En 2022, la Major League Soccer va renégocier ses contrats télévisés pour la première fois depuis 2014. Avec la Coupe du Monde 2022 et surtout, l’édition 2026 jouée aux Etats-Unis, au Mexique et au Canada, la ligue veut se servir de ces enjeux et de sa montée progressive en popularité dans un nombre croissant de marché pour obtenir un excellent accord financier. La question des revenus télévisés est clef pour la diversification de ses recettes et pour son avenir, si elle veut se rapprocher des meilleures ligues professionnelles dans le monde.

Une question épineuse pendant son histoire
Pendant 10 ans, de 1996 à 2006, la MLS ne recevait rien en échange de la retransmission de ses matchs, seulement un partage des recettes publicitaires liées aux matchs. C’est en 2006 qu’un premier accord a été signé avec ESPN et Fox pour 12.7M$/an, suivi d’un autre à 27M$/an et enfin, l’actuel signé en 2014 et portant jusqu’à la fin de l’année 2022.
Ce dernier est actuellement de 90M$/an. En 2014, c’était un chiffre important pour la ligue qui avait plus que triplé ses droits télévisés, grâce à 75M$ venant d’ESPN et Fox et 15M$ supplémentaires venant d’Univision, pour la diffusion en espagnol. A cela, on peut également rajouter les 15M$ annuels (estimation) que payent les deux diffuseurs canadiens, l’anglophone TSN et le francophone TVA Sports. Cependant, la MLS a fortement changé depuis 2014 et souhaite dorénavant toucher bien plus que cette somme dans le futur.
C’est actuellement ESPN qui diffuse la majorité des matchs, et la chaîne alterne avec Fox pour la diffusion des rencontres All-Stars et la MLS Cup. Les deux chaînes partagent également les matchs de l’équipe nationale masculine et féminine américaine, qui étaient inclus dans le « paquet » de la diffusion de la MLS en 2014.
La pandémie du Covid-19 a montré à quel point une source majeure de revenus en MLS, la billetterie, était une variable qui était difficile à planifier. Malgré des accords de sponsoring et de naming pour les stades en hausse, la MLS a beaucoup perdu en 2020, autour d’un milliard de dollars selon Don Garber. La saison 2021, malgré une bonne reprise, n’est pas non plus revenue au niveau pre-coronavirus.

Des chiffres encourageants
La MLS est en droit de s’attendre à une augmentation des droits télévisés pour la prochaine période. Les audiences sont clairement en hausse : la fin de saison 2021 était plutôt bonne, avec une finale réunissant 1.14 millions de téléspectateurs sur ABC (chaîne mère d’ESPN), avec un pic de diffusion à 1.6 millions. Le tout avec une finale sacrant le NYCFC face à Portland, qui a gardé une part de spectacle avec de nombreux retournements mais qui n’opposait pas deux marchés gigantesques. A New-York, le City FC a du mal à intégrer l’énorme paysage sportif et au contraire, à Portland les Timbers sont partout localement mais le marché télévisé est minime. La finale a donc tout de même réussi à attirer plus de téléspectateurs qu’en 2020 (1.07 millions sur Fox) et surtout qu’en 2019, année non-perturbée par la pandémie et où la MLS Cup n’avait attiré que 825 000 téléspectateurs, soit une augmentation de +38% en deux ans.
La MLS peut également revendiquer sa meilleure audience hors MLS Cup depuis 2004 lors des playoffs 2021. La diffusion du match opposant les Colorado Rapids aux Portland Timbers a été suivie par 1.8 millions de téléspectateurs lors de Thanksgiving, une audience qui rivalise avec celle d’Avril 2004, lorsque Freddy Adu faisait ses débuts avec DC United face à San José à 14 ans, un match qui avait réuni près de 2 millions de téléspectateurs.
Les 31 matchs diffusés sur ESPN font également mieux, en moyenne, que ceux diffusés en 2020, passant de 235 000 en moyenne à 276 000. Fox a également annoncé une augmentation de 4% de ses audiences pour la MLS en un an. Des audiences également en forte hausse sur les chaînes hispanophones Univision ainsi qu’au Canada.

Un produit pour le 21e siècle
La MLS mise également sur un package média différent de celui de 2014. Don Garber, le Commissaire de la ligue, a maintes fois fait référence au besoin de vendre des droits télévisés « adaptés au paysage médiatique du 21e siècle ». Tout comme la Formule 1 a su le faire sur Netflix, la MLS veut créer des contenus documentaires et des lignes narratives pour fidéliser son audience. Elle pourra également s’appuyer pour cela de la MLS Next Pro, la troisième division que la MLS lance en 2022 et qui sera peu ou prou une ligue réserve et de développement pour les joueurs des franchises. Les droits de cette dernière seront inclus dans ceux négociés pour 2022.
C’est également un paysage différent que les diffuseurs pourront s’offrir en 2022. Lors de la dernière négociation en 2014, il n’y avait que 20 équipes (ou 20 marchés, pour parler comme les diffuseurs). En 2022, la ligue en comptera 28 avec l’arrivée de Charlotte, qui constitue un vivier important. Depuis 2014 donc, c’est à New-York, Orlando, Los Angeles, Minnesota, Atlanta, Cincinnati, Miami, Nashville, Austin et Charlotte que la ligue s’est implantée ou consolidée, sans parler de Saint-Louis et (probablement) Las Vegas qui devraient rejoindre la MLS avant la Coupe du Monde 2026. Des marchés attrayants et donc, plus de matchs et de possibilités d’audience.
Les 28 franchises de MLS n’auront également plus le droit aux local rights, ces accords avec des diffuseurs locaux. Ces derniers étaient utiles pour fidéliser les audiences dans la ville-même mais créait des « blackouts » : un supporter situé à New York, abonné à ESPN, ne pouvait pas voir le match de NYCFC sur la plateforme de la chaîne s’il était diffusé localement. Il ne pouvait suivre que ceux des autres marchés, créant de nombreuses frustrations, même si le but premier était d’attirer les gens aux stades. La popularisation des VPNs ayant changé la donne, les blackouts devraient s’arrêter avec la fin de local rights en 2023. Cela permettra également à la ligue de contrôler l’intégralité des diffusions.

La MLS reste secondaire aux Etats-Unis
Selon les dernières rumeurs apparues dans les médias américains, la MLS aimerait plus que tripler les montants de diffusions américains, pour les amener proche des 300M$ annuels. Un rêve peut-être trop ambitieux pour la ligue qui malgré des bons résultats, a toujours du mal à s’inscrire durablement dans le paysage sportif américain.
Par exemple, la comparaison des (bons) chiffres de la MLS en 2021, avec sa moyenne de 276 000 spectateurs sur ESPN et 284 000 sur Univision palissent en comparaison de la Premier League. NBC Universal arrivant à 414 000 téléspectateurs en moyenne la saison dernière et NBC Sports a annoncé que pour la saison en cours, les audiences étaient de 609 000 téléspectateurs en moyenne. Les droits ont d’ailleurs été bien plus chèrement payés, autour de 2.7 milliards de dollars sur 6 ans. Du côté de la Liga MX, la ligue la plus suivie aux Etats-Unis, les audiences sont pareillement toujours aussi bonnes : la dernière finale de championnat a été suivie par plus de 3 millions de téléspectateurs. C’est sans parler de la concurrence des autres ligues sportives aux Etats-Unis, comme la NFL, qui a vendu pour 100 milliards de dollars ses droits entre 2023 et 2033 à Amazon, CBS, Fox, ESPN et NBC.
Comme indiqué auparavant, l’accord de 2014 avait également été un franc succès pour la ligue, avec les 90M$ annuels, mais il incluait les rencontres de l’USMNT et l’USWNT. Or pour les prochaines négociations, la Fédération américaine a décidé de ne plus négocier avec Soccer United Marketing, la branche commerciale de la MLS. C’est une perte pour la MLS dans la négociation des droits télévisés, puisque les équipes nationales regagnent en popularité, en particulier les hommes, avec la Coupe du Monde 2026 à l’horizon.

La Leagues Cup peut tout changer
La MLS a parfaitement compris l’attrait de la Liga MX et en joue énormément via sa coopération avec le championnat mexicain. Tout cela s’organisait autour d’une coupe, la Campeones Cup, opposant les champions des deux championnats, mais surtout la Leagues Cup, qui oppose quatre clubs (choisis parmi les non-qualifiés en Ligue des Champions) de chaque championnat dans un mini-tournoi à Las Vegas.
Les deux initiatives ont plutôt été un succès et la MLS a décidé d’étendre considérablement la Leagues Cup à partir de 2023, dans un tournoi dont les droits TV seront inclus dans l’accord négocié en 2022. La Leagues Cup se jouera maintenant sur un mois, en été, et inclura l’intégralité des clubs de Liga MX et de MLS. Un super-tournoi régional qui attirera les fans de 47 clubs différents et qui devrait augmenter les audiences télévisées. C’est une compétition clairement modelée pour cela, dans une saison où les autres compétitions sportives américaines sont au ralenti et qui permettra de rivaliser avec les tournois continentaux européens et sudaméricains.
Ce nouveau tournoi, qui devrait incorporer presque une centaine de matchs et qui arrêtera le temps d’un mois les deux championnats nordaméricains, sera un atout clef pour la négociation des nouveaux droits télévisés.

Don Garber et son administration le savent : les années menant à la Coupe du Monde 2026 vont être fondamentales pour que la MLS gagne en importance. Les franchises sont pour le moment trop dépendantes en sponsoring et en billetterie pour leurs revenues et restent, pour la majorité d’entre elles, déficitaires. La renégociation des droits télévisés, comprenant cette fois-ci non pas les sélections nationales mais la MLS Next Pro et surtout, la Leagues Cup, est essentielle pour gagner en importance sur le continent nordaméricain mais également pour concurrencer les compétitions européennes.