Cela fait deux ans que je n’ai pas écrit sur un des sujets les plus passionnants de la Major League Soccer : les expansions. Je l’ai pourtant fait à maintes reprises : en 2021, lorsque Sacramento a raté le coche, en mai 2019, lorsque les premières indications d’une expansion à St. Louis étaient observables, en même en 2018, lors de l’annonce de Cincinnati. Si vous vous replongez dans ces articles, vous verrez un fil rouge toujours présent : un questionnement plus profond sur l’avenir de la ligue.
S’arrêtera-t-elle à 30 ou à 32 équipes ? Y verrons-nous un jour une promotion-relégation ? Comment continuer à séduire de nouveaux marchés ?
Don Garber, le patron de la MLS, en a brièvement parlé au State of the League 2023, discours annuel couvrant divers sujets de la ligue, assez pour répondre à certaines des questions posées mais aussi pour en soulever des nouvelles.

Le développement du soccer aux Etats-Unis.
Les images du premier match de l’histoire du St Louis City SC, le 25 février 2023, ont montré que de nombreuses villes aux Etats-Unis ne demandaient qu’à recevoir une place en MLS pour développer une fanbase passionnée. Plus de 20 000 spectateurs y ont déployé un tifo magnifique autour des tribunes, avant de se laisser prendre par la liesse qui a suivi cette belle victoire 3 à 0.
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L’intérêt des Américains et des Canadiens pour le ballon rond n’a jamais été aussi fort, poussé par l’arrivée de la Coupe du Monde 2026 sur le continent. Même si la MLS n’a pas forcément réussi à convaincre tous les fans de supporter une équipe dans sa ligue, le développement des programmes télé autour de la Premier League, la Liga MX, la Champions League et même des clubs de divisions inférieures (Wrexham, on pense fort à toi) montre qu’il y a du potentiel pour augmenter le nombre de fans. Même une série mettant en avant un entraîneur de soccer, Ted Lasso, a réussi à attirer l’attention des non-initiées au ballon rond, raflant au passage 4 Emmy Awards.
Cet engouement a pris de l’ampleur dans les ligues américaines : la MLS a donc récemment accueilli une nouvelle équipe à St Louis, mais des récentes expansions augmentent également le nombre de franchises en NWSL (la première division féminine, qui compte 12 équipes), en USL Championship (deuxième division masculine, 24 équipes), en USL League One (troisième division, 12 équipes) et même en NISA (autre troisième division, 9 équipes) tandis qu’au nord, la Canadian Premier League se stabilise saisons après saisons et compte désormais 8 clubs.

2023, année charnière pour la MLS
Au milieu de tout cela, on retrouve la MLS. La première division américaine a donc accueilli sa 29e franchise en 2023, dans une année qui s’annonce historique. C’est la première saison qui est couverte par le nouvel accord entre Apple TV et la MLS (pour une durée de 10 ans), dans un nouveau contrat ambitieux. C’est également le lancement de la Leagues Cup, une nouvelle compétition entre les clubs de MLS et de Liga MX, qui permettra à la MLS de profiter de la popularité des équipes mexicaines pour accroître son audience.
Avec St Louis City SC, 2023 marque la 7e saison consécutive d’expansion. C’est cette année que Don Garber, de son propre aveu, aimerait dévoiler l’identité de la 30e franchise de MLS. Pendant longtemps, l’idée de s’arrêter à 30 franchises était un fait établi dans le discours de Garber. Si le boss de la MLS atténue ses propos récemment, il reste que cette 30e franchise devrait être la dernière pendant un temps ; un facteur qui devrait faire monter les prix de cette place. Charlotte avait payé son accession à la ligue 325 millions de dollars en fin d’année 2019. Don Garber n’a pas souhaité s’exprimer sur un montant (« ce sera plus que le prix payé par Charlotte, mais je ne peux rien confirmer »), mais celui-ci devrait approcher les 500 millions de dollars.
Dans son discours, le Commissaire a comme à son habitude mentionné quelques noms, un « namedropping » qui donne souvent des indications précieuses (même si parfois traîtres, n’est-ce pas Rochester et Sacramento ?) : « Je pense que San Diego et Las Vegas sont les meilleures opportunités pour cette trentième place ; mais nous n’avons pas d’équipes à Phoenix, à Sacramento, à Detroit, d’autres gros marchés dans notre pays. Tampa [Bay] en est un autre ».
Voilà donc les deux prétendants : San Diego et Las Vegas. Passons aux présentations.

Las Vegas, un dossier favori qui n’avance pas
Dans son discours, Don Garber a semblé mettre San Diego en avant, plus que Las Vegas. C’est assez étonnant, quand on compare à son State of The League 2022, où il disait pourtant que « Las Vegas était plus proche que jamais » d’entrer en MLS.
Sauf que depuis, même si les discussions restent actives, Las Vegas ne paraît pas avoir fait des efforts conséquents. Le groupe de potentiels propriétaires, mené par Wes Edens et Nassref Sawiris, qui possèdent notamment Aston Villa, discutent avec la ville d’un sujet toujours épineux : le stade. Selon les médias locaux, ils auraient récemment réussi à avoir un accord pour un stade de 25 000 à 30 000 places, proche du Las Vegas Boulevard. Ce ne sont pas les premiers à essayer d’amener la MLS à Las Vegas, des tentatives déjà infructueuses ont été lancées en 2014 et 2017, mais les récents succès populaires – quoique surtout financiers – des Knights en NHL (hockey) et des Raiders en NFL (football américain) ont montré que Las Vegas pouvait être une ville de sports, un qualificatif pas évident aux premiers abords tant les spectateurs sont souvent des touristes, à qui s’offrent une pléthore de choix d’entertainment. La législation progressive sur les paris sportifs aux Etats-Unis apporte un autre argument de poids pour la Sin City, ainsi que la popularité du Lights FC en USL Championship.
Cependant, le groupe comptait un temps sur la présence financière de Bill Fooley, un homme d’affaire puissant de la région qui possède notamment les Knights. Ce dernier a préféré investir en Premier League, au sein de Bournemouth, un choix qu’il a qualifié être « une affaire », puisque lui économisant les 500M$ d’expansion et la construction d’un stade, dans une ligue établie. Le stade de Las Vegas, par ailleurs, devrait coûter extrêmement cher, puisque les températures pousseraient à la construction d’un « dôme ». Avec l’arrivée de la NHL, de la NFL, celle envisagée de la MLB (baseball) et même de la Formule 1 en 2023, nombreux pensent d’ailleurs que la ville devient un marché saturé.
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San Diego, un marché qui séduit
Avantage, il semble, à San Diego. Situé au sud des Etats-Unis, San Diego a longtemps été un outsider pour la course à l’expansion. Candidat en 2014 et en 2016 sous la structure de la franchise de baseball locale, les Padres (MLB), San Diego a toujours paru être un marché moins important que Las Vegas, Phoenix ou Detroit aux yeux de la MLS. La faute à d’autres franchises en Californie (San José, deux équipes à Los Angeles et fut un temps, une programmée à Sacramento) ainsi qu’à une taille finalement relative face à d’autres prétendants. Néanmoins, le départ des Chargers (NFL) vers Los Angeles et un nouveau stade construit par la San Diego State University allait donner de nouveaux arguments pour la ville, qui a depuis accueilli un club de USL Championship, le San Diego Loyal, co-propriété de (et entraîné par) Landon Donovan, autrefois promoteur de l’idée d’une équipe en MLS.
Il faut encore qu’une possible équipe MLS ait l’accord pour s’installer dans le SnapDragon Stadium de l’université ouvert en août 2022 et qui avoisine les 35 000 places. Le stade est l’hôte de l’équipe de football américain universitaire, les Aztecs, d’une équipe de Rugby locale (le Legion) et fut aussi discuté comme une possible enceinte pour le Loyal lorsque son stade deviendra trop étroit. Plus intéressant encore, c’est là où joue le San Diego Wave FC, équipe féminine de soccer (en NWSL) où évolue notamment Alex Morgan, une équipe qui a réussi à battre des records d’affluence lors de sa première année d’existence. De bon augure pour une future franchise de MLS puisque dans sa conférence de presse, Don Garber a loué le développement du Loyal SC, du Wave FC et du SnapDragon stadium, malgré son manque de toit qui peut rendre l’expérience en après-midi caniculaire (même si ça n’a jamais été un problème pour le FC Dallas). Selon le San Diego Tribune, un groupe de propriétaires est actuellement en montage autour du milliardaire égyptien Mohamed Mansour et de Sycuan, un groupe de casino de San Diego.

Au-delà de la 30e expansion, d’autres marchés à conquérir
Le rythme effréné des expansions de ces dernières années prouve une véritable plus-value à l’adhésion de nouvelles équipes. Elles sont 9 à avoir rejoint la ligue depuis 2019 et il semble que la MLS pourrait arriver dans de nombreux autres territoires, vu la popularité grandissante du sport aux Etats-Unis.
C’est peut-être pour cela que le Commissaire Don Garber a cité quelques villes américaines, Tampa, Phoenix, Detroit ou Sacramento. Il l’a rappelé dans son discours : à 12 équipes, les fans avaient du mal à imaginer une MLS à 14. « Aujourd’hui, nous disons que nous nous arrêtons à 30, mais les autres ligues majeures sont plus grandes que ça. Il ne faut jamais dire jamais », a-t-il rajouté.
Pour Sacramento, la situation relève de la mission impossible. Malgré l’un des publics les plus passionnés de l’USL Championship, où ils ont commencé à jouer en 2014, le Republic est maintenant dans une situation compliquée. Le club s’était vu offrir une place en MLS aux côtés de St Louis City, mais l’actionnaire Ron Burkle a rétropédalé sur ses engagements et retiré ses cruciaux milliards du projet après la pandémie. Sacramento a donc perdu son statut de future équipe et il leur faudrait un nouveau milliardaire pour retrouver une chance d’arriver en MLS, après cet échec cuisant. L’arrivée possible de San Diego, qui deviendrait déjà la quatrième franchise en Californie, compliquerait encore plus les possibilités de voir le Republic en MLS. En effet, une priorité pour la MLS a toujours été de « remplir la carte » des Etats-Unis et pour cela, les plans de Detroit ou Phoenix semblent plus cohérents.
Detroit est, sur le papier, un territoire parfait pour la MLS. En 2011 déjà, un groupe d’investisseurs a essayé d’y implanter une franchise, sans succès, avant un plan plus solide en 2016. Il était porté par Dan Gilbert et Tom Gores, propriétaires de franchises NBA à Cleveland et à Detroit respectivement, mais la décision d’utiliser Ford Field et de ne pas construire leur propre stade les fit perdre du terrain, à l’époque, face à Nashville et Sacramento. Depuis, le club de USL Championship, Detroit City FC, s’est institutionnalisé pour devenir plus que le club anti-système qu’il était à ses débuts. Le DCFC paraît cependant encore loin de pouvoir porter une candidature de MLS sur ses épaules, surtout connaissant ses positions historiquement hostiles contre la ligue.
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Phoenix est également une belle candidature, puisqu’une franchise ouvrirait un club en Arizona, terre intéressée par le soccer et à fort potentiel de formation, dans la cinquième plus grande ville des Etats-Unis. Le marché est prometteur : une équipe de USL Championship, le Phoenix Rising, y évolue d’ailleurs, poussé par un groupe d’investisseurs dont font partie Didier Drogba (qui y a joué) et le DJ Diplo. Un temps entraîné par Philippe Carteron, le club a rencontré un succès sportif et populaire dans la ville, bien que moindre qu’à Sacramento. Le nouveau gouverneur de l’équipe, Bill Kraus a d’ailleurs indiqué lors de sa nomination en juillet 2022 qu’il ne pouvait pas décrire légalement les discussions qui avaient lieu entre le Rising et la MLS. Cela pourrait être vu comme une bonne nouvelle, mais il manque tout de même un gros investisseur pour s’acquitter des couteux arrangements pour entrer dans la ligue, surtout qu’un stade couvert serait probablement nécessaire vu la chaleur de l’Arizona.
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Enfin, il reste Tampa Bay. La mention de la ville floridienne en a surpris plus d’un : la ligue a déjà connu un club de Major League Soccer à ses débuts, le Tampa Bay Mutiny. La franchise où jouait Carlos Valderrama n’a jamais rencontré le succès escompté et a disparu dès 2002, avec le Miami Fusion. En 2016, lors de la même campagne d’expansion que Sacramento ou Detroit, le propriétaire des Tampa Bay Rowdies, club de USL Championship et emblématique de NASL dans les années 70, a lancé une campagne pour amener le club en MLS en agrandissant le stade actuel. Le club ne fut pas choisi dans les finalistes et reste pour le moment en USL. Les chances de Tampa restent tout de même assez maigres, dû aux difficultés pour construire un stade spécifique de soccer dans la ville et la présence de déjà deux franchises en Floride.
Excepté les quatre cités, d’autres villes pourraient tenter ou re-tenter si d’avenir, la ligue choisissait de grandir au-delà de 30 franchises. Oakland m’a toujours paru être un projet sérieux, mais la présence dans la Bay Area des San José Earthquakes est un sérieux frein aux ambitions des Roots. Indianapolis a déjà postulé pour une entrée dans la ligue et est une des franchises les plus sérieuses, tant sur le plan sportif que populaire et économique, de l’USL Championship. Cependant, ils construisent actuellement leur propre stade (autour de 20 000 places), avec l’ambition de rester en USL. San Antonio, Louisville et Raleigh, candidates passées, semblent quant à elles avoir pâties géographiquement des arrivées d’Austin, Cincinnati et de Charlotte respectivement. Enfin, côté canadien, Ottawa fut un temps mentionné, mais les échecs du Fury en USL et l’arrivée de l’Atlético en Canadian Premier League a signifié que les futures franchises canadiennes choisiraient en priorité la CanPL. Don Garber avait d’ailleurs mentionné, en 2018, qu’il ne s’attendait pas à voir la ligue s’étendre dans une nouvelle ville au Canada.
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Grandir, mais pourquoi faire ?
Que se passera-t-il une fois que la MLS passera la 32e franchise ? Rien n’empêche la ligue de se structurer avec 34 ou même 36 équipes : « Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas, lorsque vient le bon moment, en réussissant à accommoder les joueurs et le calendrier, à augmenter le nombre d’équipes », précisa en février Don Garber. « Mais nous n’avons pas besoin de nous étendre. Nous le faisons pour construire notre fanbase, qui amène du revenu, que nous pouvons ensuite réintroduire dans le sport ». Il n’a d’ailleurs pas totalement exclu la possibilité, un jour, d’avoir un système de promotion/relégation, même si ce dernier paraît totalement exclu à court ou moyen-terme (« Ce serait comme si une dinde s’exprimait en faveur de Thanksgiving », résumait récemment le président de Nashville Ian Ayre).
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La MLS possède déjà la MLS Next Pro, sa ligue réserve, pour s’étendre dans des territoires moins peuplés, mais il faudra en effet faire attention dans le futur à ce que l’USL ne se développe pas dans des marchés qui pourraient concurrencer la MLS, comme ils le font actuellement à Indianapolis, New Mexico, Louisville, Oakland, Phoenix ou Las Vegas.
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