Quand la Première Division Américaine ne se jouait pas à 11 : La Folle Histoire de la Major Indoor Soccer League

De 1984 à 1992, la première division professionnelle de soccer aux Etats-Unis, le pays qui s’apprêtait à accueillir la Coupe du Monde en 1994, ne se jouait pas à onze.

Depuis ses débuts en 1978 et sans explication logique, la Major Indoor Soccer League (MISL) distançait, dans certains marchés (comprenez régions), les affluences de la North American Soccer League (NASL), la ligue professionnelle de soccer à l’époque. Pourtant, cette dernière était forte de figures comme Pelé, Franz Beckenbauer, George Best ou Eusébio, avant qu’elle ne s’arrête en 1984.

Les américains ont toujours été moqués pour leur excentricité par le reste du monde : l’indoor soccer et la MISL en sont probablement les meilleurs exemples. Exploration de cette variante de notre bon vieux foot, où les histoires folles mêlent des jambes huilées, des hommes-ballon et des morceaux de rap comme spots publicitaires.

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(Via NASL Jersey)

La MISL, une idée américaine

Nous sommes en 1977. La NASL, la première division, s’adapte petit à petit au public américain qui commence à être séduit dans de nombreux marchés aux Etats-Unis et pas seulement au public d’émigrés européens ou sud-américains. Les foules se pressent pour voir les plus grandes stars qui sont, en retour, fascinées par les Etats-Unis des années 70. La planche à billet tourne à plein régime et peu se doutent que la ligue s’arrêterait en 1984, alors qu’elle est portée par des franchises à succès comme le New York Cosmos, les Los Angeles Aztecs ou les Minnesota Kicks.

Seulement, les saisons sont brèves et se terminent au début de l’automne, la faute à un dur climat hivernal. Deux Américains, Ed Tepper et Earl Foreman, comptent bien exploiter ce trou dans le calendrier grâce à un sport quelque peu différent, l’indoor soccer. Joué sur un terrain de hockey recouvert d’une fausse pelouse, il est possible d’y jouer pendant les mois les plus froids, avec des règles (comme nous le verrons dans un instant) qui permettent plus de spectacle. Les joueurs sont disponibles pendant les mois d’hiver et ont envie de jouer toute l’année, l’opportunité est donc trop belle pour être un échec. Les deux hommes fondent la Major Indoor Soccer League (MISL) en 1977 et pour la première saison de 1978-79, six équipes sont sur la ligne de départ.

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Via ebay

Les règles de l’Indoor Soccer

Attention, ce sport est souvent confondu avec d’autres. Ce n’est pas du futsal, pas du football, mais ses origines sont floues, même si on pense qu’elles sont européennes (peut-être de l’Est) puisqu’il se joue plus généralement dans des arènes de hockey – d’où son autre nom, l’arena soccer.

Il est devenu populaire en 1974 aux Etats-Unis, à Philadelphie plus précisément, lorsqu’une équipe composée d’athlètes soviétiques joua un match en indoor face à une sélection de joueurs locaux. Ce serait après ce match, selon Sports Illustrated, que l’idée d’une ligue émergea. Voilà comment le magazine décrit le sport en 1983 : « Il y a ce phénomène étrange qui se développe ; les gens appellent ça l’indoor soccer. C’est joué dans des arènes de hockey pendant l’hiver, sur un terrain artificiel, avec six petits hommes dans chaque équipe, tapant du pied dans une balle qui ressemble à une coccinelle ».

Voilà ce à quoi cela ressemblait à l’époque :

En vérité, il est joué à six mais dans certaines variantes à cinq, sur une fausse pelouse, sur un terrain rectangulaire ou octogonal avec des rebords, parfois jusqu’à la mi-hauteur dans les arènes de hockey, aussi haut que les vitres en plexiglass. La surface de but est plus petite, le terrain aussi et cela se joue en quatre quart-temps de 15 minutes, avec trois minutes de pause à chaque fois. Il n’y a pas de hors-jeu et les remplacements sont illimités, comme en hockey, dont l’aspect tactique est en réalité assez similaire d’après Simon Sebbah, joueur français que nous avons récemment interviewé.

Aujourd’hui, il est appelé arena soccer mais aussi fastfootball, floorball, slowball et minifootball, son nom européen qui donne son appellation à la World Minifootball Federation, puisque le sport (au contraire du futsal) n’est pas sous l’égide de la FIFA. On pourrait également voir dans le phénomène de l’urban football une variante, tout comme dans les Star Sixes, une compétition se déroulant à Londres, où des anciennes vedettes rechaussent les crampons pour un tournoi à six contre six.

Pour plus d’informations sur les règles actuelles, vous pouvez regarder cette vidéo :

Un « flipper humain » adopté par le pays

Le succès aux Etats-Unis sera immédiat même si Bob Rigby, un gardien vétéran de l’époque, décrira l’indoor soccer comme un « zoo, un cirque… un flipper humain ».
L’épopée durera pendant 14 ans durant lesquels 24 équipes s’affronteront sous 31 noms différents – dû aux nombreuses relocalisations ou « rebranding », très en vogues en NASL également – dans 27 villes. Une seule équipe réussira la prouesse de rester du début jusqu’à la fin : le Houston Summit, qui n’échappera néanmoins pas à une relocalisation à Baltimore pour devenir le Blast en 1980 et perdurer tout aussi longtemps que la ligue.

Sur le terrain, la MISL sera rapidement dominée par les San Diego Sockers qui remporteront 8 des 14 titres, alors qu’ils ne joueront que neuf saisons. Mais c’est en dehors des terrains que la MISL connaîtra le plus de problèmes, avec des résultats financiers compliqués, malgré un prix d’accès de « seulement » 25.000 dollars par équipe. Ce sont ces derniers qui expliqueront l’instabilité de la ligue qui connaîtra un turnover de franchises incessant. Pourtant, les affluences étaient au rendez-vous (voir ci-dessous) mais après un nouveau nom en 1990 (passant en Major Soccer League, MSL), la ligue disparaît en 1992 sous la concurrence d’autres projets.

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Les affluences de la MISL                (Via Wikipédia)

En effet, le concept était trop bon pour ne pas attirer la convoitise. Les coûts étaient notamment plus bas qu’en NASL pour les propriétaires (dû au prix d’accès et les salaires plus bas) et, alors que la NASL était toujours en activité, certaines de ses franchises y jouèrent même pendant la saison morte en MISL, comme en 1982. Cependant, la ligue exploita le filon dès l’année d’après, en créant sa propre division d’indoor soccer avant de totalement disparaître en 1984.
Si cela a permis à la MISL d’avoir le monopole du soccer nord-américain sans son concurrent outdoor, les droits TV (pourtant signés avec de grosses chaînes) étaient assez bas et les revenus étaient majoritairement basés sur la publicité, les sponsors et les billets vendus. La concurrence revint aussi vers la fin des années 1980 avec l’AISA (American Indoor Soccer Association) qui prit de nombreux joueurs à la MISL en leur proposant des salaires plus élevés. L’inflation se fit vite observer et les clubs tombèrent un par un, criblés de dettes après avoir augmenté les rémunérations pour palier à la concurrence. Malheureusement, les ligues suivantes, comme l’AISA, furent incapables d’avoir l’affluence de la MISL ainsi que ses contrats télévisés et le paysage du soccer américain sera bien vide jusqu’à la Coupe du Monde 1994 et le lancement de la Major League Soccer en 1996.

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La Foule dans l’Arène de Baltimore (via NASL Jersey)

Des soucoupes volantes comme preuves d’un marketing brillant

Cependant, notre exploration ne s’arrête pas ici pour autant car il y a des histoires à la pelle à raconter sur cette ligue éphémère et surtout une question : comment expliquer le succès du sport aux Etats-Unis ?

Tout d’abord, l’indoor soccer n’était pas non plus la nouvelle mode que tout le monde s’arrachait au pays de l’Oncle Sam. Il n’a pas pris partout, était tout simplement absent de certains marchés, mais a excellemment bien réussi dans d’autres. Certains matchs étaient retransmis sur ESPN ou CBS et un jeu vidéo vit même le jour sur Commodore 64 : il fut un succès critique et commercial à sa sortie en 1989.

Dans certains marchés, les équipes de MISL rivalisaient, voire battaient, leurs adversaires de ligues mineures ou majeures de hockey, basketball ou outdoor soccer. L’exemple parfait se trouve à Kansas City, où la ville répondit extrêmement bien au sport avec 14.500 spectateurs en moyenne lors des matchs des Comets et un taux de remplissage de 90%, bien plus que les Kings en NBA qui n’attiraient que 8.750 fans par match.

La clef du succès dépendait des marchés mais la ligue, en général, tentait un angle bien plus américain et folklorique que la NASL qui, déjà à l’époque, faisait hausser des sourcils en Europe pour son américanisation du sport. Une des grosses fiertés des deux fondateurs de la ligue était qu’elle avait popularisé l’indoor soccer dans des villes qui n’avaient, auparavant, aucune expérience dans le soccer – elle ne s’était pas juste installée dans des marchés de NASL en explorant un filon déjà existant. Le tout, avec une approche différente : « Le problème du soccer aux Etats-Unis c’est qu’on en a toujours fait la promotion d’une manière négative, en disant que les Américains devraient avoir honte de ne pas aimer le sport que le monde adore », dit Earl Foreman dans une interview en 1983. La MISL faisait le contraire, en adaptant totalement le sport aux attentes de l’entertainement à l’américaine. Plus qu’un match, c’était un réel spectacle avec des amplis crachant de la musique rock à pleine gorge, des feus d’artifice, beaucoup de projecteurs – voire des spectacles de son et lumière par moment – le tout autour d’un sport facile à comprendre et à suivre, et qui ne dure jamais plus de deux heures avec une moyenne de 11 buts : parfait pour un pic émotionnel, ni trop, ni pas assez.

Cette adaptation, selon Earl Foreman, est due tout d’abord à la concurrence que la MISL affronte avec la NHL, la MLB, la NFL, la NASL et la NBA, ce qui est absent en Europe. « Le problème c’est que tout le monde pense que le soccer est populaire autour du monde car c’est un beau sport à regarder. Mais même pas ! C’est juste qu’il a le monopole du sport partout dans le monde ! Contre quoi doit se battre le soccer en Angleterre ? Le cricket ? Et en France ? La lutte gréco-romaine ? », dit-il à Sports Illustrated, non sans un manque probable de connaissance du vieux continent. « Non, ce qui est fou c’est que le soccer est populaire car partout dans le monde, il incarne la plus grande émotion humaine. Je ne parle pas de sexe, mais de nationalisme. Les hommes se lèvent tous les matins pour défendre leur pays en guerre. Je l’ai enfin compris en allant voir des gros matchs de soccer et je me suis rendu compte que les fans étaient terriblement ennuyés par les matchs ; donc ils passaient des drapeaux en tribunes et chantaient des hymnes patriotiques pour passer le temps ! ». Une analyse géopolitique peut-être un peu biaisée et naïve, mais qui explique bien l’approche prise par la ligue. Le marketing était essentiel à son succès et pas seulement dans l’approche prise des logos originaux et sacrément ambitieux, contre lesquels les logos américains actuels feraient pâle figure.

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Les logos des franchises de la saison 1984 (Via Missile)

« Show, Sex and Suburbs »

Ce marketing, tout aussi étrange que cela puisse paraître, passait en grande partie par… le sexe. La MISL est intéressante car elle fut un réel laboratoire de recherche pour le futur du marketing sportif et la figure du joueur de soccer était, la ligue s’en rendit compte, un outil formidable pour amener un public différent et surtout féminin. « Je pensais qu’il n’y avait que trois S qui comptaient en indoor soccer, speed, scoring et skills [vitesse, buts et techniques]. Maintenant je vous assure qu’il y en a un quatrième, sexe. » dit Doug Verb, le vice-président des Chicago Stings, dans un article de Sports Illustrated de 1983 bien nommé « Show, Sex and Suburbs » [Spectacle, sexe et banlieues]. Dedans, le journaliste Frank Deford analyse le marketing de la ligue très orienté vers les femmes, qui poussait assez maladroitement cette idée de séduire les spectatrices par la figure de joueur de foot, bien différent des autres sportifs : « ils ne sont pas des monstres de deux mètres ou de 200 kilos » comme en basketball ou football américain, mais tout simplement des « hommes , beaux, blancs et de taille normale, qui pourraient être vos voisins de banlieues résidentielles » [la citation vient des années 80, nous le rappelons]. Le directeur marketing de la ligue, Ron Maierhofer, confia notamment à Vice qu’ils avaient fait « une étude de marché et trouvé que les femmes étaient très intéressées par l’idée de voir des corps masculins athlétiques. Ça tombait bien, nous avions un sport où des beaux mecs courraient dans des shorts courts ».

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Des shorts très, très courts (via NASL Jersey)

La carte de l’homme sexy était donc jouée à fond. Une publicité radiophonique pour l’équipe du Pittsburgh Spirit fait notamment la promotion de l’équipe de cette manière : « Hot legs, hot time, hot action : just too hot to handle ! The Pittsburgh Spirit… We have 20 guys in shorts who can go all night ». [« De belles jambes, du bon temps, de l’action : trop de chaleur à supporter ! Le Pittbsurgh Spirit… Nous avons 20 mecs en short qui peuvent le faire toute la nuit »]. Résultat des courses, l’affluence cette année-là augmentera de 10 pourcent à Pittsburgh, malgré de très mauvais résultats.
Les Denver Avalanche faisaient aussi des soirées dansantes, comme activité d’après-match, dans des bars locaux où se pressaient plus de 1000 personnes et les joueurs avaient l’obligation contractuelle d’y assister. Dans le même club, pendant l’arrivée des joueurs dans l’arène, ils courraient tous un à un des vestiaires au centre du terrain, avec de la fausse fumée et une rose dans la main, qu’ils offraient à une fille en tribune (les plus jolies étant stratégiquement placées au préalable dans les tribunes les plus proches). Aux New York Arrows, en fin de match, le speaker annonçait dans quels bars les supporters et surtout supportrices pouvaient retrouver les joueurs après la rencontre. Un poster de l’équipe de Philadelphie est jugé par Frank Deford d’affiche de « soft porn », tandis que des rumeurs de joueurs s’huilant les cuisses avant les rencontres pour paraître plus sexy tournent dans différents articles. Les affluences de la ligue seront constituées à plus de 50% par des femmes.

Les femmes n’étaient, bien entendu, pas l’unique cible de la ligue. Des clowns étaient parfois dans les tribunes à Denver pour amuser les enfants et les animations d’avant-match, comme les nombreuses troupes de pom-pom girls aux tenues flatteuses, étaient choses communes en MISL. Enfin, puisque cette vidéo est devenue célèbre parmi les fans de soccer américain et que je ne peux pas ne pas vous la montrer, les San Diego Sockers ont eu la brillante idée de faire un rap promotionnel nommé One for the Thumb, où joueurs, entraîneurs et présidents lâchent un flow. Un résumé parfait de la vision d’Ed Tepper pour la MISL : « Ce n’est pas le sport le plus populaire du monde, le soccer, que nous jouons en indoor. C’est du show business athlétique, du spectacle, de l’entertainment en avant-match, pendant le match et après, sans temps mort ». Regardez-la, cela vaut vraiment trois minutes de votre vie [à partir de 0:30].

Du Lord de tous les Indoors à la Balle de Soccer Humaine, un Bestiaire Étonnant

Le marketing était aussi aidé par les effectifs des franchises, véritables foires de talents fous et d’histoires incroyables. Certaines vedettes y sont passées, comme Eusébio qui y a terminé sa carrière après quelques matchs en NASL, mais la MISL a su former ses propres vedettes.

Premièrement, la ligue promouvait en grande partie des joueurs américains, là où la NASL s’était plus concentrée sur des stars étrangères et avait même dû instaurer des quotas pour éviter l’absence totale de talents locaux. Comme Earl Foreman le disait à Sports Illustrated : « Nous pensons que le public veut voir des joueurs américains […] la NASL n’a pas fait grand-chose pour eux. Nous voulons être une ligue où on ne verra pas un jeune américain juste tenir la veste de Beckenbauer à l’échauffement », dit-il avant d’ajouter dans une comparaison assez juste : « Une des rares transplantation récente de sport c’est le baseball au Japon, et ça a bien marché, mais je ne pense pas que ça aurait été le cas si à Osaka, l’équipe était remplie d’américains ».

Cependant, la MISL possédait tout de même son lot d’étrangers atypiques. Beaucoup étaient présents en Amérique pour les salaires, comme l’ancien d’Arsenal Andy Chapman qui mentionna qu’il touchait 150.000 dollars par saison là où, en Angleterre, Bryan Robson avait récemment signé un des contrats les plus onéreux de l’histoire, pour 60.000 livres sterling par an. De plus, Chapman raconte que pour réussir en MISL, un train de vie exemplaire n’était pas forcément nécessaire puisque « c’était rapide, il fallait de l’attention mais c’était mieux pour les joueurs de finesse, fait pour les petits espaces, alors qu’en Angleterre c’était athlétique et du ‘Kick and Rush’ incessant ».
Dans la galerie des transfuges européens, on retrouvait donc des visages comme ‘Stan’ Stamenkovic ; un yougoslave surnommé « La Balle de Soccer humaine » à cause de son poids, avoisinant les 100 kilos : « un régime pour Stan, c’est passer d’une pizza de 20 centimètres à une de 15 », disait son entraîneur au Baltimore Blast. Son équipe avait d’ailleurs fait un concours pour gagner un repas avec l’attaquant, qui retourna ensuite en Yougoslavie pour ouvrir une pizzeria, son rêve d’enfance.

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‘Steve’ Zungul (Via NASL Jersey)

Le vrai visage de la ligue était aussi Yougoslave, et répondait au nom de ‘Steve’ Zungul. Ce fut indéniablement le meilleur joueur de l’histoire de la MISL, et son histoire fut aussi rocambolesque que son passage en Amérique. Alors joueur pour le Hajduk Split dans l’ancienne Yougoslavie, Steve était une star dans son pays, couramment appelé en équipe nationale et vainqueur de trois championnats : on l’envoyait partout dans les journaux de l’époque et surtout, à l’AC Milan. Cependant, il aimait la vie nocturne et détestait les entraînements, ce qui permis à Split de le priver de son salaire pendant plusieurs semaines, une situation qui l’enchantait peu. Il avait également peur du service militaire qu’il devait effectuer s’il voulait sortir du pays à 28 ans – il ne pouvait légalement pas le faire avant.
Don Popovic, un ancien coéquipier à Split qui entraînait alors les New-York Arrows en MISL, entendit que tout n’aillait pas bien pour Zungul. Avec sa copine de l’époque, la modèle Moni Kovacic, il le convainc de venir aux Etats-Unis pour quelques matchs amicaux et pour visiter le pays, pendant la trêve hivernale en Yougoslavie. En Europe, l’indoor soccer n’étant pas reconnu comme un sport officiel, il n’allait pas être sanctionné par son club ou son gouvernement. Cependant, alors qu’il commençait à enchaîner les matchs pour les Arrows et que son pays comprit qu’il ne comptait pas revenir, la Yougoslavie usa de son pouvoir pour bannir Zungul de soccer outdoor auprès de la FIFA, pendant cinq ans. La Fédération yougoslave le traîna dans la boue, le traitant de déserteur, de traître et d’ivrogne. Il n’eut pas d’autre choix donc que de rester en MISL, où il fut vite surnommé « Le Lord de tous les Indoors ». Il fut élu MVP à six reprises, marquant 652 buts (record absolu, et de loin, dans la ligue) et effectua 471 passes décisives, malgré un train de vie peu professionnel. Bien que frustré de ne pas pouvoir jouer en NASL, ou en soccer outdoor en général, il appréciait la vie new-yorkaise (surtout nocturne) et il était courant de le voir à Manhattan, rouler en Rolls Royce avec un chapeau de cowboy.

Soccer - Major Indoor Soccer League - Cleveland Force v St. Louis Steamers
Via Four Four Two

Crise et Héritage

Comme évoqué plus tôt, la Major Indoor Soccer League n’allait pas survivre au-delà de la saison 1992. Criblés de dettes à cause d’une inflation de salaires et des ligues rivales, les clubs s’effondreront un à un, accusant des pertes colossales, tout comme leurs cousins de la NASL avaient fait en 1984.

La MISL laissera une trace indéniable dans le soccer américain, et au-delà. Son équivalent de football américain, l’AFL – Arena Football League – sera créée en 1987 après que les dirigeants de la NFL assistèrent à une rencontre de MISL. Elle s’est arrêtée il y a un mois, en novembre 2019.

Surtout, de la fin de la NASL en 1984 à la Coupe du Monde aux Etats-Unis dix ans plus tard, elle sera le seul moyen pour le public étasunien d’assister à des matchs compétitifs et sans elle, l’impact de la compétition-mère aura pu être bien moindre. La Fédération américaine aurait même pu passer à côté de la Coupe du Monde sans la MISL : Earl Foreman a installé la plupart du staff qui allait créer la candidature à la fédération et la ligue était mise en avant comme la première division requise par la FIFA. La majorité du groupe américain pour la Coupe du Monde à domicile était d’ailleurs constituée d’anciens de l’indoor soccer, comme Cle Kooiman, Hugo Perez, Roy Wegerle, Frank Koplas ou Fernando Clavijo. D’autres stars comme Preki, présent dans notre XI de légendes de la MLS, ou Dave Sarachan, futur entraîneur de la sélection américaine, y ont fait leurs gammes.

Même aujourd’hui, son héritage est présent inconsciemment. Tout d’abord, la Major Arena Soccer League représente toujours la discipline à un niveau professionnel aux Etats-Unis, Canada et Mexique et, même si les foules et le niveau ne sont pas au niveau de ceux de la MISL, c’est tout de même une ligue où jouaient l’année dernière d’anciennes vedettes comme Landon Donovan, Dwayne De Rosario, Lamar Neagle et Jermaine Jones.
En Europe, comme mentionné plus haut, l’essor du « urban football » à cinq en intérieur et avec des murs, est souvent provoqué par les mêmes raisons qui avaient poussé les foules dans les arènes il y a de cela quelques décennies. La rapidité du jeu, son penchant technique et les buts en rafale amènent des milliers de joueurs sur les terrains chaque semaine.

Finalement, le marketing de la MISL semblait à l’époque complètement fou et « over-the-top » mais aujourd’hui, la NBA et même certaines ligues européennes semblent s’inspirer de nombre de ses aspects : le besoin de plaire à un public nouveau, de se démarquer par des coups marketing et de faire des rencontres sportives un spectacle à part entière n’est plus vu d’un œil étrange, mais est plutôt devenu monnaie courante. La MISL est peut-être arrivée trop tôt. Elle est partie juste à temps pour la Coupe du Monde 1994 et les débuts de la Major League Soccer qui suivit, amenant une génération de fans à une autre. Sans elle, les Etats-Unis n’auraient sans doute jamais organisé la Coupe du Monde chez eux. Sans elle, la MLS n’aurait peut-être jamais existé et sans elle, vous ne liriez probablement pas ces lignes sur notre site.

Bonus 1 – La vidéo des joueurs des Comets sortant de leur soucoupe volante avant un match [à 00:40]:

Bonus 2 – Petit florilège d’images d’archive :

  • La photo de présentations des San Diego Sockers
  • Celle des Tampa Bay Rowdies
  • Les New-York Arrows avec un de leurs nombreux trophées
  • Eusébio avec l’équipe de Buffalo lors de sa courte carrière en MISL
  • Giorgio Chinaglia – la vedette italienne du New York Cosmos – lors de son unique expérience dans la ligue
  • Andy Chapman (ancien joueur d’Arsenal) en pleine action
  • La couverture du jeu de cartes officiel
  • La couverture du jeu vidéo sur Commodore 64

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Antoine Latran

Co-créateur de Culture Soccer. Ancien rédacteur Soccer Nord-Américain pour Lucarne Opposée. Fan de MLS depuis une balade dans Seattle un jour de match, j'écris sur Culture Soccer sur la MLS, la NISA, la sélection américaine, ainsi que sur des sujets mêlant le sport à la culture, la politique et l'économie.

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