Comme discuté lors de ma précédente chronique, l’avenir s’annonce radieux pour le soccer canadien. Cependant, pour certains puristes habitués aux ligues sportives bien établies, le Canada doit rapidement se doter de différents échelons hiérarchiques à travers des réseaux professionnels et semi-professionnels, voire un système de promotion et de relégation. Alors que des informations avaient fuité à propos d’une deuxième division canadienne, l’enthousiasme de plusieurs fans, moi le premier, a été ravivé. À mon humble avis, plusieurs raisons justifient la mise en place d’une seconde division dans le système de clubs canadiens.
L’état de la D1

Pour sa première saison en 2019, la CanPL, première division canadienne, a commencé avec seulement sept équipes, soit bien en-dessous de la majorité des ligues professionnelles dans le monde. À la recherche d’une huitième équipe pour commencer son expansion et s’assurer d’avoir un calendrier plus équilibré, la CanPL a accueilli avec joie les investisseurs de l’Atlético Madrid qui ont établi leur équipe dans la capitale canadienne, Ottawa. Cependant, malgré la volonté de la ligue et de plusieurs fans de soccer, l’expansion semble compliquée, pour plusieurs raisons bien légitimes. Le commissaire de la ligue, David Clanachan, régulièrement questionné à ce sujet, rappelle qu’il est constamment en discussion avec des propriétaires potentiels. Cependant, le principal obstacle pour chaque équipe potentielle reste le stade. En effet, la ligue ne tient pas à ce que du soccer se joue sur des pelouses lignées pour d’autres sports. Cette restriction exclue plusieurs stades universitaires à travers le pays qui auraient pu rendre de fiers services. Également, des contraintes de lieux, de rénovations et de capacité ne facilitent pas la tâche. Bien que les frais d’entrée dans la ligue n’ont jamais été confirmés, les montants qui ont fuité parlent de cinq à dix millions de dollars canadiens. Avec ces barrières à l’entrée tant au niveau du portefeuille que des infrastructures, il est légitime de se demander si un échelon inférieur ne réglerait pas une partie du problème.

Actuellement, le seul projet d’expansion concret est mené par Joe Belan à Saskatoon. Parmis les actions que son groupe a mené, il faut saluer l’initiative des Saskatchewan Soccer Summer Series. En effet, lors de l’été 2019, trois matchs amicaux ont été organisés entre une sélection locale et d’autres clubs canadiens (Calgary Foothills, Vancouver Whitecaps, Toronto FC) et plusieurs matchs sont prévus pour 2020. Il est légitime qu’un investisseur veuille tester le marché avant de penser à construire un stade et d’investir des millions en frais d’entrée. Cependant, une deuxième division avec des exigences moindres au niveau du stade, du budget d’opération et des frais d’entrée auraient permis aux investisseurs d’avoir un portrait plus précis. De ce fait, un second échelon professionnel trouve tout son sens pour permettre à certains investisseurs de se préparer à faire le saut en CanPL en mettant en place les ingrédients nécessaires. Un peu comme la ligue USL a permis à plusieurs marchés d’être mûrs pour intégrer la MLS, une CanPL 2 pourrait jouer un tel rôle.
…et de la D3
Bien que le rapport Easton, qui portait sur la viabilité d’une ligue professionnelle canadienne, ait recommandé l’instauration de ligues semi-professionnelles au Canada, en s’inspirant du modèle du hockey amateur, ces réseaux peinent à s’installer. Au Québec, la PLSQ est plutôt devenue une ligue de niveau amateur qui a du mal à sortir du Grand Montréal. En Ontario, la L1O, malgré son nombre important d’équipes, se concentre principalement dans le Sud-Ouest de la province, depuis qu’un club d’Ottawa s’est joint à la PLSQ. La Colombie-Britannique, quant à elle, est en attente de son premier réseau semi-professionnel qui pourrait voir le jour en 2021. Bien que les Victoria Highlanders aient émis un communiqué indiquant qu’ils quittaient la quatrième division américaine, USL League 2, pour se joindre à une éventuelle division 2 ou une ligue provinciale, rien n’est confirmé en Colombie-Britannique. Dans le reste du pays, soit les sept autres provinces, il n’y a pas la moindre rumeur pour d’autres réseaux semi-professionnels. Dans ces conditions, il est difficile pour de petits marchés à la recherche d’autres choses que du soccer amateur de ne pas espérer mieux. Dans le même ordre d’idée, une division 2 permettrait à des clubs ontariens et québécois qui survolent leur ligue provinciale d’aspirer à un niveau supérieur sans nécessairement viser la CanPL (petit marché, proximité géographique avec des clubs professionnels). Également, dans des provinces ne bénéficiant pas de réseau semi-professionnel, des villes plus petites que celles représentées en CanPL pourraient trouver leur compte dans une seconde division.

Compléter la pyramide
Par ailleurs, l’instauration d’une division 2 canadienne permettra d’augmenter le bassin de clubs professionnels au pays. De ce fait, plus de joueurs canadiens pourront se faire une place et représenter les couleurs locales. Par la même occasion, plus de villes se verront représentées avec plus de stades et bien sûr, plus de fans! L’existence d’une deuxième division permettrait également d’inclure plus de clubs dans la Voyageurs Cup (de son vrai nom, le Championnat canadien) et d’en faire une véritable coupe nationale qui irait de la première (division nationale) à la troisième division (provinciale). De plus, David Clanachan a souvent mentionné que la CanPL cherchait à inclure 14 à 16 équipes d’ici la Coupe du monde 2026. Ce n’est qu’après cet objectif atteint qu’il est prévu de mettre en place une seconde division puis un système de promotion et relégation. Avec le rythme d’expansion actuel en CanPL, les ambitions pourraient être revues si les différentes parties prenantes manifestent leur intérêt pour la création d’un échelon inférieur.
Quel genre de seconde division?
Afin d’être économiquement viable, une seconde division canadienne ne peut se jouer à l’échelle du pays comme le fait la CanPL. Une répartition géographique en trois à cinq zones serait nécessaire pour limiter les frais de déplacement. Contrairement à ce à quoi nous avons été habitué dans les autres ligues nord-américaines, une répartition Est-Ouest peut être exclue, en raison de la répartition inégale de la population dans le pays qui rend ce partage impossible. Cette seconde division doit assurer une transition entre la CanPL et les ligues semi-professionnelles provinciales (PLSQ, L1O), qui forment une troisième division peu homogène. Quant aux villes concernées, le commissaire David Clanachan a reconnu que la ligue ciblerait de plus petits marchés que ceux retenus en première division. Sans vouloir nommer des villes, il est évident que plus d’une agglomération urbaine trouverait sa place dans une telle ligue.
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Par ailleurs, cette ligue pourrait servir pour des équipes réserve de MLS (Montréal, Toronto, Vancouver) et de CanPL. Depuis la fermeture de leur équipe réserve en USL, l’Impact de Montréal et les Whitecaps de Vancouver peinent à offrir du temps de jeu à leurs jeunes joueurs locaux. Une deuxième division canadienne pourrait être une solution à moindre coûts pour des organisations bénéficiant d’un budget de formation important. Du côté de la CanPL, le besoin d’équipes réserves ne tardera pas à se faire sentir alors que seuls le FC Edmonton et le Cavalry avaient prévu le coup dans la ligue de calibre amateur albertaine. Bien que la CanPL ait permis une certaine souplesse, notamment lors des absences des gardiens de but, il est arrivé que Chris Oxner soit le seul gardien sur la feuille de match des Wanderers lors de la suspension du vétéran Jan-Michael Williams. Ce n’est donc pas un hasard si le club d’Halifax a reconnu être à la recherche d’une solution pour faire jouer ses jeunes joueurs. Il est indéniable que d’autres clubs gagneraient à implanter une équipe réserve dans une seconde division ou au moins, à y placer leurs jeunes joueurs.
En outre, une seconde division canadienne gagnerait à suivre le calendrier favorisé en USL League 2 américaine, soit de commencer au printemps et de terminer en août, avant le début du calendrier universitaire. De ce fait, plusieurs clubs pourraient utiliser des stades universitaires et des joueurs du circuit U-Sport sans passer par un repêchage. La saison se terminerait ainsi avant celle de la CanPL ce qui permettrait aux joueurs d’être prêtés ou vendus en CanPL pour la fin de saison. Avec les différentes signatures annoncées en CanPL pour 2020, il y a fort à parier que le niveau des joueurs sera supérieur à la saison 2019. De ce fait, sans vouloir niveler vers le bas la division, un échelon inférieur permettrait de développer des jeunes joueurs qui ne peuvent avoir du temps de jeu tout en gardant au pays des joueurs professionnels canadiens plus âgés. Par ailleurs, cette ligue permettait de rapatrier les clubs canadiens jouant en USL League 2 (ils étaient au nombre de cinq en 2019). Que ce soit pour des raisons de calibre, de calendrier ou de géographie, ces clubs ont trouvé leur compte dans la quatrième division américaine mais une seconde division canadienne leur offrirait bien plus d’avantages. De plus, des clubs semi-professionnels québécois (PLSQ) et ontariens (L1O) plus ambitieux pourraient vouloir sortir des frontières de leur province sans chercher à faire le tour du Canada en CanPL. Une deuxième division pourrait ainsi répondre à leurs ambitions tout en préservant la compétitivité des ligues provinciales.
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Bien qu’il s’agisse de mes idées personnelles, il ne serait pas surprenant que le sujet soit davantage mis en avant dans les prochains mois. Il faut espérer que la situation évoluera dans les prochaines années afin que la pyramide du soccer canadien n’ait pas d’échelon manquant. Ce genre de projet nécessite réflexion et temps alors je fais confiance aux personnes qui sont en charge pour mener à bien leur projet. Il me fera un plaisir d’en suivre les avancements lors des prochains mois, voire des prochaines années. Vous aurez la chance d’en savoir davantage lors de mes prochaines chroniques et lors de notre podcast hebdomadaire, CS à l’érable! Également, j’en ai parlé dans un épisode de Premier Podcast.
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