C’est un des paradoxes de cette équipe états-unienne qui s’apprête à débuter la phase de qualification pour la Coupe du Monde 2022 vendredi prochain. L’USMNT n’a jamais eu autant de bons joueurs dans son groupe, le tout dans des clubs renommés comme Chelsea, le FC Barcelone, la Juventus ou le Borussia Dortmund. Pourtant, l’équipe connaît une lacune de taille : la question de son avant-centre titulaire. Depuis les blessures à répétition de Jozy Altidore, l’attaquant du Toronto FC n’est plus la valeur sûre à ce poste en sélection, alors qu’il a longtemps été inamovible au sein du onze de départ. À bientôt 32 ans, ses dernières sélections remontent à la Gold Cup 2019 et le sélectionneur Gregg Berhalter ne semble plus vouloir le réintégrer dans le groupe. La porte est donc grande ouverte depuis deux ans et, malheureusement, personne ne semble assez costaud pour une des rares places qu’il reste à prendre dans cette équipe.
Pour Berhalter, le numéro neuf doit être bien plus qu’un simple renard des surfaces. Il doit pouvoir être le premier des défenseurs, presser sans relâche et combiner lors des phases de transition avec les ailiers rapides que sont Christian Pulisic, Giovanni Reyna, Brenden Aaronson, etc. Il ne reste plus que la phase de qualification pour la Coupe du monde pour trouver un titulaire à l’avant et pour les couleurs des Stars and Stripes au Qatar. Passage en revue des principales options.

Le Favori : Josh Sargent (Norwich City, Premier League), 16 sélections, 5 buts
C’est une drôle de saison 2020-21 qu’a connu celui qui a signé professionnel à l’âge de 18 ans avec le Werder Brême. Avec le club allemand, il a expérimenté les difficultés d’un attaquant qui joue dans un club qui lutte pour le maintien. Titulaire à 32 reprises en Bundesliga à seulement 21 ans, il marqua seulement 5 buts mais son temps de jeu fut divisé entre le poste d’avant-centre et celui d’ailier. Son plus grand problème résidait dans le style résolument défensif qu’avait adopté le Werder l’an passé, ce qui n’aidait pas Sargent à se montrer et qui se solda par une relégation en 2. Bundesliga. Cependant, c’était tout de même assez pour être transféré pour 9.5 millions d’euros en Premier League, du côté de Norwich City. Une somme conséquente pour un jeune attaquant aux maigres statistiques mais qui montre que Norwich tenait à lui. S’il n’est pas titulaire pour le moment avec les « Canaries », Sargent est déjà entré en jeu à deux reprises cette saison en championnat.
Le problème est qu’il a quitté un club de bas de tableau en Bundesliga… pour un autre en première division anglaise. Certes, la Premier League offre une plus grande exposition mais il n’est pas certain que Norwich joue un football plus attractif que Brême. Le club anglais a de grosses lacunes et semble quasiment voué à redescendre en Championship, comme en témoignent les huit buts encaissés lors des deux premières rencontres de championnat face à Liverpool et Manchester City, même si ces deux équipes sont de grosses écuries de la ligue. Heureusement, Sargent a réussià démontrer son habileté lors de sa première titularisation (en Coupe face à Bournemouth) avec un doublé.
Cette saison à Norwich est donc un sacré pari pour Sargent. En sélection, il est le titulaire par défaut : tant que personne n’impressionne plus que lui, il sera partant. Il effectue bien les tâches défensives que lui demande Berhalter tout en restant discret statistiquement avec 5 buts en 16 sélections. C’est pourtant bien lui qui a été titulaire en juin contre le Mexique en finale de la Nations League, signe que Berhalter lui fait toujours énormément confiance. Mais s’il n’arrive pas à s’imposer en Premier League, il est probable que l’entraîneur américain se tournera vers un autre joueur plus en confiance…

L’Expérimenté : Gyasi Zardes (Columbus Crew, MLS), 62 sélections, 14 buts
Cet autre joueur serait possiblement Gyasi Zardes. C’est un des pions indéboulonnables de Gregg Berhalter, quasiment appelé à chaque rassemblement de l’USMNT, même si c’est plus souvent pour jouer les doublures que les 90 minutes à ce poste d’avant-centre. L’ancien joueur du Los Angeles Galaxy connaît une réelle renaissance depuis son arrivée au Columbus Crew en 2018, remportant le prix de « Comeback Player of the Year » cette même année puis la MLS Cup l’an passé. Gyasi Zardes n’a que 29 ans mais connaît bien l’équipe nationale. Sa première sélection avec l’USMNT date de 2015 et il n’a jamais vraiment quitté l’équipe A depuis. L’arrivée de Gregg Berhalter à la tête des États-Unis lui a d’ailleurs fait un bien fou puisqu’il le connaît bien, pour avoir évolué sous ses ordres à Columbus en 2018.
De fait, Zardes correspond parfaitement au style de jeu que Berhalter veut implémenter : rapide, bon passeur et efficace dans le pressing, malgré des contrôles de balle souvent raillés et parfois peu précis. S’il n’était pas du groupe pour la Nations League (composé en grande partie de joueurs évoluant en Europe), Zardes s’est affirmé pendant la Gold Cup cet été où il a inscrit deux buts et a écarté la concurrence de Daryl Dike.
Outre le fait que Zardes ne soit pas le plus technique des attaquants, il manque également de glamour. Un peu à l’image d’un Olivier Giroud en France, les fans lui préfèrent des jeunes qui ont joué en Europe, comme Sargent ou Dike, et qui sont plus un symbole d’avenir. Son début de saison, à l’image de celui du Columbus Crew, est également médiocre avec 4 buts en 14 matchs mais, surtout, une position peu enviable au classement et, l’heure actuelle, en dehors des places qualificatives pour les séries éliminatoires. Il faudra donc une méforme des plus jeunes attaquants ou un réel sursaut en MLS pour qu’il s’impose comme le premier choix en attaque, surtout qu’il est actuellement blessé et ratera donc les premiers matchs de qualification.
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Le Challenger : Daryl Dike (Orlando City, MLS), 8 sélections, 3 buts
Les chances de l’attaquant d’Orlando City se sont amenuisées depuis la Gold Cup cet été. Le puissant américain avait été la révélation de l’année dernière en MLS avec une belle saison (sa première en professionnel puisqu’il est issu de la Superdraft 2020 !) à 8 buts en 17 matchs. Il avait ainsi attisé les convoitises européennes jusqu’à partir en prêt dans une équipe de Championship, Barnsley. Tout comme Sargent, Dike est entré dans une équipe qui n’est pas connue pour son style de jeu léché, mais, contrairement à son compatriote, il aura parfaitement trouvé sa place, inscrivant 9 buts en 19 rencontres et permettant à son club de participer aux play-offs pour la promotion en Premier League ( sans succès).
Après ce prêt en Angleterre, on pensait l’attaquant promis à un bel avenir alors que de potentielles offres de Premier League trouvaient écho dans la presse, notamment de la part d’Everton. Il n’en fut concrètement rien et Dike partit donc à la Gold Cup comme un joueur d’Orlando, mais avec de grands espoirs. Son profil physique et son expérience en Europe en firent rapidement un chouchou des fans qui, en l’absence de Sargent, voulurent le voir débuter en pointe lors du tournoi estival. Un mois plus tôt, il débuta en amical contre le Costa-Rica et inscrivit son premier but sous le maillot de l’USMNT mais, le tournoi suivant fut plus compliqué. Remplaçant pour le premier match, il débuta le second face à la Martinique et inscrit un doublé. Malheureusement, il fut moyen lors du match suivant face au Canada et, malgré la confiance de Berhalter, il ne fut pas plus efficace en quarts contre la Jamaïque et en demi-finale face au Qatar. C’est donc en finale, contre le Mexique, qu’il redevint remplaçant sans rentrer en jeu et en laissant Gyasi Zardes performer.
Blessé, il n’a pas rejoué depuis et il devrait être absent pour les prochains matchs d’Orlando et des États-Unis. Mais Dike est à un moment charnière de sa carrière et il devra bien rebondir en deuxième partie de saison avec les Lions pour espérer repartir en Europe dès cet hiver. Son premier prêt a montré ses capacités, sa force et sa vitesse et ce coup d’arrêt ne doit pas le décourager. Pour le moment en tous cas, sous le maillot américain, il ne semble pas être plus qu’une solution de secours entre Sargent et Zardes.
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L’Outsider : Jordan Pefok (Young Boys, Super League, Suisse), 6 sélections, 1 but
Jordan Pefok (que l’on appelait avant Siebatcheu, mais qui a récemment changé de nom) est la valeur la moins connue de cet article. Ce n’est pas l’attaquant le plus virevoltant ou le meilleur dribbleur mais c’est un joueur qui vise les meilleures places du championnat suisse et qui va participer à la Champions League cette année !
Pefok est arrivé tardivement sous les radars des États-Unis. Formé à Reims en France, un club qu’il a rejoint à seulement sept ans, il a fait ses débuts en Ligue 1 en janvier 2015 à l’âge de 18 ans. Sa première vraie saison sera encourageante avant un prêt en 2016 à Châteauroux, en National (troisième échelon français), où il inscrira 10 buts en 15 matchs. Il reviendra l’année suivante à Reims en Ligue 2 pour inscrire 17 buts dans la saison et obtenir ainsi un transfert au Stade Rennais, pour 9 millions d’euros. C’est à ce moment-là que l’on commença à entendre parler de lui outre-Atlantique mais le numéro 9 avait également des pistes en France, ayant joué dans l’équipe nationale espoirs. Cependant, les deux saisons à Rennes ne se passeront pas comme prévu où il sera, au mieux, un joueur de rotation. En septembre 2020, il part donc pour Berne y rejoindre les Young Boys en prêt et, en inscrivant 12 buts en 32 matchs, il convainc les dirigeants de lever l’option d’achat qui s’élevait à 2,5 millions d’euros. C’est également cette saison-là qu’il fit ses débuts en USMNT, en mars face à la Jamaïque, avant de participer également à la Nations League. Il marqua l’unique but des demi-finales, en rentrant en jeu en fin de match, face au Honduras.
Son style de jeu est peut-être plus ressemblant à celui de Zardes : un attaquant rapide, qui fait de très bons appels dans le dos des défenses ou qui les occupe avec ses mouvements, tout en finissant quand il le faut dans la boîte et en étant dangereux sur coups de pied arrêtés. À 25 ans, c’est une bonne solution pour changer la tactique en cours de match mais le niveau du championnat suisse l’empêche peut-être de prendre le poste d’avant-centre titulaire.

Le Nouveau : Ricardo Pepi (FC Dallas, MLS), 0 sélection
Pepi est le grand espoir du dernier groupe de joueurs de Gregg Berhalter, choisi le jeudi 26 août dernier pour les premiers matchs de qualification à la Coupe du Monde 2022. En 1 300 minutes de MLS cette saison, le jeune américano-mexicain a déjà marqué 9 buts, à seulement 18 ans. Des statistiques (mais pas que !) qui expliquent pourquoi l’attaquant du FC Dallas était également courtisé par le Mexique. Certes, à moins de 21 ans il pourrait encore changer de sélection avant son quatrième match, signifiant qu’il pourrait jouer les trois matchs de cette fenêtre internationale avec l’USMNT puis ensuite partir pour El Tri dans trois ans. Cela paraît tout de même improbable, surtout qu’il a expliqué son choix avec une grande empathie sur Twitter.
C’est un joueur que Culture Soccer a gardé à l’œil depuis longtemps, notamment grâce à notre reporter de l’USL League One (D3) en 2019, Léo Willemin, qui l’avait déjà remarqué alors qu’il n’avait que 16 ans. Depuis, il n’a fait que l’unanimité au sein du FC Dallas en montant progressivement les échelons et en se battant face à des joueurs désignés (au grand dam de Franco Jara) pour sa place.
La concurrence entre Sargent, Dike et Pefok explique son absence des groupes pour la Nations League et la Gold Cup ainsi que son hésitation entre le Mexique et les États-Unis. Mais Pepi apporte clairement une intelligence tactique surprenante pour un jeune de 18 ans, surtout dans la boîte où son sens du mouvement lui permet de créer des décalages bien sentis. Il a encore du progrès à faire, mais c’est un joueur qui pourra profiter des trois prochains matchs pour s’assurer, au moins, d’être une doublure récurrente de Josh Sargent.

Le Virevoltant : Matthew Hoppe (RCD Majorque, Liga), 5 sélections, 1 but
Matthew Hoppe est apprécié par Gregg Berhalter, mais il a moins de chance que les cinq premiers joueurs de faire partie de ce groupe en tant qu’avant-centre. Pourtant utilisé à ce poste à Schalke 04 la saison dernière, le sélectionneur préfère le faire jouer sur l’aile, comme Tim Weah ou Jordan Morris avant lui.
2021-2022 sera une saison charnière pour le jeune attaquant de 20 ans. Après une bonne année à Schalke, ponctuée notamment par un triplé en janvier, le club allemand est tout de même descendu en deuxième division et Hoppe a dû attendre les dernières minutes du mercato pour ne pas se morfondre en deuxième division allemande. Atterré par sa situation, il n’a plus joué un match professionnel depuis la finale de la Gold Cup avec les États-Unis le 1er août dernier. C’est d’ailleurs pendant cette compétition qu’il s’est révélé aux yeux des fans américains en jouant quasiment tous les matchs et en débutant lors des quarts, de la demi-finale et de la finale remportée face au Mexique. Heureusement, le 31 août dernier, il sera finalement transféré à Majorque, un club promu en Liga et qui connaît un super début de saison.
Son style de jeu lui a valu de nombreuses comparaisons à Clint Dempsey, tant il est facile sur le ballon, porté vers le dribble et habile dans le tir. Malheureusement, sûrement dû à sa jeunesse, Hoppe a du mal à effectuer le bon choix et s’enferme trop souvent dans le dribble inutile. De plus, sa situation en club ne lui a pas permis d’être appelé en sélection mais s’il s’impose à Majorque, nul doute qu’il retrouvera le maillot des États-Unis. Reste à savoir si ce sera comme numéro 9 ou comme ailier.

L’Inconnue : Nicholas Gioacchini (Montpellier HSC, Ligue 1), 8 sélections, 3 buts
Nicholas Gioacchini n’est pas un inconnu, mais plutôt une inconnue pour la sélection. Né à Kansas City, jouant ses premiers matchs à Parme puis de retour aux Etats-Unis lors de son adolescence à DC United avant de repartir, une nouvelle fois, en France pour sa formation, il n’a pas eu un parcours facile. Finalement, sa formation s’est faite au Paris FC puis à Caen, où il y a effectué ses deux saisons en 2019 et 2020 en Ligue 2.
Ce n’est pas un inconnu car les fans américains l’observent depuis deux ans. Lancé dans le grand bain de la Ligue 2 dès 2019 suite à une cascade de blessures, il s’est parfaitement adapté au championnat avant de devenir un titulaire important pendant la saison 2020. Seul bémol, il fut principalement utilisé sur l’aile alors qu’il préfère l’axe. Rapide, Gioacchini aime dépasser les défenseurs dans leur dos, créer des décalages et il est souvent en position de buts, même si sa finition laisse parfois à désirer. Ses trois buts inscrits en sélection sont des vraies réalisations de renard des surfaces, souvent à moins de deux mètres des cages et à la réception de bons centres.
Mais Gioacchini reste une inconnue car sa situation en club risque d’être compliquée. En passant de la Ligue 2 à la Ligue 1, il a indéniablement passé un cap, mais cela semble plus justifié par son apport en sélection qu’en club. Trop souvent sur l’aile à Caen, il aura été moins convaincant que pendant ses huit matchs avec l’USMNT. En arrivant à Montpellier (en prêt, avec une option d’achat de deux millions d’euros), il aura la lourde tâche de remplacer le duo si performant Andy Delors – Gaëtan Laborde avec Valère Germain, une autre recrue estivale. Les fans ne seront pas tendres si les résultats ne sont pas là et Gioacchini joue cette saison sa place en Ligue 1, mais également en sélection.
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