Mode d’emploi : Comment créer l’Inter Miami CF ?

L’arrivée de l’Inter Miami était certainement l’une des plus grosses attractions de cette nouvelle saison de MLS, et ce, pour plusieurs raisons. Premièrement, son propriétaire, la star anglaise David Beckham, qui a brillé à la fois sur le Vieux Continent mais aussi au LA Galaxy. Il y avait aussi toutes ces rumeurs de transferts, plus folles les unes que les autres : Falcao, Edinson Cavani, David Silva, Suarez ou encore Cristiano Ronaldo et Lionel Messi… Rien que ça. Enfin, il y avait bien évidemment le fait de redécouvrir une franchise de MLS à Miami, après l’échec du Miami Fusion. En revanche, peu de gens connaissent le chemin parcouru par David Beckham et l’Inter Miami CF jusqu’à la création de cette franchise et son premier match officiel.

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La genèse du projet

L’histoire de l’Inter Miami commence en réalité en 2007, lorsque David Beckham signe au LA Galaxy. En effet, lors de son arrivée aux États-Unis, le Britannique a négocié avec les dirigeants de la MLS la possibilité de créer une franchise pour 25 millions de dollars (au moment de la création de la franchise, le prix d’entrée était d’environ 150 millions). Il faut ensuite accélérer le temps jusqu’en novembre 2012 pour entendre le commissaire de la MLS, Don Garber, évoquer l’arrivée d’une franchise MLS à Miami, après la disparition en 2001 du Miami Fusion et l’échec du projet porté, en 2009, par l’entrepreneur Marcelo Claure et le FC Barcelone. La région est intéressante pour la MLS car c’est un grand bassin de population (aire urbaine de plus de six millions d’habitants), avec une forte communauté hispanique (70% de la population), qui possède d’ores et déjà un gros appétit pour le soccer. De plus, les franchises de la ville dans les autres sports, excepté le Heat en NBA, ne sont pas très performantes. Un an plus tard, Don Garber mentionne les noms de David Beckham et Simon Fuller pour prendre en main cette franchise ; le projet est en marche. Quelques jours plus tard, le groupe d’investisseurs emmené par Beckham entre en contact avec les commissaires du comté de Miami-Dade afin de pouvoir négocier, avec le maire, la construction d’un stade en centre-ville. Miami Beckham United, le groupe d’investisseurs emmené par l’ex-Spice Boy, se compose de Marcelo Claure (déjà à la tête d’un projet de franchise à Miami avec le FC Barcelone), Jorge et Jose Mas (deux entrepreneurs floridiens), Masayoshi Son (souvent considéré comme l’homme le plus riche du Japon) et enfin David Beckham, qu’on ne présente plus. Quatre ans plus tard, en 2018, Miami Beckham United se voit officiellement attribuer la vingt-cinquième franchise MLS pour commencer à jouer en 2020. Le “Miami MLS” (nom générique de la franchise en attendant son nom définitif) doit maintenant tout organiser pour mettre en place la franchise.

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Photo via Denver Post

La création d’une identité

La franchise a obtenu le droit de disputer la MLS à partir de 2020, mais il lui fallait désormais un nom, des couleurs et un logo… Moins d’un an après l’annonce de son arrivée en MLS, la franchise annonce son nouveau nom et son logo le 5 septembre 2018. Il faut désormais appeler la franchise Club Internacional de Fútbol Miami. Un nom de club très sud-américain afin de coller au plus près à la population de la ville, en grande partie hispanique. Le logo est un blason à trois pointes dans un anneau où l’on retrouve deux hérons, dans le style Art-Déco, cher à Miami. Cet oiseau représente la liberté mais aussi les habitants de la ville. En effet, cet oiseau migrateur s’est installé en Floride à l’image des différentes communautés vivant à Miami. Les pattes des deux hérons sont reliées et forment un “M” afin de montrer l’unité et faire un rappel évident au nom de la ville. Au-dessus des hérons, on retrouve une éclipse, symbolisant le fait que Miami est une ville vivant aussi bien le jour que la nuit. Les sept rayons de soleil sont un clin d’œil à David Beckham et au numéro qu’il portait sur son maillot. En haut du logo se trouve l’appellation “Miami”. Le blason à trois pointes représente les trois comtés de Miami : Dade, Broward et Palm Beach. Enfin, l’anneau symbolise l’esprit d’intégration de Miami mais s’inspire aussi du site archéologique du Cercle de Miami. Dans cet anneau, on retrouve le nom du club et l’année 2020 en chiffres romains, année durant laquelle le club a débuté en MLS. Les couleurs du club sont le noir, le blanc (référence au héron) et le rose, la couleur du ciel lorsque le soleil se couche sur la ville. La devise du club est “Libertad. Unidad. Fortuna.” en français “Liberté. Unité. Chance.”. Pour révéler son identité, le club a réalisé de nombreuses opérations marketing sur les réseaux sociaux, deux peintres ont été chargés de réaliser des peintures en ville et le logo était affiché en première page du Miami Herald, principal journal de la cité floridienne.

Cependant, le nom du club n’a pas ravi tout le monde puisque le FC Internazionale Milano revendique le droit de marque de “Inter”. Le club de Milan a déposé une demande de brevet et de marque en 2014 pour que l’appellation « Inter » soit protégé sur le sol américain. Mais la MLS ne l’entendait pas de cette oreille et cela a amené les deux clubs à s’affronter devant la justice. Le premier argument juridique apporté par la MLS ayant été rejeté, l’avocat de l’Inter Miami a concédé qu’il était possible que le club doive changer de nom à l’avenir…

Les derniers éléments que les supporters attendaient étaient bien entendu les maillots. Au vu du logo et des couleurs, on pouvait s’attendre à quelque chose de plutôt excentrique mais finalement, les deux maillots sont plutôt sobres. Le maillot domicile est blanc avec des rappels de rose et l’extérieur, la “RosaNegra”, est noir avec, là-encore, des rappels de rose ainsi que les trois bandes d’Adidas sur l’épaule droite, que l’on retrouve sur tous les maillots sortis cette saison pour le 25ème anniversaire de la MLS. La petite touche d’originalité se trouve dans l’intégration des hérons, discrètement incrustés dans les deux maillots.

Un stade pour Miami

Après avoir cherché un emplacement pour son stade à différents endroits de la ville, l’Inter Miami a jeté son dévolu sur un terrain de golf appartenant à la ville et situé à proximité de l’aéroport international de Miami. La volonté du club est de transformer le golf en un véritable village dédié au sport, et tout cela au centre d’un parc de 23,5 hectares. Le stade de 25 000 places, dont la toiture représente des ailes de héron, sera à la pointe de la technologie. Juste à côté du stade, il y aura des terrains d’entraînement, un Technology Hub dédié aux entreprises, des restaurants, un hôtel de 750 chambres et un village commercial. Ce projet, financé à 100% par des investisseurs privés, doit rapporter gros à la ville de Miami, au comté de Dade et à l’État de Floride (plus de 40 millions de dollars en recettes fiscales annuelles, 5,9 millions par an à la Ville de Miami, 11,1 millions par an au comté de Miami-Dade, 23,6 millions par an (taxe de vente) à l’État de Floride et 3,4 millions par an à la commission scolaire – chargée de distribuer des bourses – du comté de Miami-Dade). Il y aura au total près de 13.000 emplois créés autour de ce projet, 11.000 pour la construction et plus de 2.000 permanents à l’ouverture. Le projet a reçu un accueil plutôt chaleureux puisqu’il a été approuvé à 60% lors du référendum.

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Photo via MLS Soccer

Mais malgré tous les efforts fournis, le stade ne sera pas sur pied avant 2022. Il a donc fallu trouver une solution en attendant. C’est finalement l’ancien stade du Miami Fusion, le Lockhart Stadium, qui a été choisi pour héberger provisoirement la franchise. Plus récemment utilisé par les Fort Lauderdale Strickers, l’enceinte avait été laissée complètement à l’abandon et il fallut donc tout détruire et reconstruire, en à peine un an. Après quelques travaux de réhabilitation, l’Inter Miami a pu jouer son premier match à domicile le 23 août 2020 face au Orlando City SC, s’imposant 3-2. Bien que son emplacement ne soit pas idéal car trop loin du centre de Miami, le stade situé à Fort Lauderdale ne sera pas abandonné une fois que le Miami Freedom Park sera construit. En effet, il abritera le centre d’entraînement du club et sera utilisé pour les matchs de l’équipe réserve en USL, baptisé Fort Lauderdale CF, et de l’académie.

Attirer des partenaires autour d’une franchise hype

Les sponsors sont essentiels à la solvabilité d’une franchise de MLS et l’Inter Miami n’échappe pas à cette règle. Comme expliqué dans un précédent article, la MLS négocie directement certains contrats, dont les droits TV au niveau national, et l’équipementier officiel qui est commun à toutes les franchises. Il reste donc aux clubs à trouver deux sponsors maillots, des diffuseurs locaux et d’autres partenaires officiels pour optimiser leur rentabilité. Le premier sponsor du club fût Heineken, le mastodonte néerlandais qui était déjà partenaire de la MLS et désireux de fêter le retour de la compétition à Miami. Par la suite, de nombreux partenariats ont été signés : City Furniture comme fournisseur officiel, Baptist Health en tant que partenaire médical officiel, Publix en qualité de supermarché officiel… L’un des partenariats les plus intéressants a été signé en mars 2020 avec Fanatics, spécialiste du merchandising sportif et des produits dérivés sous licence. Ce partenariat à long-terme permettra ainsi au club de Beckham d’augmenter ses revenus liés à la vente de produits dérivés. Fanatics pourra donc mettre à profit toute son expérience, acquise avec ses partenaires prestigieux comme Chelsea, Manchester United et, plus récemment, le Paris Saint-Germain. La franchise floridienne a également trouvé un accord avec CBS Miami pour la diffusion des matchs en anglais. Grâce à ce partenariat, un certain nombre de matchs de la saison régulière de l’Inter Miami seront diffusés en prime time sur MyTV33 (WBFS), avec des matchs supplémentaires diffusés sur CBS4 (WFOR), à travers le sud de la Floride. Enfin, la petite particularité de l’Inter Miami réside dans le fait que la franchise ne possède pas de sponsor maillot. Pourtant, en février, nombre de médias avaient fait état d’un contrat de partenariat avec la compagnie aérienne Qatar Airways pour 234 millions de dollars, avec également la possibilité d’avoir un droit de naming du stade. Depuis, pas de nouvelles, la RosaNegra est toujours vierge de sponsor et aucune communication officielle n’a été faite concernant un quelconque partenariat. Il faut dire que la crise du Covid-19 a lourdement frappé le secteur aérien et que, par conséquent, il est possible que la compagnie ait fait machine arrière.

Créer une fanbase

Peu de temps après l’annonce officielle de la franchise, le premier groupe de supporters a vu le jour : il s’agit de la “Southern Legion”, un groupe très inclusif avec une ambiance familiale. Il y a eu ensuite le “Vice City 1896”, un groupe de supporters à l’identité très sud-américaine. Le troisième groupe officiel est “The Siege”, un groupe porté vers la fan-experience et se voyant comme des leaders au sein de la communauté floridienne. Très rapidement, il était possible de s’inscrire dans l’un de ces groupes ou bien de s’inscrire sur la liste d’attente pour les abonnements. Le prix de la place est compris entre 25$ et 175$ par match pour les abonnés. La campagne qui a suivi a d’ailleurs été efficace, puisque le club a annoncé avoir vendu tous ses abonnements. Malheureusement, la pandémie de Covid-19 est passée par là et le club n’a pour l’instant pu accueillir aucun supporter. Pour réussir à animer sa fanbase de plus de 1,1 million de followers (Facebook, Twitter et Instagram cumulés), le club doit se servir des réseaux sociaux, et notamment d’Instagram, qui est très utilisé par la franchise sud-floridienne. En plus de photos et de vidéos (buts, entraînements, Q&A,…), le club utilise Instagram pour annoncer ses résultats avec un visuel vidéo très soigné, reprenant les couleurs de l’Inter Miami. David Beckham apparaît aussi de temps en temps sur certaines vidéos afin d’utiliser son aura pour promouvoir son club.

Construire une équipe

Pour terminer, l’un des plus gros chantiers du club a été de construire l’équipe en partant de zéro, chose rare dans le football moderne. Les rumeurs envoyaient déjà les plus grosses stars du monde du football à Miami. Pour réussir ce pari de mettre sur pied une équipe compétitive, Beckham a fait confiance à Paul McDonough (l’homme qui a construit l’équipe d’Atlanta United et d’Orlando City SC) pour le poste de directeur sportif. En ce qui concerne l’entraîneur, l’ancien joueur du Galaxy a confié les rênes de son équipe à l’ancien attaquant de Valence et de l’Atlético, Diego Alonso. Un entraîneur expérimenté qui avait déjà remporté deux Ligues des Champions de la CONCACAF, avec Pachuca et Monterrey. Comme il l’avait fait avec Atlanta, le directeur sportif a voulu bâtir l’équipe en mélangeant joueurs expérimentés de MLS et pépites sud-américaines. Les deux premiers joueurs de l’Inter Miami sont deux jeunes argentins, Julian Carranza, un buteur en provenance de Banfield, et Matias Pellegrini, le premier joueur désigné (exception au plafond salarial) du club, un ailier prometteur en provenance de l’Estudiantes. Pour accompagner ces jeunes éléments, Miami a recruté des joueurs qui connaissent très bien la MLS comme Jay Chapman, Will Trapp, Leandro Gonzalez-Pirez ou encore le gardien international américain Luis Robles, en provenance des New York Red Bulls. Enfin, en tant que nouvelle franchise, l’Inter Miami a pu bénéficier de la draft d’expansion qui leur permet de récupérer cinq joueurs de franchises déjà existantes, et ont attiré d’autres joueurs d’expérience comme Lee Nguyen, Mikey Ambrose ou Alvas Powell. Assez étonnamment, début février, l’Inter Miami ne comptait pas de nom ronflant dans son effectif comme pouvaient l’espérer les fans et les médias. De plus, il n’y a qu’un seul joueur désigné en la personne de Pellegrini. Il aura fallu attendre mi-février pour que Miami aille chercher son deuxième joueur désigné. C’est un joueur que connaît bien l’entraîneur Diego Alonso puisqu’il a été son coach au Rayados. Il s’agit de l’international mexicain de 26 ans Rodolfo Pizarro. Le milieu offensif a remporté la Liga MX dans tous les clubs où il a joué : le CF Pachuca, les Chivas et les Rayados de Monterrey. Il a également remporté la Ligue des Champions CONCACAF en 2019 avec le dernier cité.

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Via Inter Miami CF

Malgré une équipe intéressante sur le papier, l’Inter Miami n’arrive pas à arracher ne serait-ce qu’un point lors de ses cinq premiers matchs. Il faut dire que la pandémie de Covid-19 et la blessure de Julian Carranza n’ont pas aidé le club à trouver ses repères. Après avoir joué ses deux premiers matchs à l’extérieur, au LAFC et à DC United, le club devait faire ses débuts à domicile face au LA Galaxy. Malheureusement, ce match a été annulé et “remplacé” par le tournoi MLS is Back, sur terrain neutre, où les floridiens ont enchaîné 3 défaites. C’est finalement lors de son premier match à domicile que l’Inter Miami a décroché sa première, victoire face à Orlando (3-2). Très prochainement, le champion du monde français Blaise Matuidi viendra prêter main forte à la franchise puisqu’après son départ (libre) de la Juventus, il a choisi de venir aider son ancien coéquipier du PSG dans le développement de son club. Chose plus étonnante, il n’occupera pas une place de joueur désigné, comme on aurait pu l’attendre pour un joueur de ce calibre. Cela laisse donc la possibilité au club de faire venir un autre joueur de grande qualité. Luis Suarez, Gonzalo Higuain, Lionel Messi… Les rumeurs vont pouvoir reprendre de bon train concernant l’identité du troisième joueur désigné du club de David Beckham.

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Après des débuts compliqués, l’Inter Miami devra désormais être capable d’enchaîner les bons résultats afin de remonter au classement et de continuer de faire rêver ses fans jusqu’à ce qu’ils puissent revenir au stade. La présence de David Beckham continuera d’alimenter les fantasmes concernant la venue des plus grands joueurs de la planète mais poussera également certaines marques à s’associer à cette franchise, plutôt qu’à une autre. Enfin, l’arrivée du Miami Freedom Park devra permettre au club de construire un modèle économique viable sur lequel reposera l’avenir de la franchise.

Raphaël Croizard

J'ai co-créé les pages Twitter @AtlantaUtd_FR et @LAGalaxy_France A la recherche d'une opportunité en marketing du sport, j'écris pour Culture Soccer sur la MLS et son économie. Également fan de football Italien et du grand Andrea Pirlo.

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