Cet article a été écrit par Matthias Bertoncelli, fan inconditionnel de la Juventus de Turin et CM du compte Sonde Ta Juve sur Twitter.
Un coup de poker ou coup de génie ?
Le 29 août 2020, alors que le mercato estival bat son plein, le jeune Mckennie est annoncé par tous les médias italiens comme tout bientôt transfuge à Turin en provenance de Schalke 04. Une surprise qui en étonnera plus d’un à l’heure où la Juventus cherche à rajeunir son effectif et renouveler un secteur du terrain qui aura pêché durant la saison écoulée. Toutes les interrogations peuvent en effet être, sur le papier, de mise pour un joueur, certes, international mais qui n’est pas non plus une valeur reconnue du grand public et qui présente des statistiques plutôt très moyennes (91 matchs avec les allemands pour 5 buts toutes compétitions confondues).
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Alors qu’un certain Matuidi est parti en MLS du côté de Miami et que le métronome des dernières saisons Pjanic s’en est allé au Barça, la Juventus place donc ce qui s’apparente être un véritable coup de poker. Alors que le peuple bianconero, en grande majorité, s’attend à un retour de Pogba ou un investissement sur un jeune italien comme Tonali, la nouvelle réalité COVID dicte aussi son règlement implacable et dirige le mercato des champions en titre (9 fois d’affilée) vers les fondamentaux du scoutisme et du pari à prendre.
Car McKennie a une pièce à jouer peut-être davantage cette année que n’importe quelle autre. En effet, la pandémie a également joué son rôle en matière de projection hiérarchique. Car un grand entraîneur de renom cela se paye tout autant qu’un joueur, la Juventus fait aussi le pari du coach néophyte en la personne d’Andrea Pirlo. Originalement prévu pour diriger les U23, Pirlo sera finalement promu à l’équipe première quelques jours seulement après son officialisation au poste des moins de 23 ans. Un mini coup de tonnerre qui laissera aussi pantois bon nombre d’observateurs…alors que d’autres y verront le « nez » d’un président toujours plus conquérant et proactif.
McKennie a donc, lors de son arrivée, une vraie chance à jouer. Pirlo est plein d’idée et souhaite révolutionner le jeu à base de possession que prônait le sortant Sarri mais qui n’aura jamais réussi à poser son diagnostic de tacticien à cause d’une mentalité « du Sud » qui n’aura jamais pris racine dans un vestiaire d’anciens farouchement conservateur il faut le reconnaître. Mieux, Pirlo a voulu McKennie et l’idée viendrait de lui. Quand un Mister, jeune et plein d’envie, possède l’appui de sa direction et coche votre nom pour vous avoir dans son équipe quoi de mieux pour débuter une aventure ?
Une idée marketing, un vrai choix tactique
Le coup de poker est stratégiquement et économiquement presque parfait. Un moindre mal en cas de « flop » annoncé par les plus pessimistes en Italie, et il y en a une flopée car il faut dire que nul autre club que la Juventus ne cristallise et exacerbe autant les passions chez les médias transalpins, car Paratici, l’homme fort du mercato de la Juventus, a bien profité de la situation de pré-crise que vit Schalke 04. Les finances sont dans le rouge, il faut dégraisser. McKennie arrive alors sous forme de prêt payant (3.5 millions) assortit d’une option d’achat à 18 millions. Si l’histoire d’amour entre le jeune américain et la vieille dame venait donc à ne jamais se consumer, la Juve n’y aurait pas trop perdu en plumage.
Plus que cela, la Juventus n’est pas allé chercher McKennie pour rien. Le jeune texan n’est pas arrivé chez les bianconeri par hasard. Il fait aussi partie de rouages mercatique et d’une vague marketing « blanche et noire » qui veut éclabousser le marché américain en pleine face. Déjà, il est arrivé dans l’histoire de la Juve de sonder le terrain de l’oncle Sam en délocalisant des rencontres de Supercoppa italienne (vainqueur du championnat VS champion de la coupe d’Italie, par exemple à New York en 2003) ou en y effectuant sa tournée d’été lui servant de pré-saison (International Champion’s Cup). Le marché étasunien est grand, les probables recettes en conséquence, le soccer là-bas commence à y prendre forme et l’envie de devenir une équipe reconnue et appréciée du peuple américain fait aussi partie des fondements du choix McKennie. La Juventus a toujours été un club avant-gardiste, McKennie va lui servir de monnaie d’entrée, de blason.
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Mais plus que cela, la réalité du terrain aura eu tout de même son mot à dire également. McKennie arrive avec une vraie étiquette de joueur métronome capable de jouer tous les rôles au milieu du terrain. Une denrée rare. Joueur réputé hargneux, besogneux et physique sur l’homme, il possède ainsi toutes les qualités requises du célèbre et historique « soldat » que la Juventus apprécie grandement avoir dans son effectif et que les tifosi adorent. Définitivement, cette arrivée avait belle et bien l’air d’être un pari gagnant-gagnant pour tout le monde.
« Wingardium Leviosa », McKennie n’en fini plu de grandir et d’enchanter !
Et où en sommes-nous désormais ? La mi- saison italienne vient d’être franchie et les premiers constats s’effectuent déjà. McKennie n’a pour le moment pas déçu. Mieux, il est devenu en quelques mois un des chouchous de l’Allianz Stadium. Réactif, incisif et décisif, il est un savant mélange qu’on n’avait plus connu depuis Vidal et Davids avant lui du côté de la Juventus. Les comparaisons sont flatteuses mais méritées ! C’est dire l’impact qu’a eu le bon Weston en plus de sa bonne-humeur communicative sur et en-dehors du terrain. Les anciens du vestiaire l’ont bien vite pris sous leurs ailes, les médias, dans leur grande majorité, l’adorent tout autant.
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Joueur infiniment intelligent, il s’est en effet très vite totalement mué dans le schéma mis en place par le maestro Pirlo. Dans un milieu à 3 avec Arthur en meneur de jeu et Bentancur en sentinelle, McKennie a bien vite pris ses marques et peut jouir d’une certaine liberté qui lui permet de jouer à la fois trequartista/milieu offensif et mezz’ala/milieu récupérateur. Excellent pour s’engouffrer dans les brèches adverses et créer les décalages, il est aussi le meilleur milieu actuel de la Juve en terme de but (déjà 4 toutes compétitions confondues) et pas des moindres. Tous ses buts ont eu lieu lors de rencontres pionnières pour l’avenir des bianconeri. Une réalisation face au rival de Turin le Torino dans le célèbre Derby Della Mole, un autre face au grand AC Milan dans un match que les bianconeri ne devaient surtout pas perdre sous peine d’être relégués à 13 points, un autre face à Bologna ce week-end passé pour un match couperet qu’il fallait là encore absolument gagner pour recoller le trio de tête (Milan, Inter, Roma) ayant tous fait, ou presque, des faux-pas bienvenus. Enfin, un but splendide sur une action d’école face au Barça en Champion’s League, a montré la voie à une Juventus condamnée à vaincre avec 3 buts d’écart les catalans afin de leur ravir la 1ère place (victoire 0-3).
McKennie a depuis le mois d’août déjà bien grandi. L’école tactique italienne et la rigueur des entraînements lui ont déjà fait un bien fou. Il apparaît encore plus complet et surtout beaucoup plus réfléchi qu’en début de saison. Pirlo semble en tous cas avoir trouvé sa tactique après avoir un moment balbutié sur un milieu à 2 n’exacerbant pas totalement les grandes qualités de l’américain et bridant ses capacités de marqueur. Désormais, McKennie fait l’unanimité. C’est dire, tellement que la Juventus songe d’ores et déjà à lever son option d’achat et blinder contractuellement son joyau. S’il continue sur cette formidable lancée, le futur de McKennie s’annonce radieux et ce sont tous les espoirs des tifosi bianconeri qui se mettent à rêver, avec lui et à l’unisson, des plus grands rêves proscrits… comme d’une victoire en Europe qui échappe à la Juventus depuis 25 ans.