Blaise Matuidi, coup de maître sportif et financier pour l’Inter Miami CF

C’est la grosse surprise de la semaine en Major League Soccer qui, pour rappel, a titré son champion du tournoi MLS is Back, mardi soir avec la victoire des Portland Timbers face à Orlando City : Blaise Matuidi est sur le point de signer pour l’Inter Miami CF, le club d’expansion de la MLS possédé en partie par David Beckham. La visite médicale a eu lieu mardi, à Paris.

Non seulement c’est une surprise pour l’international français, qu’on ne voyait pas forcément quitter l’Europe cet été, mais ça l’est aussi pour Miami qui n’était jusque-là pas lié à son profil et où l’on attendait plutôt un joueur au poste d’avant-centre.

Culture Soccer vous présente, pour fêter l’arrivée du Champion du Monde 2018 en MLS, une analyse rapide de son choix, des questions qu’il soulève et de son futur rôle à Miami.

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Photo via Juventus-FR.com

Si vous nous lisez d’Amérique du Nord et que vous regardez peut-être peu les championnats européens, voici un petit portrait condensé de Blaise Matuidi et de sa carrière. Le Français a 33 ans aujourd’hui mais a débuté sa carrière du côté de Troyes, en Ligue 2 puis en Ligue 1, avant de rejoindre l’AS Saint-Etienne en 2007. Auteur de quatre saisons accomplies, il est ensuite acheté par le Paris Saint-Germain au tout début de l’ère qatarie dans le club de la capitale française. Acquis pour 10 millions d’euros en 2011, il deviendra très vite incontournable à Paris et l’un des chouchous du Parc des Princes, qu’importe l’entraîneur et les résultats. Ce n’est qu’en 2016-17 que Matuidi perdra peu à peu du temps de jeu sous le maillot parisien, le poussant à partir pour rejoindre la Juventus et la Serie A italienne pour 27 millions d’euros. Là-bas, il y connaîtra deux belles saisons (dont une première couronnée d’un doublé coupe-championnat) et, s’il a connu une baisse de régime en 2019-20, il est resté titulaire au centre du dispositif de Maurizio Sarri. L’entraîneur italien fut débarqué la semaine dernière après la défaite de Turin face à l’Olympique Lyonnais en Champions League et la nomination rapide d’Andrea Pirlo (ancien joueur de MLS au New-York City FC) a provoqué, selon la presse italienne, le départ précipité du milieu de terrain français. En effet, celui-ci ne serait plus dans les plans du Maestro et c’est ce changement, a priori, qui amène Blaise Matuidi à l’Inter Miami. Malgré cinq titres en Ligue 1 et trois en Serie A, son fait d’arme le plus marquant restera probablement, et à jamais, la victoire avec l’équipe de France en Coupe du Monde 2018, durant laquelle il fut un titulaire indiscutable.

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Photo via RMC Sport

Le contrat du joueur serait, selon les dernières rumeurs et les informations de Sam Stejskal (The Athletic) non pas un contrat de joueur désigné, mais un contrat TAM. Si c’est le cas, c’est un véritable coup de maître qu’a réalisé l’Inter Miami, tout comme le LA Galaxy l’avait fait avec Zlatan. Certes, il n’y aura pas de coût de transfert à payer pour Miami, qui le prend gratuitement malgré sa dernière année de contrat avec la Juventus. Cependant, on pouvait s’attendre à un contrat dépassant les 1.53 millions de dollars, la limite d’un contrat avec argent d’allocation (TAM) qui en font un joueur désigné, mais ce ne serait pas le cas. Il pourrait donc avoir un contrat affublé de bonus, de primes avec les produits dérivés, ou bien d’un poste assuré en fin de carrière.

Ce contrat de joueur TAM n’enterre donc pas définitivement, pour la saison 2020, les espoirs de voir arriver un avant-centre ou un ailier de classe mondiale, qui est très attendu ces derniers temps à Miami. Avec déjà le milieu gauche argentin Matias Pellegrini et le milieu offensif mexicain Rodolfo Pizzaro, une place de joueur désigné reste libre et il reste possible pour l’Inter Miami de faire signer un joueur de la trempe d’  (comme la presse européenne a pu en parler récemment) Edinson Cavani, Willian ou Luis Suarez en Floride. Il n’y a peut-être aucune piste crédible pour une pièce offensive maîtresse, mais en tous cas, grâce à la signature de Matuidi en joueur TAM, la porte reste ouverte pour un ajout cet hiver ou l’été prochain.

Il va être intriguant de décortiquer comment, même si ça paraissait compliqué, Matuidi a rejoint Miami en tant que joueur TAM. Le contrat pressenti est pour le moment de deux ans, plus une en option, une durée habituelle pour les vedettes trentenaires dans la ligue.. Ce qui parait compliqué, c’est que l’Inter Miami n’avait pas énormément d’argent d’allocation de côté. Pour deux raisons : tout d’abord, l’Inter Miami a déjà de nombreux joueurs payés ou achetés avec de l’argent d’allocation et, la deuxième, le transfert du jeune attaquant Julian Carranza est estimé à six millions de dollars. En théorie, cela ferait de l’Argentin un joueur désigné mais, le prix du transfert étant dilué sur ses cinq années de contrat, il est rabaissé en-dessous du seuil limite. Cependant, il occupe tout de même à lui seul une grande partie de l’argent d’allocation que possède Miami. Nous attendrons donc que comme à son habitude, l’association des joueurs de la MLS qui révèlent les salaires des joueurs dans l’année pour y voir plus clair. La seule information pour le moment c’est que, selon Julian Laurens d’ESPN, Matuidi aurait déjà baissé une partie de son salaire pour partir à Miami, lui qui touchait 3.5M€ par ans à la Juventus.

C’est en tous cas un transfert surprenant puisque ce n’est pas la star qui va amener un public enthousiaste au stade de Miami qui, pour rappel, sera difficile à remplir puisqu’étant situé à Fort Lauderdale et non à Miami même (en attendant la nouvelle enceinte, le Miami Freedom Park, courant 2022). Le public visé là-bas est plutôt latino-américain, symbolisé par l’arrivée du Mexicain Rodolfo Pizzaro. Au sein de cette communauté, Blaise Matuidi n’a pas la popularité d’un Luis Suarez ou d’un Edinson Cavani. Paul McDonough, le directeur sportif de Miami, avait bien annoncé qu’il voulait acquérir un huit et un numéro 9 ou un numéro 10. C’est ce 9/10 qui devait être joueur désigné, selon lui, et pas le milieu de terrain. Il faudra voir ce que l’homme qui avait également fait venir Kaká à Orlando prépare en coulisse donc pour ce poste précis.

Inter Miami CF Media Availability & Training Session
David Beckham et à sa gauche Paul McDonough, CEO de l’Inter Miami (Photo via MLS Multiplex)

En dehors du terrain, Blaise Matuidi servira tout d’abord à faire connaître un petit peu plus l’Inter Miami CF en dehors des frontières des États-Unis. En Europe, ces derniers mois, de nombreux maillots de la franchise ont montré le bout de leur nez dans les rues et ce phénomène, surtout en France, devrait s’accentuer avec l’arrivée de Matuidi. Aux États-Unis aussi, dans un pays où les audiences de la MLS ne décollent pas alors que celles des Coupes du Monde sont très bonnes, l’arrivée de l’international français pourrait amener de nouveaux téléspectateurs à regarder la franchise de Beckham.

Le champion du monde pourra également apporter son expérience dans le groupe de Miami, qui est bien pourvu en talents bruts et en jeunes qu’il faut former. Christian Makoun par exemple, défenseur central et capitaine des U18 du Venezuela, pourrait bénéficier de cet ajout d’expérience, tout comme les éléments de la réserve de Miami. Cette dernière, lancée cette année en USL League One (D3 américaine) et nommée Fort Lauderdale CF, devrait amener des jeunes dans le groupe professionnel de Miami dans les années à venir. Sa présence de vétéran à la tête froide peut aussi calmer les ardeurs des nouveaux venus en MLS qui, en seulement 5 matchs, comptent déjà 3 cartons rouges.

Sur le terrain, il comble un trou évident de l’Inter Miami, que les observateurs ont pu déceler sur les cinq premiers matchs de la franchise (deux en saison régulière, trois au tournoi MLS is Back). La formation de l’Uruguayen Diego Alonso joue avec deux milieux de terrain, Will Trapp et Victor Ulloa, qui ont un profil assez similaire. Si Trapp s’occupe plus des tâches défensives et Ulloa de porter le ballon vers l’avant, aucun des deux ne libère des espaces pour les ailiers que sont Pellegrini ou Lewis Morgan. Blaise Matuidi n’est pas le plus à l’aise avec le ballon mais il possède les qualités techniques pour porter le jeu en phase de transition et en contre, comme avec la France en 2018, pour attirer les joueurs adverses vers lui et ainsi libérer de la place pour les milieux offensifs. Cet espace, c’est ce qui manque pour le moment à Miami et, même si Ulloa le fait de temps en temps (voir le but face à Orlando ci-dessous), il serait judicieux d’avoir une meilleure option dans ce rôle. Cela pourrait aussi aider le milieu créateur Rodolfo Pizzaro, pour le moment très remuant mais assailli par les défenses adverses, qui pourrait s’en trouver plus démarqué.

 

 

Sa versatilité serait aussi un outil efficace pour Diego Alonso. Capable de jouer en numéro 6, en numéro 8 ou même sur l’aile, Blaise Matuidi pourrait être aux côtés de Will Trapp dans un 4-2-3-1 ou, plus haut que lui, accompagné d’Ulloa dans un 4-3-3. En cas de besoin, il peut aussi dépanner sur une aile s’il faut jouer plus bas et laisser, par exemple, son poste à Lee Nguyen au milieu du terrain. En plus, qui sait si Matuidi ne leur sauvera pas des matchs avec des coups de génie dont il a le secret ?

 

 

Finalement, ce transfert semble avoir du sens : certes, ce n’est pas le numéro neuf espéré mais Miami en compte déjà un grand nombre, avec un transfert à 6 millions de dollars inclus ainsi qu’un premier choix de draft en Robbie Robinson et peut attendre l’hiver pour ce poste. Au tournoi MLS is Back, le problème ne semblait pas être la finition mais plutôt la création et Matuidi sera tout indiqué pour libérer les milieux offensifs des tâches défensives. Avec également l’arrivée de Leandro Gonzalez Pirez en défense centrale, l’Inter Miami se renforce de belle manière pour la saison régulière. Ne manque plus qu’une dernière pièce offensive, possiblement donc en tant que joueur désigné: serait-ce possible d’y voir Radamel Falcao, attendu avec impatience par des fans qui rêvent d’un buteur expérimenté ? Le Colombien semble vouloir rester en Turquie, tandis que Cavani lui préfèrerait se diriger au Benfica Lisbonne. Peut-être faudra-t-il donc attendre le mercato d’hiver pour enfin connaître l’identité de la fameuse pièce maîtresse offensive de Miami.

Antoine Latran

Co-créateur de Culture Soccer. Ancien rédacteur Soccer Nord-Américain pour Lucarne Opposée. Fan de MLS depuis une balade dans Seattle un jour de match, j'écris sur Culture Soccer sur la MLS, la NISA, la sélection américaine, ainsi que sur des sujets mêlant le sport à la culture, la politique et l'économie.

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