Imaginémonos cosas chingones : Imaginons des choses incroyables – phrase prononcée par Chicharito lorsque le Mexique rêvait du titre lors de la Coupe du Monde 2018 et reprise par le LA Galaxy lors de sa signature
Le mardi 21 janvier, une rumeur concernant une recrue en MLS qui circulait depuis maintenant plusieurs semaines s’est finalement concrétisée : Javier Hernandez, dit « Chicharito » (‘petit pois’ en français), a signé avec le Los Angeles Galaxy. Avec un contrat pour trois ans et une année supplémentaire en option, le meilleur buteur de l’histoire de la sélection mexicaine recevra un salaire annuel de six millions de dollars, qui s’ajoute aux dix millions que le Galaxy a dû payer au FC Séville, son ancien club.
Hernandez est en réalité un nom qui revient depuis plusieurs années, et ce, dans différentes franchises en Major League Soccer. Chicharito a été pendant longtemps le rêve de toute ville avec une forte population mexicaine (c’est-à-dire quasi toutes les villes en Amérique du Nord avec une franchise MLS), un nom qui attirerait les foules, les sponsors et les audiences en plus en plus d’assurer des performances convaincantes sur le rectangle vert. Miami, Austin, le LAFC et surtout récemment Chicago, qui cherche une nouvelle tête d’affiche pour entrer dans son (ancien) nouveau stade (dont nous vous parlions ici), ont tous tenté de signer Chicharito, sans succès.
Avec cette signature, le LA Galaxy donne de nouveau un coup d’élan à la MLS, en attirant un énième gros nom comme ils l’ont maintes fois fais dans le passé, afin d’espérer retrouver du succès sur le terrain, un domaine dans lequel la franchise la plus titrée de MLS patine depuis sa dernière MLS Cup en 2014.
Qui est Chicharito ?
Pour ceux qui n’ont absolument pas suivi le football européen ces dernières années, Javier Hernandez est un avant-centre Mexicain, qui est, incontestablement, le plus connu des joueurs mexicains sur la dernière décennie. Meilleur buteur de l’histoire d’El Tri avec 52 buts, il compte 109 sélections sous le maillot vert et aura participé à trois Coupes du Monde) avec son pays, ainsi qu’à la Gold Cup 2011, la Copa America Centenario en 2016 et la Coupe des Confédérations 2017.
Malgré un pédigré impressionnant en Amérique du Nord lors des premières années de sa carrière professionnelle à Chivas en Liga MX, c’est son transfert en 2010 à Manchester United qui l’amènera dans une autre dimension. Lors de sa première saison sous Sir Alex Ferguson, Chicharito sera une véritable attraction. Autour de joueurs de renom tels que Wayne Rooney, Nani ou Dimitar Berbatov, le Mexicain se fait une place tout d’abord en tant que ‘supersub’, avant de devenir une superstar. « Pour seulement six millions de livres », écrit Bleach Report, « c’est vraiment le transfert de l’année, si ce n’est celui du siècle, et on s’attend à ce qu’il devienne encore meilleur dans les années à venir ». Lors de cette saison 2010, les Red Devils gagneront la Premier League, le Community Shield et seront finalistes de la Champions League. Chicharito sera aussi nommé joueur de l’année par les fans du club.
Le rêve européen commence donc bien pour l’international mexicain, mais les ennuis débutent dès la saison suivante avec une baisse de régime importante, malgré une prolongation de contrat. Avec 12 buts en 36 matchs, la saison est loin d’être mauvaise, mais son influence sur le jeu se fait plus basse. Il terminera l’année d’après avec 18 buts et à la fin d’une saison 2013-14 moins bonne, il est prêté au Real Madrid, avec pour mission de tenter de déloger Karim Benzema. La saison sera acceptable, mais pas assez pour avoir son option d’achat levée et il partira pour la Bundesliga et le Bayer Leverkusen. Après deux saisons réussies en Allemagne, West Ham le rapatrie en Angleterre pour 16 millions de livres sterling. Ses deux premières années seront réussies, mais à la toute fin du mercato d’été, alors que West Ham lui attribue le numéro 9 pour la saison, il est finalement vendu à Séville pour huit millions d’euros. Malgré l’intérêt déjà présent de la Major League Soccer pour le joueur, il assure vouloir rester en Europe au moins encore quelques années avant de signer en Amérique du Nord. Finalement, après une demi-saison très moyenne en Liga (neuf matchs joués, un but), le voilà parti pour la Californie et le LA Galaxy.
Le Remplaçant de Zlatan ?
La signature de Chicharito arrive à un moment critique pour le Los Angeles Galaxy. La meilleure franchise de l’histoire de la MLS a réellement perdu de sa superbe depuis l’époque dorée des David Beckham, Landon Donovan et Robbie Keane, aux débuts de la décennie. Plusieurs joueurs de renoms sont passés, avec des ratés tels que Steven Gerrard ou Nigel de Jong et des coups finalement décevants, comme un autre mexicain, Giovani Dos Santos. Depuis 2015, ils n’ont jamais atteint une finale de conférence et ont même raté les playoffs deux années de suite. Impensable pour un club de cette envergure. Surtout, le LA Galaxy est de plus en plus contesté dans sa propre ville depuis l’arrivée du Los Angeles FC en 2018. J’en avais parlé lorsque le LAFC était apparu en MLS, mais le club d’expansion de Will Ferrel et Magic Johnson a réussi à cocher toutes les cases d’un départ réussi. Une identité moderne, un stade en plein centre-ville (là où le Galaxy est à plus d’une heure de voiture), des stars dans le groupe de propriétaires et sur le terrain, des fans survoltés dans les tribunes qui chantent et ne s’assoient presque jamais, de très beaux tifos… Bref, le LAFC a amené les stars, le show et le glamour à Los Angeles, qui en manquait depuis quelques années, tout en jouant à fond la carte de la séduction d’un public latinoaméricain hérité de la tentative ratée du Chivas USA.
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Le Galaxy a tout de même réussi à rester pertinent dans la ville. Le tout grâce à un nom dont vous n’avez pas pu passer à côté depuis deux ans, malgré les résultats sportifs contrastés de la franchise : Zlatan Ibrahimovic. Qu’on aime ou non le Suédois, c’est un des joueurs les plus célèbres de la planète et il a amené des paillettes au sein d’un Galaxy très mal en point ; sa pleine page dans le LA Times pour annoncer son arrivée, sa vidéo promotionnelle pour la MLS où il marche accompagné d’un lion, sa tournée des plateaux des plus grands talkshows américains… Malgré son âge avancé, Zlatan aura tourné toute l’attention des médias vers lui, alors que le LAFC battait des records, comme nous en parlions à nos collègues de France Football. Il aura d’ailleurs amené une toute autre dimension au tout jeune derby de Los Angeles, surnommé le El Trafico, alors que ce dernier n’avait pas d’histoire. Avec 52 buts en 56 matchs, les statistiques du Suédois sont impressionnantes, sans parler de la beauté de ses réalisations.
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Chicharito arrive donc dans le but de remplacer Zlatan, pour continuer à jouer sur le plan médiatique dans la cour du Los Angeles FC. Son nom est parfait pour cela et explique pourquoi de nombreux clubs de MLS se le soient arrachés pendant plusieurs saisons. Pour Thomas Rongen, analyste pour CBS, son arrivée est « plus grande que Zlatan ». Pour Nico Cantor, de TUDN « Chicharito aura pour les médias un impact important. Il attirera depuis les Etats-Unis, pas seulement depuis l’étranger comme avec d’autres grands noms. Au Mexique aussi. Il peut être le pont qui reliera les deux pays ». Il est vrai, d’un point de vue marketing, Chicharito est parfait. Il sera la nouvelle coqueluche des fans du Galaxy mais rempliera aussi les stades du continent à chaque déplacement. Son maillot avec la sélection mexicaine est l’un des plus vendus en Californie depuis ses débuts en équipe nationale en 2009, El Tri restant aux Etats-Unis l’équipe nationale la plus populaire, devant la Team USA, en termes d’audiences télévisées, d’affluences dans les stades et de revenus de produits dérivés. Dans un pays qui regarde plus de Liga MX ou de Premier League que de Major League Soccer, l’idée est que son arrivée (couplée aussi à celles d’autres vedettes de D1 mexicaine comme Alan Pulido, Raul Ruidiaz, Franco Jara, Lucas Cavallini ou Carlos Fiero) peut tirer les audiences vers le haut, essentiel alors que la ligue va renégocier les droits TV la saison prochaine. Calen Carr, analyste pour la MLS et ancien joueur du Chicago Fire, compare le transfert à celui de Cuauhtémoc Blanco, la star du Club América aux 120 sélections avec le Mexique, qui débarque à Chicago en 2007 : « C’était fou : partout où l’on allait, dans chaque aéroport, on voyait des hordes de fans qui l’attendaient. Des mecs venaient le voir avec sa tête tatouée sur leur dos et partaient se tatouer l’autographe qu’il leur faisait sur le corps. Chicharito en MLS, ça ne peut être que comparable ».
L’impact de son arrivée sur Los Angeles
Moins grande gueule que Zlatan Ibrahimovic, le Mexicain devrait donc tout de même avoir un impact conséquent sur la scène sportive américaine et plus particulièrement à Los Angeles même. Le derby avec le Los Angeles FC va avoir une nouvelle saveur, qui se concentrera forcément sur Carlos Vela et Chicharito. Un duel entre l’éternelle déception de la sélection qui depuis quelques années refusent d’y jouer et admet volontiers ne pas aimer le football, et le meilleur buteur de cette dernière, connu pour sa hargne. La trame narrative est déjà là et nul doute que les futurs El Trafico laisseront d’excellents souvenirs, puisque les derniers matchs ont directement projeté la rivalité comme l’une des plus excitantes de la ligue. El Trafico a battu des records d’audience la saison dernière en étant le match le plus regardé de l’année – hors MLS Cup, même si cette dernière a été moins regardée sur les chaînes espagnoles.
Des doutes subsistent cependant : le LA Galaxy n’avait-il pas déjà essayé d’attirer la base latinoaméricaine de ses fans en acquérant Giovani Dos Santos en 2015, puis son frère Jonathan en 2017 ? Certes, mais le premier est clairement l’anti Chicharito. Alors qu’il trottinait sur le terrain, semblant dénué de quelconque envie de jeu et frustrant les fans du Galaxy, Chicharito, lui, est connu pour se battre sur chaque ballon tout en étant passionné et aimé par la majorité des publics devant lesquels il a joué. « Gio » a plusieurs fois été vu en boites de nuit dans sa carrière, tandis que Javier Hernandez a toujours été considéré, à tort ou à raison, comme l’enfant sage du pays. Le plus âgé des Dos Santos sera évincé de l’effectif début 2019, sans avoir particulièrement eu un impact sur les affluences du LA Galaxy. Jonathan lui, a petit à petit émergé comme le choix des hipsters pour le titre de meilleur joueur du club et contrôle à merveille le milieu de terrain ‘angeleno’, tout en étant discret en dehors du terrain. Nul doute que Chicharito apportera une toute autre dimension au club, dû à sa stature internationale, en attirant les foules là où les frères Dos Santos ont échoué à le faire.
Son acquisition montre également que le Galaxy reste le géant de la Major League Soccer en attirant une nouvelle star du ballon rond. Sportivement, comme dit plus haut, les résultats sont décevants ces quatre ou cinq dernières années. Cependant, Chicharito est dans la lignée des signatures d’envergure qui ont changé l’histoire de la ligue comme celles de David Beckham ou de Zlatan Ibrahimovic. D’un point de vue marketing, dans une MLS 3.0 où Atlanta, Seattle, LAFC et Toronto dominent ces dernières années (en attendant Miami ?), le message est clair : le Galaxy veut redevenir le porte-étendard de la MLS.
Quel rôle sous Guillermo Barros Schelotto ?
Notre guide MLS 2020 va bientôt sortir le bout de son nez, mais vous pouvez déjà nous poser la question par rapport au secteur sportif. Sur le terrain, bien entendu, Chicharito sera titulaire et si tout se passe comme prévu, il devrait l’être durant trois ou quatre ans. Dans le système de Guillermo Barros Schelotto, son arrivée est plutôt une bonne nouvelle, puisqu’elle lui donner plus de flexibilité que lorsque Zlatan était à la pointe de l’attaque. Que les fans du Suédois se détendent, son apport offensif n’est nullement remis en question ; mais c’est bien connu, jouer avec Zlatan c’est jouer pour Zlatan. Ses efforts défensifs étaient quasi nuls et il ne mettait que rarement de la pression sur la défense, obligeant ses coéquipiers à bloquer le milieu de terrain pour contenir le bloc adverse.
Sans le ballon Chicharito apportera tout d’abord une hargne et des possibilités d’attaquer le porteur du ballon, même dans la partie adverse du terrain. Sur le plan offensif, alors qu’avec le suédois tous les mouvements d’attaque passaient ou se terminaient par le numéro 9 (que ce soit les déviations, les centres ou la finition), Chicharito se contentera de se décaler dans des poches d’espace laissées libres et de profiter de l’explosivité des ailiers comme Aleksander Katai et Cristian Pavon et se concentrer sur les faux appels et la finition. Certes, il n’aura pas la surproductivité d’Ibrahimovic, mais il influencera peut-être de meilleure manière l’équipe dans sa globalité. Une autre bonne nouvelle : le LA Galaxy est une des équipes qui tente le plus de centres au sein de la ligue, bien aidée par de bons distributeurs de ballons comme Sebastian Lletget ou Jonathan Dos Santos. Chicharito pourra se délecter de bons centres et sa finition quasi parfaite fera le plus grand bien au LA Galaxy. En effet, ce ne sera probablement pas l’année où le club de Carlson gagnera ses matchs avec assurance, aux vues de leur défense, mais ce sera probablement une nouvelle année faite de 5 à 4, 4 à 3 et autres 3-2, gagnés grâce à la puissance de ses éléments offensifs.
Le Chicharito d’aujourd’hui n’est pas celui de ses grandes années à Manchester United, c’est un fait. Son transfert à Séville fut un échec et il a perdu sa place de titulaire en sélection devant Raul Jimenez ces dernières années. Cependant, son arrivée est, pour des raisons sportives et au-delà, une bonne nouvelle pour les fans du LA Galaxy. Zlatan ne sera pas facile à remplacer, mais le Suédois était aussi difficile à faire l’unanimité hors du terrain, tel un fils ingrat qui n’aura cessé de critiquer son club, la ligue et ses coéquipiers lors de ses deux saisons à Los Angeles. De son côté, Javier Hernandez amènera de l’envie, de la combativité et (malgré une petite bourde en fin de semaine dernière) une passion qui devrait se voir sur le terrain. C’est sûrement une des meilleures signatures que pouvait faire le Galaxy, et ce, au meilleur moment.
Merci à Diego-Tonatiuh Calmard, de Lucarne Opposée, pour son aide dans la correction de cet article.
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