Les derniers mois ont été mouvementés du côté de la North Independant Soccer Association. Cette Division 3 américaine, totalement indépendante et bâtie en opposition au duo MLS/USL (qui possède notamment sa propre division 3, la USL League One), grandit petit à petit à l’abri des regards. Se positionnant comme ouverte et sans frais d’expansion (là où la USL League One demande un prix d’entrée d’un million de dollars), la NISA reste cependant très exposée à l’instabilité qui caractérise si bien les divisons inférieures américaines.
Lire Aussi : Guide NISA 2020
Petit retour sur l’été, projection sur la fin de la saison 2020, sur les expansions et les départs ainsi que sur les nombreux partenariats que la ligue a pu signer dernièrement.

Une Fall Cup… Sur BeIn Sports
La saison 2020 fut, comme dans de nombreux championnats, une saison morcelée et remplie d’incertitudes, Covid-19 oblige. La saison inaugurale de 2019 avait déjà été appelée « showcase » car elle devait être une saison spéciale, avant une année 2020 répondant aux critères de normalité espérés pour le futur. Divisée entre une partie « printemps » et une « automne », la saison 2020 fut cependant arrêtée le 12 mars, d’abord pour une trentaine de jours, puis pour une durée indéterminée le 20 mars. Pour ne pas perdre la main, c’est ensuite une « Independent Cup » qui fut organisée pendant l’été entre une poignée de clubs de NISA et quelques clubs amateurs, regroupés dans des associations régionales afin d’éviter les déplacements non-nécessaires. Une saison d’automne raccourcie a ensuite été organisée, d’août à septembre, sans confrontation cependant entre les clubs de l’Est et de l’Ouest.
Ce qui nous amène donc à la dernière partie de la saison qui fut confirmée le 11 septembre par la ligue : une Coupe d’Automne, dans une seule localité, comme ce fut le cas pour le tournoi MLS is Back ou la NWSL Challenge Cup cet été. La ligue a eu la très belle idée de choisir le superbe Keyworth Stadium du Detroit City FC, sûrement le stade le plus emblématique des divisions inférieures américaines. D’une capacité de presque 8 000 places, Keyworth est un stade quasiment centenaire qui regroupe d’habitude des milliers de fans surexcités du Detroit City FC et reconnaissable grâce à ses tours imposantes, où se trouvent les éclairages du stade. Une campagne de collecte de fonds, organisée par les supporters de Detroit, avait pu rénover le stade en 2016 qui a, depuis, accueilli de nombreux clubs européens en amical.
Le « Fall Tournement » regroupera les huit équipes de NISA. Trois sont pensionnaires de l’Ouest : l’Oakland Roots SC, le LA Force et les Cal United Strikers FC. Du côté de l’Est, le NY Cosmos, le New Amsterdam FC, le Chattanooga FC et les Michigan Stars FC seront présents avec le Detroit City FC, qui accueille donc le tournoi. Les huit équipes seront placées dans deux groupes de quatre, dont les deux premiers seront qualifiés pour des demi-finales. Le tournoi débutera le 21 septembre et se terminera avec la finale le 2 octobre.
Lire Aussi : Chattanooga, une ville divisée
Cette annonce est arrivée environ deux semaines après une autre, très importante pour la survie de la ligue, concernant les droits de diffusion. Jusque-là, la NISA était visible sur quelques chaînes régionales mais surtout sur la plateforme en ligne MyCujoo qui, malgré sa popularité parmi les fans de championnats mineurs, n’aidait pas à une grande médiatisation de la ligue. Le « Fall Tournement » sera en revanche diffusé sur les canaux internet de BeIn Sport, au Canada et aux Etats-Unis, notamment sur la plateforme BeIn Sport XTRA. Certes, ce n’est pas une audience incroyable qui rivalisera avec l’USL Championship (D2), qui est diffusée sur les plateformes en ligne d’ESPN, mais c’est un contrat local et plus attirant que celui de MyCujoo.
Encore plus excitant, la ligue a annoncé hier un tout nouveau de système de partenariats avec des clubs à l’échelle local : NISA Nation. Beaucoup de clubs amateurs aux Etats-Unis ne jouent qu’une partie de l’année et les dirigeants de la ligue ont compris que nombreux d’entre eux voulaient jouer sur des saisons complètes. La NISA Nation servira d’incubateur aux clubs amateurs, qui évolueront petit à petit aux côtés des pro, avant d’un jour rejoindre la ligue.
Expansion, spéculation et réalité
L’année 2020 a également été porteuse de nombreux projets d’expansion, certains confirmés, d’autres toujours en discussion ou construction.
Le premier est le New Amsterdam FC (New York) qui a intégré la ligue en automne avec un certain engouement. En effet, la stratégie marketing se basant sur la ville où le NAFC joue, ainsi que le logo et les couleurs, a été appréciée sur les réseaux sociaux, un peu comme l’avait fait Oakland il y a deux ans. Le club a beaucoup joué sur sa rivalité avec le NY Cosmos, qui a également rejoint la ligue à l’automne, après deux saisons au niveau semi-professionnel depuis l’arrêt de la NASL en 2018. Se donnant l’image d’un Athletic Bilbao à l’américaine (le club espagnol ne fait jouer que des joueurs basques), le désir du NAFC est de composer une équipe en partie new yorkaise, son nom faisant d’ailleurs référence à l’ancienne appellation de la ville de New York, qui a été appelée New Amsterdam jusqu’en 1664. Cependant, les résultats sur le terrain ont été très compliqués jusque-là. Après des déroutes face à des clubs amateurs lors de l’Independent Cup, le NAFC a pour le moment trois défaites au compteur, avec neufs buts pris en tout, dont trois lors de la première édition du derby face au Cosmos. De plus, l’entraîneur-vedette annoncé le 30 juillet, Eric Wynalda (ancien attaquant star des États-Unis et entraîneur des Las Vegas Lights en USL), a subitement quitté le navire 18 jours plus tard, pour des raisons familiales. Il faudra donc se relever pour exister médiatiquement et sportivement dès 2021, mais de bonnes bases sont déjà là.
Non loin de là, une autre équipe se prépare à rejoindre la ligue pour la saison de printemps 2021. Les New Jersey Teamsters, qui ont récemment joué en UPSL (D4 américaine), ont été confirmés comme expansion par la NISA en février dernier. L’équipe de Bayonne, dans le New Jersey, est située à une quinzaine de kilomètres de New York et devrait donc partager une rivalité locale avec les deux équipes déjà présentes dans la Grande Pomme, le Cosmos et New Amsterdam. Si les débuts ont été hésitants au niveau de la communication, ils se sont rattrapés depuis en axant leur campagne médiatique sur l’attachement qu’ils avaient avec l’état du New Jersey. La co-propriétaire, Sibrena Stowe-Geraldino, a également fait les titres de la presse spécialisée puisqu’elle est devenue la première femme afro-américaine propriétaire majoritaire d’un club de soccer aux États-Unis.

Du côté des retours, pour 2021, nous assisterons à une chose rare dans le monde du soccer américain : un club qui fait une pause et revient ensuite ! En effet, il est récurrent de voir, dans les divisions inférieures, un club se mettre en « hiatus » pendant une saison (voire beaucoup plus longtemps) afin de remettre de l’ordre dans ses comptes et de se relancer dans un échelon professionnel. Cependant, il est très habituel que le club en question ne revienne jamais, criblé par des dettes ou un management dans les choux. Nous avions donc peur en voyant le San Diego 1904 FC, club fondé par Eden Hazard et Demba Ba, annoncer pendant la pandémie de se permettre une pause de quelques mois. Cependant, pas d’inquiétude : le 1904 FC a annoncé reprendre les activités pour la saison de printemps 2021. Une véritable bonne nouvelle pour la NISA qui manque d’équipes à l’Ouest. Le club ne semble pas s’inquiéter, de plus, de la nouvelle franchise USL dans la même ville, comme nous l’indiquait l’entraîneur français Alex Gontran dans notre podcast.
Grosse nouvelle également, l’arrivée prochaine de deux clubs dans des marchés intéressants. Tout d’abord, le 27 juillet, les Maryland Bobcats ont annoncé qu’ils allaient rejoindre la ligue, probablement à l’automne 2021. Le club est populaire et connu pour avoir une formation solide dans le Maryland et sa communication est pour le moment parfaite. La franchise a notamment participé à l’Independant Cup cet été. L’autre grosse annonce est arrivée le 10 septembre : la NISA va lancer une franchise à Chicago pour la saison d’automne ! Surtout, elle ne sera pas créée par n’importe qui mais par Peter Wilt, un bâtisseur de franchises à succès. Originaire de Chicago, Peter Wilt avait lancé le Fire en Major League Soccer en 1996, mais aussi les Red Stars dans la même ville, un des clubs les plus populaires de NWSL (D1 féminine). Dans les divisions inférieures, son succès le plus récent est sans aucun doute le Forward Madison, un club de troisième division qui enflamme Twitter grâce à une communication unique dans le soccer mondial. Le marché de Chicago est un territoire intéressant à explorer : le Fire n’y a jamais été un succès populaire en MLS et reste confidentiel dans la ville. Il y a deux ans, des discussions autour d’une possible franchise USL dans la ville avaient montré qu’un engouement existait pour un deuxième club masculin professionnel. La franchise USL avait finalement été abandonnée mais un club de NISA représentant l’esprit de la ville, et étant amené par Peter Wilt lui-même, devrait être un succès.
Finalement, un petit mot sur le Miami Beach CF : l’équipe annonce depuis longtemps une possible arrivée en NISA. Rien d’officiel mais, depuis le départ du Miami FC pour l’USL en 2019, la ville ne possède plus de franchise en NISA. Le club, actuellement en UPSL (D4), possède des fondations solides et des discussions seraient entamées pour arriver fin 2021 ou début 2022.
Des départs à venir ?
Malheureusement, tout comme la NASL à son époque, la NISA n’est pas imperméable aux départs de certaines franchises. Le Miami FC avait notamment déménagé à la surprise générale pour l’USL Championship (D2) la saison dernière, un mouvement qui était finalement logique. Le Miami FC est une franchise riche et, pour passer un palier supplémentaire, la NISA restait trop confidentielle.
Des autres têtes d’affiche de la NISA, ni Detroit, ni Chattanooga, ni le NY Cosmos ne semblent pouvoir partir vers l’USL. Ces clubs ont affiché à de nombreuses reprises leurs hostilités contre l’USL et la MLS et leur système de franchises privées dans le passé, trop peut-être pour rejoindre l’ennemi. De plus, l’USL possède déjà des franchises à Chattanooga et à New York et ne délivre pas plusieurs places sur un même territoire.
En revanche, la dernière tête d’affiche de la NISA, les Oakland Roots, partiront pour l’USL l’année prochaine, une nouvelle qui vient d’être annoncée. Dans une interview pour Culture Soccer, les propriétaires avaient avoué avoir contacté l’USL, et même la MLS, en lançant la franchise et ne se placent donc pas dans la même logique anti-MLS/USL que les autres clubs précédemment cités. Les Roots ont réussi, en l’espace de deux ans, à créer un réel engouement dans la ville avec environ 4 000 personnes en tribunes lors des matchs à enjeux, une marque iconique et reconnaissable pour tout fan de soccer américain, ainsi qu’une communication qui rendrait jaloux certains clubs de MLS. Sur le terrain, les résultats ont été compliqués mais les Roots n’ont jamais eu peur de dépenser pour des joueurs d’expérience. Un départ vers l’USL n’est donc pas complètement surprenant pour Oakland qui a des ambitions que la NISA pourrait ne pas combler. C’est en tout cas un départ difficile pour la ligue, car la franchise faisait énormément parler d’elle et de la NISA dans les médias, grâce à son excellente communication.
Enfin, un petit mot pour le Stumptown Athletic qui avait annoncé, avec le 1904 FC, faire une courte pause pour mieux revenir. Contrairement au club de San Diego, Stumptown n’a pas l’air de revenir tout de suite. Les propriétaires ont annoncé que la pandémie avait durement impacté les finances du club et qu’ils attendraient la fin 2021, voir le début de l’année 2022, avant d’envisager un retour au niveau professionnel. Malheureusement pour la NISA, ce ne sera pas la première fois qu’un club quitte la ligue pour des raisons financières : en 2019, le Philadelphia Fury avait abandonné en cours de saison et Atlanta SC à la fin de l’exercice inaugural. Enfin, la ligue annonce depuis 2019 que des clubs arriveront à Charlotte et dans la région de Providence City à Rhode Island. Depuis plus d’un an, cependant, aucune annonce officielle n’a été faite.
Le Folklore est toujours là
La vidéo du New Jersey Teamsters FC, qui proclame vouloir devenir… « le meilleur club du monde » !
Les divisions américaines et, surtout, les échelons inférieurs, sont caractérisés depuis longtemps par un je-ne-sais-quoi (à prononcer avec l’accent américain) qui fait tout leur charme, un folklore qui donne la sensation que tout peut arriver dans ce monde étrange.
Un des exemples les plus récents se trouve dans l’effectif du New Amsterdam FC. Lors du premier match de la franchise, les internautes ont remarqué que le gardien Laurence Girard, qui venait d’entrer en jeu à la mi-temps – ce qui est déjà peu commun – est en réalité… le co-propriétaire de l’équipe. Ce dernier n’est pas totalement amateur, puisqu’il a officié chez les U18 des New York Red Bulls et en College Soccer, mais c’est peu commun de voir le propriétaire d’une équipe jouer en professionnel. Coïncidence ou non, il est d’ailleurs amusant de voir que le gardien titulaire, Aldo Munoz, est un ancien employé de Fruit Street Heath… la compagnie de Laurence Girard !
Une autre histoire amusante est celle du crowdfunding assez hâtif des New Jersey Teamsters, qui ne rejoindront pas la ligue avant l’année prochaine. L’équipe n’a que peu de certitudes sur sa saison 2021 mais a déjà annoncé son souhait de collecter… 3,1 millions de dollars en financement participatif. Une somme très importante pour un club qui en est à ses balbutiements et qui ne rassure pas sur ses états financiers. C’est tout le contraire du Detroit City FC, un club dont nous vous avons déjà parlé qui, au contraire, avait lancé une campagne de financement participatif des plus réussies. Detroit a vendu 10% de son capital à ses fans qui, pour 125$ par action, pouvaient devenir propriétaire du club. Le DCFC a ainsi récolté 1 181 603$ jusqu’à présent, grâce à 3 560 supporters, l’un d’entre eux étant même… Iggy Pop ! La légende du rock a investi un millier de dollars dans le club et a prêté sa voix à la vidéo de la campagne de financement : un beau geste en faveur du soccer populaire des échelons inférieurs.
La NISA a encore du chemin à faire avant de trouver la stabilité qu’elle espère. L’écart trop grand entre ses plus grandes franchises et celles venant des échelons inférieurs est un frein à son développement. C’est d’ailleurs ce qui a poussé le Miami FC, en 2019, et Oakland, cette année, à partir pour l’USL. Cependant, son modèle économique encourage justement à développer des partenariats avec des clubs régionaux, basés sur un soutien populaire local et qui ne peuvent pas s’offrir une place d’expansion en USL. Un équilibre est donc à trouver pour la NISA afin de rester compétitive tout en restant stable. Malheureusement annulée à cause de la pandémie mondiale, l’US Open Cup de l’année prochaine lui permettra de se frotter à des clubs d’USL Championship et de League One. Une belle opportunité pour prouver que le niveau y est bon et que la NISA n’existe pas seulement pour contester le monopole USL/MLS.
One thought on “Oakland Roots, New Amsterdam & Iggy Pop : Le fol été de la NISA”