018 avec un nouveau groupe de propriétaires. Troisième de leur conférence Sud-Ouest l’année dernière, ils n’ont pas atteint les playoffs mais espèrent se reprendre cette saison avec,, notamment l’arrivée de Federico Moojen, que nous avions reçu en podcast. Simon n’hésite pas, un contrat professionnel à son âge et dans une franchise si importante ne se refuse pas.
Les Sidekicks dans les années 80 :
Interview de Simon Sebbah à son arrivée :
L’expérience de Simon en MASL débute dès ce weekend, tout comme la saison d’Indoor Soccer des Dallas Sidekicks, contre les Mesquite Outlaws. Même si la MASL n’a pas l’attrait et la popularité de son glorieux passé, quand elle rivalisait avec les affluences de la NBA et de sports majeurs aux Etats-Unis, elle reste une ligue attractive à regarder et suivre. Aujourd’hui, elle a un niveau élevé et se nourrit du talent des joueurs qui s’améliorent progressivement en Amérique du Nord, ainsi que des anciennes vedettes de MLS qui la rejoignent pour une dernière pige professionnelle.
Toutes les rencontres sont d’ailleurs disponibles en direct sur Youtube pour les curieux. Voici un résumé de la dernière finale de 2019 :
