Pour les stars mondiales fraîchement retraitées, le chemin n’est pas plus simple que pour le commun des mortels. Acquis en tant que joueurs, leurs statuts de vedettes ne les suivent pas une fois installés au poste d’entraîneur. Plusieurs ne réussissent même jamais (Lothar Matthaus, Hristo Stoichkov etc.) alors que d’autres atteignent à nouveau les sommets (Zinedine Zidane, Josep Guardiola, Mario Zagallo etc.). Thierry Henry, le meilleur buteur de l’histoire des Bleus, a lui aussi pris la décision de faire le grand saut en choisissant le métier d’entraîneur. Après une expérience ratée à Monaco où il n’a pas du tout été aidé par la situation particulière du club à l’époque et un passage en tant qu’assistant pour la Belgique, le néo-entraîneur français a rejoint l’Impact de Montréal en MLS. Il est encore trop tôt pour dresser un bilan de son travail après une poignée de matchs à la barre de l’équipe et certaines étapes devront être franchies avant de pouvoir tirer des renseignements sur Henry l’entraîneur. D’ici là, voilà une explication sommaire des étapes qu’il aura à surmonter en prenant en considération les résultats récents de l’équipe montréalaise lors du tournoi MLSisBack.

Les multiples expériences ‘inhabituelles’ :
Tout nouvel entraîneur débute sa carrière avec de nombreuses idées en tête, pensant pouvoir révolutionner la profession comme ses plus grandes légendes. Une fois en poste, c’est le choc. On réalise que ce n’est pas aussi simple que ça. Thierry Henry n’a pas eu assez de temps à l’AS Monaco afin de satisfaire sa curiosité. Nommé au poste d’entraîneur de l’Impact en novembre 2019, l’ex-international a livré de nombreuses entrevues et a amené une grande visibilité au club montréalais, mais ce sont les résultats sur le terrain qui comptent. Malgré un bon début de saison en MLS (une victoire et un match nul) et une qualification pour les quarts de finale de la Concacaf Champions League, la pandémie a mis un frein au développement de l’équipe, qui venait tout juste d’accueillir l’international Kenyan Victor Wanyama en provenance du club anglais de Tottenham.
De retour sur le terrain pour le tournoi MLSisBack, Henry pense avoir trouvé la formule magique lors du premier match face au Revolution de la Nouvelle-Angleterre en titularisant Samuel Piette, milieu défensif de formation qui n’est pas du tout connu pour sa versatilité, au poste de latéral droit au sein de son 3-4-3. Pourtant, sur le banc, le jeune international canadien et latéral droit de formation Zachary Brault-Guillard (ZBG), excellent au début de la saison, ronge son frein et son remplaçant Clément Bayiha attend lui aussi sa chance. Sans surprise, le pari d’Henry est un échec monumental et, pour ajouter l’insulte à l’injure, l’Impact de Montréal passe complètement à côté de son match malgré l’entrée de ZBG à la mi-temps. La défaite de 1-0 aurait dû être plus large si ce n’était de la maladresse des attaquants adverses.
Toujours sous le choc après ce choix plus que discutable, les supporters montréalais pensent que leur entraîneur a appris la leçon mais le onze de départ face au rival torontois prouve que Thierry Henry n’est toujours pas convaincu. Toujours à cette même position de latéral droit, l’entraîneur français titularise Shamit Shome, milieu relayeur de formation. Cette décision est toute aussi calamiteuse puisque c’est en se jouant de Shome à la 8ème minute de jeu que Richie Laryea trouve le fond des filets gardés par Clément Diop et l’Impact encaisse trois buts en première mi-temps, avant que Shome ne laisse la place à ZBG en seconde mi-temps. Défaits 3-4 par Toronto, toutes les expérimentations d’Henry n’étaient pas mauvaises. Les premières minutes de jeu du milieu de terrain argentin Emmanuel Maciel étaient extrêmement encourageantes. Passeur décisif pour son premier match, Maciel a fourni une copie parfaite lors de ce duel alors que son coéquipier hondurien Romell Quioto a été phénoménal à la pointe de l’attaque montréalaise, inscrivant un but et étant à l’origine de plusieurs occasions dangereuses.
Avec zéro point en deux matchs, l’Impact se devait de remporter sa troisième opposition face à DC United afin d’espérer se qualifier au prochain tour, en tant qu’un des quatre meilleurs troisièmes de la phase de groupes. Pour ce match ultime, voyant que son 3-4-3 ne fonctionnait pas comme il le voulait lors des deux premiers matchs, Henry a donc opté pour un 4-3-3 qui semblait beaucoup plus adapté aux forces et faiblesses de l’équipe, avec ZBG en tant que latéral droit ! Après un début de match terne de la part des deux formations, l’Impact de Montréal a trouvé le fond des filets par l’international algérien Saphir Taider. Bien en place, l’Impact gère le match et se sauve avec la victoire 1-0. Malgré quelques frayeurs face à DC United, le 4-3-3 mis en place par Thierry Henry et son staff a clairement fonctionné face à l’adversaire du soir. Avec un Wanyama magistral et des prestations encourageantes de Samuel Piette, Saphir Taider, Bojan et Rod Fanni, le bleu-blanc-noir semble sur la bonne voie pour la suite du tournoi et pour la suite de la saison (si tout se passe bien).

Stabilité recherchée :
C’est maintenant que s’amorce la deuxième phase d’apprentissage de Thierry Henry. Après avoir tenté ses expériences et avoir essayé plusieurs schémas de jeu (3-4-3, 3-5-2, 4-3-3 etc.) et plusieurs joueurs de l’effectif depuis le début de la saison, il est grand temps de cimenter le tout et de trouver la formule la plus adéquate à son groupe de joueurs. Le staff technique en place ne manque pas d’expérience afin d’épauler Henry. Entre la légende du club Patrice Bernier en tant qu’adjoint, un ancien du staff de l’académie d’Arsenal Kwame Ampadu, Remy Vercoutre, ancien gardien de Ligue 1, ainsi que Wilfried Nancy et Jules Gueguen, il y a du savoir-faire sur le banc du bleu-blanc-noir.
La première grande décision de Thierry Henry sera d’adopter une formation spécifique afin de permettre aux joueurs de développer des automatismes. Une fois que ce schéma sera bien assimilé, Henry pourra se permettre d’apporter des changements tactiques afin de contrer les forces adverses. Pour que ça arrive, il faudra aussi identifier la colonne vertébrale de l’équipe ainsi que les joueurs de rotation au sein du onze montréalais. La logique indique que Wanyama et Taider, en tant que joueurs désignés, devraient faire partie intégrante de cette équipe. Fanni, Urruti et Quioto semblent aussi avoir gagné leur place au vu de leurs prestations dans le tournoi. Les belles surprises Anthony Jackson-Hamel, Ballou Tabla, Luis Binks, Emmanuel Maciel, Joel Waterman ont-ils convaincu le staff? Les déceptions Orji Okwonkwo, Bojan, Rudy Camacho, Shamit Shome, Samuel Piette, Jukka Raitala auront-ils une seconde chance? Où se situent les absents de ces matchs comme Lassi Lappalainen, Clément Bayiha, Mathieu Choinière, Amar Sejdic et Karifa Yao? Plusieurs questions auxquelles le staff devra répondre assez vite afin que les joueurs puissent connaitre leur rôle au sein du club et les efforts qu’ils doivent faire afin de se retrouver sur le terrain.

Trouver les bons profils afin d’atteindre les sommets :
Réservée en grande partie au directeur sportif du club, dans ce cas-ci le belge Olivier Renard, cette tâche ne se fait pas sans le consentement de l’entraîneur. Une fois la tactique trouvée et le rôle de chaque joueur de l’effectif défini, il faudra trouver les pièces manquantes au système montréalais d’Henry. C’est bien sûr un travail de longue haleine qui devra se faire sur un ou deux ans mais l’entraineur français et son staff, s’ils sont maintenus à leurs postes, auront leur mot à dire. Évidemment, le directeur sportif, le président ou même le propriétaire peuvent en décider autrement mais ce n’est jamais une bonne idée d’ignorer l’avis de l’entraîneur et ça se fait de moins en moins de nos jours.
Le nom de Thierry Henry attire les joueurs actuels. Plusieurs talents rêvent de côtoyer et de jouer sous les ordres de la légende des Bleus. Luis Binks et Victor Wanyama, tous les deux acquis de Tottenham, n’ont jamais caché que le coach français était une des principales raisons derrière leur arrivée à Montréal. Il ne reste plus qu’à choisir les bons profils parmi les joueurs intéressés. Les supporters montréalais demandent depuis plusieurs années un créateur offensif, ce profil sera-t-il retenu par Thierry Henry et son staff ? D’autre part, l’Impact a beaucoup de mal à trouver le fond des filets, un attaquant de haut niveau est réclamé depuis le départ de Didier Drogba. Verra-t-on une autre star du ballon rond rejoindre le bleu-blanc-noir et jouer sous les ordres de Thierry Henry? Dans tous les cas, il reste une place de DP du côté de la franchise montréalaise, est-ce possible de voir trois DP à Montréal pour la première fois de l’histoire du club? Joey Saputo n’a jamais fermé la porte à cette possibilité mais il faudra trouver un moyen de le convaincre à sortir une nouvelle fois le chéquier.
One thought on “L’Apprentissage de Thierry Henry”